PDG... et seule au monde


Édition du 03 Juin 2017

PDG... et seule au monde


Édition du 03 Juin 2017

We are lonely at the top.

Malgré tous les réseaux et les outils accessibles, j'ai parfois l'impression que ce fameux dicton est plus d'actualité que jamais.

C'est aussi la conclusion d'un récent sondage effectué par l'Université de Stanford auprès de 200 dirigeants et cadres supérieurs. Quelque 66 % des gestionnaires interrogés affirmaient ne pas bénéficier de conseils externes en leadership ou en gestion de conflits, soit la principale préoccupation des répondants.

Je dois reconnaître que je suis attristée par ces résultats. Il me semble vital pour tout dirigeant d'être soutenu par des appuis externes, afin de maintenir la vitalité de son entreprise et de sa vie personnelle. Je me désole de constater que certains choisissent encore de faire cavalier seul, alors qu'ils pourraient échanger avec d'autres dirigeants pour améliorer leur performance.

Au cours de mes conférences et de mes rencontres de mentorat, des gestionnaires me parlent, sous le sceau de la confidence, du poids de leur solitude. Des hommes. Des femmes. Des leaders forts dont on ne soupçonnerait jamais l'étendue des doutes et des questionnements lorsqu'ils se retrouvent seuls.

Je me permets ici de partager avec vous une piste de réflexion : à notre époque où de plus en plus de femmes grimpent les échelons et fondent leur propre entreprise, ont-elles cette même impression d'être seules sur un paquebot parfois difficile à manoeuvrer ?

Même pas peur !

Nous vivons dans un monde de haute performance. Consciemment ou pas, l'image, le jugement et la réputation occupent une grande place dans notre quotidien. Aux yeux de certains, la femme d'affaires est encore trop souvent considérée comme plus émotive et sensible que ses homologues masculins.

Dans l'espoir de prouver que ces étiquettes ne leur collent pas à la peau, plusieurs d'entre elles ripostent en jouant du coude pour décrocher postes et promotions. Elles se forgent une carapace impénétrable et mettent les bouchées doubles pour montrer leur aplomb. Elles sont confiantes, rationnelles, affirmées. Bref, elles sont implacables.

La peur, le doute, les remises en question ? Très peu pour elles. Les émotions ? C'est pour les faibles.

À force de jouer à la superwoman qui ne craint rien ni personne, n'y a-t-il pas un danger de se refuser le droit de demander de l'aide ? Devenir entrepreneure ou gestionnaire de haut niveau ne signifie pas qu'on détient soudainement toutes les réponses !

Les multiples chapeaux de la femme moderne

À mon humble avis, un des facteurs expliquant le sentiment de solitude des dirigeantes et des entrepreneures est paradoxalement lié à leur polyvalence. La femme moderne est partout à la fois. Gestionnaire, éducatrice, ménagère, patronne, infirmière, psychologue, chauffeuse de taxi... Chaque jour, elle porte une quantité impressionnante de chapeaux. Elle est sollicitée 24 heures sur 24.

En cette époque effrénée où le temps nous manque, les promesses de retrouvailles tombent dans l'oubli, les amitiés de longue date s'estompent. De fil en aiguille, le vide se crée.

Comment pouvons-nous former des alliances authentiques si nous n'avons pas le temps de tisser des relations humaines profondes basées sur la confiance ? Comment pouvons-nous aller au-delà du simple échange de cartes professionnelles ? Je parle ici de vraies amitiés, de mentors ou de coachs, avec qui nous pouvons partager nos doutes, nos réflexions, nos états d'âme.

Il faut aussi du temps pour nous poser les vraies questions et réfléchir à des pistes de solution. Comment pouvons-nous avoir le sentiment d'être écoutées par les autres si nous ne nous écoutons pas nous-mêmes ? Cette introspection est impossible entre un dossier urgent et le match de soccer du petit dernier.

L'union fait la force

Après plusieurs années dans le monde des affaires, j'ai compris l'importance d'avoir un bon réseau d'action autour de moi. Si j'ai besoin de dénicher un talent particulier pour mon entreprise, je ne fais pas seulement appel à une agence spécialisée en ressources humaines. Je mets mon réseau professionnel en marche.

Il est bien sûr possible de briser la solitude des dirigeantes et des entrepreneures en passant par des organisations officielles. Il existe heureusement de nombreuses femmes qui mettent tout en oeuvre pour favoriser de véritables alliances dans des secteurs majoritairement masculins.

Un exemple ? Les Elles de la construction, une association qui non seulement souhaite promouvoir la place des femmes dans le domaine de la construction en facilitant leur intégration au marché du travail, mais qui organise aussi des activités de formation et de réseautage dont le but premier est de vaincre l'isolement. Ensemble, elles discutent de défis divers et partagent des solutions. Quelle belle inspiration pour encourager la solidarité, outiller les entrepreneures et travailler de concert avec des consoeurs qui ont probablement rencontré des obstacles similaires aux nôtres !

J'aimerais que les femmes dirigeantes et les entrepreneures parlent plus ouvertement de leurs peurs, de leurs doutes, de leurs échecs, de leurs larmes... Je souhaiterais que la communauté d'affaires féminine soit plus solidaire. C'est ainsi que nous briserons le sentiment de solitude qui nous habite parfois. C'est ainsi que nous accomplirons de belles et grandes choses, personnellement et collectivement.

Biographie

Danièle Henkel a fondé son entreprise en 1997, un an après avoir créé et commercialisé le gant Renaissance, distribué partout dans le monde. Mme Henkel a été plusieurs fois récompensée pour ses qualités de visionnaire et son esprit entrepreneurial. Elle a été juge dans la téléréalité à caractère entrepreneurial Dans l'oeil du dragon, diffusée à Radio-Canada.