Votre passion est-elle devenue un gouffre financier?

Publié le 03/05/2016 à 11:45

Votre passion est-elle devenue un gouffre financier?

Publié le 03/05/2016 à 11:45

Je reviens d’une petite semaine de congé. J’ai fait quelques travaux à la maison et j’ai constaté que c’est la cohue chez Ikea le mercredi aussi. J’ai également appris que ce n’était pas une bonne idée de choisir une couleur de peinture sur un iPhone.

Bref, ce fut une semaine à améliorer mon cocon, sans grandes histoires, à part peut-être ce galon de peinture mauve que j’ai abandonné subtilement dans l’allée des luminaires d’un centre de rénovations.

Est-ce que ma vie manque de piquant ?

Certains en auraient profité pour faire de la plongée sous-marine au Costa Rica. D’autres auraient enfourché leur vélo de route afin de faire progresser l’odomètre vers l’objectif de l’été. D’autres encore auraient pratiqué leur swing sur un terrain de golf à Myrtle Beach ou avancé le meuble monumental sur lequel ils travaillent depuis quelques mois.

Et moi, j’ai refait mon bureau… Si seulement j’étais passionné du pinceau et de la déco!

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J’envie les passionnés. En plus d’être exaltante, leur vie paraît plus simple. Le moindre instant libre est pour eux une occasion de se livrer à leur passe-temps, de lire sur leur passe-temps ou d’échanger sur leur passe-temps. Ça apporte la paix d’esprit, un peu comme la religion.

Sauf que ça coûte plus cher que la quête du dimanche. Prenez la course à pied. On peut bien courir 5 km trois fois par semaine avec un investissement minimal, mais lorsqu’on commence à enchaîner les demis et les marathons comme les passionnés, la facture monte vite: équipement, déplacement, hôtel, frais d’inscription, entraîneur…

Sébastien St-Hilaire et Mélanie Labelle, deux anciens collègues, participent à des ultramarathons, des courses de 160 kilomètres en sentier. Quand Sébastien s’est acheté des chaussures récemment, il est ressorti de la boutique avec cinq paires, chacune destinée à des conditions particulières. Les événements auxquels le couple participe sont rares. Leur prochaine compétition aura lieu en Californie dans moins de deux mois.

Combien ça coûte? La course s’est tellement imbriquée dans la vie du couple qu’il est devenu impossible d’isoler le coût de leur activité. «C’est un mode de vie», dit Sébastien. Leur entraînement impose un régime strict; ils ne boivent pratiquement plus d’alcool et fréquentent rarement les restaurants. Et leurs voyages sont centrés sur les compétitions.

Pour d’autres fanatiques, il est plus facile de connaître le coût réel de leur passion. Tenez, j’ai un ami maniaque de matériel hi-fi, le genre à payer des sommes indécentes sur des câbles et à lorgner des caisses de son dont le prix rivalise avec celui d’une petite voiture (il dirait une grosse). Il me perd en débitant des termes techniques et des noms de fabricants britanniques, allemands, américains et canadiens que je n’oserai pas qualifier d’obscurs de peur de me faire traiter d’inculte ou d’hérétique.

Avec d’autres copains, il m’a traîné au Salon du son de Montréal récemment. Comme j’écoute beaucoup de musique, je n’ai pas eu de mal à me laisser convaincre. J’étais curieux d’entendre des chaînes entre 20 000 et 50 000 dollars. Évidemment, ce sont le plus souvent les millionnaires qui se permettent ces joujoux, mais à en juger par l’assistance au salon, l’univers hi-fi est surtout peuplé de geeks pas particulièrement friqués. Il ne faut pas se fier aux apparences, mais j’en imagine rogner sur l’essentiel pour s’offrir un système de la mort.

Ce n’est pas le cas de mon copain, remarquez, mais sa passion n’est pas loin de figurer sur la liste des troubles mentaux. Car il a beau avoir une chaîne stéréo dont la valeur se situe facilement dans les 5 chiffres, il est toujours tenté par quelque chose de mieux, puisque malheureusement dans ce monde, il y a toujours mieux. L’autre jour, il a fait l’essai d’un ampli à lampe pour… casque d’écoute, une bagatelle de 1500 dollars. J’étais là lorsqu’il l’a déballé, on se serait cru à Noël. Sauf que le blondinet surexcité pèse plus de 90 kilos. Après un essai, il a reconnu, un peu déçu, que ça n’en valait pas le prix. Penaud, il l'a rapporté au magasin. 

Pour d’autres, c’est le vin, les instruments de musique, la randonnée pédestre, ou les figurines de Star Wars. Il y a la nourriture aussi. Des foodies sont prêts à dépenser des sommes considérables pour des voyages gastronomiques ou pour le privilège de suivre un cours de cuisine avec un chef reconnu.

C’est génial tout ça, mais comme il n’y pas de limites, on peut se poser la question: quand est-ce que ça devient trop? Quand ça dépasse du budget discrétionnaire. Comment le savoir? En faisant un budget.

Ne me traitez pas de rabat-joie ou de brise-rêve.

Il y a des symptômes. Si vous ne parvenez pas à épargner, c’est mauvais signe. Si vos dettes augmentent année après année, c’est pire. Et si en plus de tout ça vous cachez la situation à votre entourage, il y a un gros problème.

Pour certaines activités, pourtant, il est possible de réduire les coûts et parfois même de faire des revenus. Le coureur Sébastien, par exemple, a demandé à un fabricant de vêtements de sport de lui accorder des rabais en échange de visibilité. Et s’il avait le temps, il pourrait en faire autant pour certains frais reliés aux compétitions. À son niveau, c’est possible, mais c’est plus simple pour lui de payer, et il en a les moyens.

Certains ont transformé leur passe-temps en revenu d’appoint, parfois même en travail à temps plein. Je pense aux passionnés du vin qui sont devenus sommeliers ou chroniqueurs, aux foodies qui organisent des cours de cuisines, aux collectionneurs qui négocient sur eBay, et bien sûr aux tripeux d’artisanat qui vendent leurs créations sur Etsy.

Et s’il n’avait pas son travail qui lui permet de se payer ses joujoux sans égratigner sa capacité d’épargne, mon blondinet copain pourrait s’ouvrir une boutique spécialisée.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.