RRQ: l'inavouable raison de l'immobilisme


Édition de Octobre 2016

RRQ: l'inavouable raison de l'immobilisme


Édition de Octobre 2016

Se pourrait-il que Québec ne bonifie pas le Régime des rentes pour ne pas toucher à ses coffres, aux dépens d'Ottawa ?

J'ai écrit récemment à propos de certaines raisons qui expliquent le fait que Québec ne veuille pas aligner les dispositions du Régime de rentes du Québec (RRQ) sur les modifications proposées au Régime de pensions du Canada (RPC). J'ai mentionné que vu la fragilité de l'économie du Québec, la hausse de cotisation prévue au régime pourrait porter un dur coup à cette dernière.

Mais il y a autre chose qui m'agace...

Les premiers échos que l'on a eus de la part de Québec en matière de bonification du régime de retraite public font état d'une bonification uniquement pour les personnes gagnant plus de 27 500 dollars par an. Donc, les personnes à faible revenu ne seraient pas touchées. Cela signifie qu'elles ne profiteraient pas d'une rente plus élevée à la retraite, mais qu'elles n'auraient pas non plus à cotiser davantage.

De qui parle-t-on ? Des gens qui triment toute leur vie sans pouvoir mettre d'argent de côté pour leur retraite. Que se passe-t-il alors ? Lorsqu'elles atteignent 65 ans, elles retirent le Supplément de revenu garanti (SRG) et s'en tirent souvent bien, somme toute, par rapport au niveau de vie qu'elles avaient pendant leur période active.

Le SRG est une rente fédérale versée aux personnes de 65 ans et plus (pour les personnes veuves, le programme débute dès 60 ans). Le SRG est réduit en fonction des autres revenus.

Cela signifie que si la rente du RRQ est bonifiée pour un individu, le SRG qu'il recevra sera réduit. Sans entrer dans les détails, disons que, dans la plupart des cas, chaque dollar de RRQ supplémentaire influence négativement le montant du SRG de 0,50 dollar. De plus, la rente du RRQ est imposable, alors que le SRG ne l'est pas. Cela voudrait dire qu'on demanderait aux gens à faible revenu de contribuer davantage au RRQ sans qu'ils en tirent un réel bénéfice.

Serait-il possible que le gouvernement du Québec ait aussi anticipé des pertes financières au profit d'Ottawa ?

Le calcul des impacts totaux est un exercice périlleux, mais tentons de voir les conséquences de la décision du gouvernement du Québec de ne pas s'arrimer avec le reste du Canada.

Cotisations

Les coffres de Québec n'écoperaient pas directement, puisque le régime est financé à 100 % par les travailleurs et les employeurs. Par contre, comme les cotisations sont déductibles du revenu pour les employeurs, une hausse de ces cotisations ferait en sorte que les employeurs déclareraient des revenus moindres, et qu'ils paieraient par conséquent moins d'impôts. Il est vrai que les (rares) contribuables qui voudraient compenser cette « perte » par rapport aux autres provinces en cotisant davantage à leur REER priveraient le gouvernement de revenus. Mais on parle ici de personnes qui gagnent moins de 27 500 dollars par an...

Prestations

Les impacts seraient ici beaucoup plus complexes à calculer. En effet, le calcul doit se faire sur les différences d'impôt que les particuliers paieraient. Le fait de ne pas harmoniser les mesures du RRQ avec celles du reste du Canada priverait les individus de revenus, et par conséquent, réduirait leur facture d'impôt. Les impacts se feraient surtout sentir dans plusieurs années, au moment où les revenus seraient versés par le régime.

Je n'ai malheureusement pas accès à tous les précieux chiffres qui me permettraient d'avancer quelconques hypothèses d'économies pour le Québec. Cependant, je parierais qu'au sein de l'appareil gouvernemental, certains l'ont fait, à moins que je n'écoute trop de séries télévisées...

À propos de ce blogue

Dany Provost possède une formation multidisciplinaire lui permettant d'avoir une vue d'ensemble d'une situation financière. Combinant l'actuariat, la fiscalité, le placement et une grande maîtrise de l'environnement Excel, son expertise lui a permis de développer plusieurs outils de modélisation complexes, notamment en optimisation fiscale et avantages sociaux. Il est directeur planification financière et optimisation fiscale chez SFL Expertise et est l’auteur des livres «Arrêtez de planifier votre retraite, planifiez votre plaisir» et «As-tu réglé ça?» Membre honoraire et expert désigné de l’Institut de planification financière, il est un collaborateur régulier dans les médias en plus d’être chroniqueur en fiscalité dans le journal Finance et Investissement.

Dany Provost