L'argent : honte ou fierté ?

Publié le 14/09/2013 à 00:00

L'argent : honte ou fierté ?

Publié le 14/09/2013 à 00:00

Lors de mon dernier séjour en France, j'ai eu l'occasion de consulter un article du Journal du Net qui dévoilait l'ensemble des rémunérations des dirigeants du SBF 120, un indice boursier qui englobe les 120 principales sociétés cotées en France. Ce document indiquait non seulement les salaires en 2012 des patrons français, mais aussi le détail de leur rémunération, la part fixe, la part variable et les avantages dont ils bénéficient.

Quelques semaines auparavant, le magazine Challenges avait épluché les feuilles de revenus des chanteurs français pour en établir un classement. C'est Johnny Hallyday qui, malgré ses 70 ans, bat tous les records avec 7,6 millions d'euros (M€), loin devant David Guetta qui fait figure de parent pauvre avec 3,1 M€.

Loin de moi l'idée de tenter une comparaison avec les revenus québécois ou de m'aventurer dans un tout autre exercice de ce style ; ce n'est en rien le propos de cette chronique. Mais je me suis rendu compte, en lisant ces classements, qu'au Québec, les seuls revenus vraiment connus de tous sont ceux des joueurs de hockey. Non pas que ceux des dirigeants ou des artistes soient gardés secrets, mais il faut souvent faire face à une «affaire» ou à un scandale pour que certains journalistes d'investigation prennent l'initiative de les divulguer au grand public. Aurait-on honte de gagner de l'argent au Québec ? Honnêtement, j'entends...

Je réussis, mais vous ne le saurez pas !

La richesse n'est que l'une des conséquences de la réussite qui, elle, ne vient jamais seule. Si elle peut être le fruit d'une idée géniale, d'un excellent produit, d'un talent remarquable, d'une ambition à toute épreuve ou de tout autre don que la nature aura bien voulu nous offrir, elle est toujours associée à un extraordinaire travail, à une organisation rigoureuse et à des sacrifices tant personnels que familiaux souvent inimaginables. Alors, pourquoi tant de pudeur face à tant d'efforts ? Aurait-on honte de notre ambition et des efforts inconditionnels que nous déployons pour parvenir à nos objectifs ? Je me le demande parfois...

Les Américains, les Européens et les Latins montrent souvent un peu moins de retenue que nous quant à la «visibilité» de leur réussite. Peut-être aussi parce que le public est mieux disposé à l'accepter que nous ne le sommes au Québec. Si les revenus des joueurs de hockey et le train de vie qui s'y rattache n'étonnent et ne choquent personne, nous restons un peu moins réceptifs à certaines manifestations de réussite quand il s'agit d'un artiste et encore moins s'il s'agit d'un patron.

Pourtant, ce patron emploie et fait peut-être vivre des milliers de familles. Il contribue au développement de nombreux sous-traitants et au rayonnement du Québec à l'international grâce à ses produits et à un savoir-faire qu'il exporte. Tout comme les nombreux employés de son entreprise, il paie des impôts, et sa société contribue largement aux revenus municipaux, régionaux et gouvernementaux par l'intermédiaire de toutes sortes de taxes... Sans compter qu'il fera aussi travailler le monde de la construction lors du futur agrandissement de ses locaux, sans oublier qu'il participe aussi à de nombreuses causes et oeuvres caritatives. Les répercussions de cette réussite impacteront sensiblement notre quotidien par les différents impôts et taxes qui doivent aussi servir à améliorer l'éducation, la santé et la culture, entre autres... Ce patron n'a-t-il pas le droit de savourer aussi un peu sa réussite et de se faire plaisir ?

Quand l'apparence de la réussite peut contribuer au succès

À un degré moindre, tout signe extérieur de réussite peut aussi contribuer à... votre réussite. L'un de mes collaborateurs ayant fait une partie de sa carrière comme vendeur chez IBM en Europe me racontait qu'il y a quelques années, alors que l'économie mondiale était un peu plus favorable qu'elle ne l'est aujourd'hui, cette compagnie internationale accordait (et accorde toujours) une très grande importance à l'apparence de ses représentants, qui devait être irréprochable. La tenue vestimentaire bien sûr, mais aussi la voiture ! À cette époque-là, les indemnités mensuelles pour l'utilisation de leur véhicule personnel à des fins professionnelles étaient telles qu'ils pouvaient se permettre de travailler dans de luxueuses voitures, et cela avait un effet très favorable sur leurs résultats de vente. Inconsciemment, nous associons belle voiture à argent et, dans ce cas précis, argent à bonnes ventes, donc à bons produits. Très naturellement, nous aurons tendance à faire beaucoup plus confiance à ce représentant qui semble bien réussir dans la vente de ses produits qu'à cet autre dont la «minoune» est le triste reflet de ses difficultés à «caser» les siens. Si notre inconscient nous guide dans nos achats et parfois dans nos décisions, notre raison reste quant à elle quelquefois très timorée. La réussite, oui ! mais pas trop... ou du moins pas trop éclatante et visible !

Que mes propos ne soient pas mal interprétés. Je ne prône pas un étalement malsain de toute forme de richesse ou une démonstration exagérée de la réussite. Je pense au contraire que le succès des uns doit être profitable aux autres, mais que tout contributeur important au développement d'une société comme la nôtre peut aussi avoir le privilège d'en profiter sans risquer d'être jugé. Il serait temps de nous libérer de certains préjugés qui peuvent parfois inhiber notre propre succès. Mais ça, c'est une autre affaire.

Biographie

Danièle Henkel a été la conseillère de l'ambassadeur des États-Unis en Algérie pendant 12 ans, avant d'immigrer au Canada avec son mari et ses quatre enfants au début des années 1990. En 1997, Danièle Henkel fonde son entreprise, un an après avoir créé et commercialisé le «gant Renaissance», aujourd'hui distribué partout dans le monde.

Au cours de sa carrière, Mme Henkel a été plusieurs fois récompensée pour ses qualités de visionnaire et son esprit entrepreneurial. L'été dernier, elle a été juge dans une téléréalité à caractère entrepreneurial, Dans l'oeil du dragon, diffusée à Radio-Canada. Sa participation à cette émission lui a permis d'acquérir une grande visibilité et d'être reconnue pour son honnêteté et son charisme exceptionnel.