Le cri du coeur des repreneurs et des cédants


Édition du 13 Février 2016

Le cri du coeur des repreneurs et des cédants


Édition du 13 Février 2016

En décembre dernier, j'exprimais dans cette chronique mon souhait que le repreneuriat soit plus présent sur la place publique. En 2014, seulement 17,5 % des Québécois qui se sont lancés en affaires ont privilégié la voie de la reprise ou du rachat d'une entreprise existante. Les besoins sont pourtant criants, avec un déficit de 38 000 propriétaires d'ici 2020. Une réflexion était de mise.

Favorisons-nous vraiment la culture du repreneuriat ? Pourrait-on mieux soutenir les repreneurs et les cédants dans leurs démarches ?

Chaque mois, j'ai la chance de recevoir de nombreux commentaires et témoignages inspirants. Échanger avec vous, chers entrepreneurs et dirigeants, est une des grandes joies que me procure cette tribune. Je dois toutefois vous avouer que la chronique sur le repreneuriat a fracassé tous les records ! Le sujet a visiblement suscité des discussions, soulevé des questions, remué des idées... Je suis heureuse de constater que le sujet interpelle tous les acteurs concernés par l'avenir économique du Québec.

Vos histoires m'ont touchée. J'ai lu vos déceptions, vos revers, vos difficultés. Mais j'ai également ressenti votre passion, votre enthousiasme, vos espoirs... Les cédants souhaitent réussir leur transfert de leadership. Les repreneurs sont motivés et compétents. Il importe maintenant de favoriser le maillage et d'élaborer des outils efficaces qui amélioreront les différentes étapes du processus, de la recherche du successeur idéal au plan de transfert. Car au-delà des chiffres et des statistiques, il y a d'abord des récits humains...

Trouver le jumelage parfait

Il n'est pas facile de débusquer de bonnes occasions de reprise. Vos histoires en sont la preuve. Malgré leurs efforts et intentions, les repreneurs ne parviennent pas toujours à rejoindre les propriétaires qui désirent passer le flambeau à la prochaine génération. Une fois que le carnet de relations a été épluché, il faut passer au niveau suivant. Les rencontres. Les petites annonces. Les courtiers en entreprise.

Trouver la bonne occasion, dans le bon secteur et la bonne zone géographique, peut exiger des mois, voire des années. Il ne suffit pas de se lever un beau matin avec le désir de racheter une entreprise ! C'est un projet de longue haleine, comme toute aventure entrepreneuriale.

Heureusement, depuis quelques semaines, je me réjouis de voir apparaître de nouvelles initiatives qui faciliteront le jumelage entre les repreneurs et les cédants.

Au printemps 2015, les neuf centres de transfert d'entreprises (CTE) régionaux ont été unifiés, avec le Groupe Coop Relève, en une seule entité, le Centre de transfert d'entreprise du Québec (CTEQ), afin de s'attaquer aux défis propres au repreneuriat de façon plus efficace et harmonieuse. La mission ? Ouvrir davantage le marché, tout en garantissant la confidentialité des informations sensibles, un enjeu crucial surtout en région. Aucun propriétaire ne veut perdre ses employés, inquiéter ses proches, alerter la concurrence ou réduire la valeur de son entreprise en ébruitant la nouvelle.

En décembre dernier, le CTEQ inaugurait ainsi l'Index, une plateforme en ligne qui facilite le jumelage entre les cédants et les repreneurs. Fonctionnel mais toujours en rodage, l'Index regroupe non seulement l'offre et la demande, mais aussi tous les experts intermédiaires. Il respecte la confidentialité des entrepreneurs inscrits en partageant seulement quelques informations clés, comme la région, le secteur d'activité ainsi que la fourchette générale du chiffre d'affaires. Si un repreneur est intéressé, il peut communiquer avec le conseiller de la région pour une préqualification.

La résistance des cédants

La table est mise, mais tout n'est pas réglé. Le marché regorge d'acheteurs qualifiés, mais les entreprises à vendre restent tapies dans l'ombre. L'Index du CTEQ compte 176 cédants inscrits... pour 2 331 repreneurs !

Il faut dire que les résistances sont fortes chez les cédants. Il y a les enjeux de confidentialité, bien sûr. Mais comme mentor, je sais pertinemment qu'il ne faut surtout pas sous-estimer le facteur émotif.

Les propriétaires de PME négligent parfois de planifier leur succession. Entre les imprévus et les urgences, il est facile de reporter la question du transfert, surtout si le projet de retraite nous inspire peu.

Quand on a été capitaine du navire pendant des années, il n'est pas naturel de céder le gouvernail, surtout si on envisage la vente à des personnes extérieures à l'entreprise. On devra alors ouvrir nos livres à de parfaits inconnus, s'exposer à la critique, appliquer des décisions qui ne sont peut-être pas les nôtres... De vraies montagnes russes émotives !

Entrepreneurs, cette année, je nous lance un défi. Essayons de planifier en amont notre succession. Renseignons-nous. Utilisons les outils et les ressources disponibles.

Attendre au dernier moment peut nous coûter cher, comme entrepreneur mais aussi comme société. Car au-delà du maillage, le repreneuriat vise surtout à permettre un transfert de leadership qui assurera la pérennité de l'entreprise et favorisera la croissance économique. Réaliser un tel exploit prend du temps.

Il serait utopique de croire que le repreneuriat est facile. Certains obstacles doivent être levés, notamment sur le plan fiscal, alors que certaines mesures désavantagent le repreneuriat familial. Mais je suis convaincue qu'à force de patience et de persévérance, nous continuerons de promouvoir le repreneuriat.

L'amour et la passion qui vous ont permis de créer votre entreprise devraient être les mêmes que ceux qui vous animeront lors de la succession. En choisissant la meilleure relève possible, vous garantirez non seulement la pérennité de votre entreprise, mais vous participerez aussi à la croissance de l'économie. Quelle belle fierté ! Je ne peux imaginer une meilleure fin pour conclure ce chapitre de votre vie entrepreneuriale !

Danièle Henkel a fondé son entreprise en 1997, un an après avoir créé et commercialisé le gant Renaissance, distribué partout dans le monde. Mme Henkel a été plusieurs fois récompensée pour ses qualités de visionnaire et son esprit entrepreneurial. Elle est juge dans la téléréalité à caractère entrepreneurial Dans l'oeil du dragon, diffusée à Radio-Canada.

Suivez Danièle Henkel sur Twitter @daniele_henkel