FailCamp:«j'aurais dû courir les clients au lieu de courir les concours.»

Publié le 29/10/2018 à 15:26

FailCamp:«j'aurais dû courir les clients au lieu de courir les concours.»

Publié le 29/10/2018 à 15:26

Par Diane Bérard

Étienne Crevier, fondateur de BiogeniQ, lors de la conférence Fail Camp (Crédit: Hardiesse Productions)

«Célébrer l’échec? Je veux bien. Mais comment garder un niveau de performance chez nos employés si on célèbre l’erreur? En reconnaissant que toutes les erreurs ne sont pas égales. Il existe un spectre de l’erreur. À une extrémité, celles que l’on célèbre. À l’autre, celles que l’on ne célèbre pas.» Cynthia Savard-Saucier, directrice de l’expérience utilisateur chez Shopify et auteure de «Tragic Design».

Vendredi dernier, j’ai assisté à une nouvelle édition de la conférence FailCamp. Ce n’est pas mon premier FailCamp, j’en ai vu d’autres. Cette fois, je constate un changement de ton. Voilà quelques années déjà que des entrepreneurs et des créateurs défilent sur la scène pour raconter leurs moins bons coups. Genre: «la fois où j’ai eu l’air le plus fou…». Tantôt comiques, tantôt tragiques, ces monologues ont contribué à dédramatiser les inévitables chutes que nous connaissons tous. Vendredi, il m’a semblé qu’on entame une nouvelle ère, celle d’un regard plus critique et nuancé sur l’échec.

Cynthia Savard-Saucier: le spectre de l’erreur

Le ton a été donné par la présentation d’ouverture de Cynthia Savard-Saucier sur le spectre de l’erreur:

-L’erreur stupide: celle-là est issue de la déviance, de l’inattention, d’un manque d’habileté ou de compétences. On ne la célèbre pas;

-L’erreur complexe : celle-là résulte d’un processus inadéquat ou du niveau de difficulté élevé de la tâche. On ne la célèbre pas non plus. On investigue pour comprendre ce qui s’est passé. On cherche les failles et on les corrige;

-L’erreur intelligente : celle-là est issue de l’expérimentation. On a testé des hypothèses. On a exploré un concept ou une idée. On peut la célébrer, car elle découle de la prise de risques.

De la présentation de cette designer, je retiens une seconde réflexion pertinente: il est de bon ton de se moquer des utilisateurs, prétendant que leur inaptitude est la source de tous les maux. Du même coup, on sous-entend que le designer du produit ou du service, lui, a bien fait son travail. Le mythe de l’utilisateur stupide a la vie dure. «Et si l’origine des erreurs se trouvait à 16 pouces du clavier du créateur et non à 16 ans du clavier de l’utilisateur?»

Étienne Crevier, BiogeniQ : «j’aurais dû courir après les clients, au lieu de courir les concours»

«Quand devient-on un entrepreneur?», lance Étienne Crevier à la salle. La plupart des réponses convergent vers la même image: on devient entrepreneur le jour où on se lance, où on choisit de vivre son rêve. Pas du tout! «Tu deviens entrepreneur quand un client paie pour ce que tu as créé», répond le fondateur de BiogeniQ, en paraphrasant Bill Aulet, professeur au MIT Sloan School of Management et auteur de «Disciplined Entrepreneurship».

«J’aurais dû me concentrer sur les clients, confie le jeune entrepreneur, qui a vendu BiogeniQ il y a quelques semaines. Mon plus grand échec a été de gagner trop de prix. En 2015, je fus la jeune pousse la plus décorée au Québec. Je postulais à tous les concours par besoin de validation. J’ai confondu relations publiques et succès en affaires. Les deux premières années de ma vie d’entrepreneur, j’ai couru la course des autres. »

Il poursuit: «j’ai passé plus de temps à remplir des formulaires pour des bourses qu’à chercher des clients. J’ai frôlé la faillite trois fois, faute de revenus suffisants.»

Il conclut en disant, «j’aurais dû appliquer mon modèle d’affaires à mon parcours d’entrepreneur. BiogeniQ propose des tests génétiques. Nous reconnaissons la spécificité de chaque être humain. Cette spécificité exige des traitements médicaux adaptés. Les entrepreneurs aussi sont tous différents. Comment peut-on penser qu’ils doivent tous suivre la même recette pour réussir?»

Judith Fetzer, Cook-It : «il faut voir grand, pas voir gros»

Judith Fetzer, fondatrice de Cook it, lors de la conférence Fail Camp (Crédit: Hardiesse Productions)

«Je ne pouvais pas accepter d’être un peu mauvaise, il fallait que je sois parfaite. Ça m’a paralysée», confie l’entrepreneure qui a démarré le service de prêt-à-cuisiner Cook it en 2014. «Aujourd’hui, j’ai compris que la seule différence entre les entrepreneurs à succès et les autres c’est que les premiers le font. Pour obtenir un résultat, il faut se commettre. Or, très peu de gens veulent se commettre», poursuit-elle.

Quand on voit gros, dit-elle, on évite les vrais sujets. Prisonniers de nos idées de grandeurs, on voit la vie en «tout ou rien». Il nous faut des ventes de deux millions de dollars du jour au lendemain, et des milliers de fans sur les réseaux sociaux. «Après coup, on se rend compte que la plupart des gens s’en fichent des chiffres. Ils veulent entendre parler de votre histoire, savoir comment vous vous êtes construit, pas à pas.»

J’aime bien la conclusion de Judith Fetzer: «tous les entrepreneurs ont connu des périodes poches. Tu peux avoir été n’importe quoi avant. Tu peux avoir fait n’importe quoi avant. Ça ne veut pas dire que tu ne peux pas connaître le succès.» 

Je sais que BiogeniQ a fait son succès en permettant à ses clients de connaître leur ADN. Mais je veux croire que, parfois, on peut transcender notre ADN. C’est ce que la fondatrice de Cook it nous a laissé comme message.

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