Vos baisses d'impôts traduites en pogos

Publié le 31/03/2017 à 08:35

Vos baisses d'impôts traduites en pogos

Publié le 31/03/2017 à 08:35

Ottawa la semaine dernière, Québec plus tôt cette semaine. Pour le journaliste économique et financier, la couverture d’un budget est un moment riche en adrénaline, je ne vous dis pas.

C’est aussi l’occasion de vivre une escapade gastronomique avec d’estimés collègues: hot chicken tiède au St-Hubert Express de Rigaud, poutine classique à la Fromagerie Lemaire de Saint-Germain-de-Grantham, pizza croute (très) épaisse au renommé établissement Le Canadien, sur la route 122, à Notre-Dame-du-Bon-Conseil.

Particulièrement charmant ce dernier endroit, avec son style rustique, les murs en lattes de bois, les nappes à carreaux rouges et, surplombant la salle à manger, cette oeuvre d’où jaillit une énorme pizza peu ragoûtante. À défaut de nous mettre en appétit, la toile alimente notre curiosité: elle est signée «Pierre Bouchard». La sympathique serveuse a tout de suite réfuté notre hypothèse, l’ancien défenseur de la Sainte Flanelle n’est pas l’artiste derrière cette all dressed un peu naïve. Quelle coïncidence quand même!

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Pourquoi je vous raconte tout ça déjà? Ah oui! Qu’est-ce qui faisait jaser le sur-lendemain du dépôt du budget provincial? Le rafistolage des écoles? Les nouvelles grappes industrielles? Les coûts de santé?

Non! Les pogos de Manon Massé.

«Ça prend pas le pogo le plus dégelé de la boîte pour comprendre qu'après avoir mis le feu dans la bâtisse, ce n'est pas un coup de peinture et des rideaux qui vont changer les choses.» Paf! Manon est devenue la vedette du budget, on en a presque oublié le nom du ministre des Finances.

Au concours des analogies, François Bonnardel, sur la même tribune au cours du huis clos, s’est montré beaucoup moins inspiré. Le leader parlementaire de la CAQ nous a sorti cette comparaison convenue avec le café: «55 piastres, c’est l’équivalent de tant de cafés…» Je cite de mémoire, je ne me souviens plus s’il parlait de café de Tim Hortons, personne ne s’en rappelle vraiment, mais vous aurez remarqué qu’aucun collègue n’a parlé de café dans les jours suivants, on n’en avait que pour la boîte de pogos à Manon.

Avec sa comparaison avec le café, le débuté de la CAQ voulait souligner la minceur des baisses d’impôt: 55 $ par tête de pipe. Il faut dire qu’à la CAQ, on aime bien larmoyer sur le sort des familles de la classe moyenne, des ménages dont le salut repose essentiellement sur des baisses d’impôt, quitte à vider le Fonds des générations.

J’entends peut-être un peu mal, mais ce n’est pas tout à fait ce que je décode dans la clameur qui flotte au-dessus de la multitude. Les familles me semblent plus préoccupées par le système d’éducation, du manque de personnel dans les écoles et des bâtisses qui tombent en ruines.

Mais au fait, les baisses d’impôt, sont-elles aussi insignifiantes qu’on le dit? Traduisons la chose en pogos, tout le monde aime ça, même ceux qui disent le contraire. Ça parle, un pogo.

Mais on rencontre cette difficulté: le cours du pogo est assez volatile. Chez IGA, la boîte de 20 coûte 14,99$ (0,74 $/un). La fameuse saucisse enrobée de pâte a atteint un creux en 2013 chez Maxi à cause d'un coupon-rabais, la boîte en question a reculé sous la barre des sept dollars. Mais c’est chez Costco que le pogo est le plus abordable actuellement: la boîte de 30 se détaille 11,89$, ce qui revient à un peu plus de 39 cents l’unité. Et on ne parle pas d’une vulgaire copie. Le vrai, avec «Pogo» écrit sur le bâton.

En haussant le revenu personnel de base (les premiers dollars gagnés non imposés), Québec a réduit la facture fiscale de chaque individu de 55 $, soit plus de 141 pogos par année. Pour un ménage comptant deux contribuables, on arrive à 282 pogos.

Le ministre Leitao a aussi annoncé l’abolition de la taxe santé. Celle accordée rétroactivement pour l’année 2016 peut être considérée comme un cadeau ponctuel de 448 pogos, mais n’en reste pas moins que la disparition de cette contribution santé représente une baisse du fardeau fiscal bien tangible pour les années subséquentes. Dans une famille de deux adultes, c’est l’équivalent de 896 pogos par année. Et pour un couple dont les deux conjoints gagnent plus de 134 000 dollars, comme le ministre Gaétan Barrette et son épouse, l’abolition de la taxe santé équivaut à 5128 pogos.

Et là, je n’ai pas parlé de toutes ces petites mesures plus discrètes qui profiteront à des clientèles plus ciblées, comme les bonifications du bouclier fiscal, des primes au travail et du crédit d’impôt pour les travailleurs d’expérience. Et je n’inclus pas non plus le crédit à la rénovation RénoVert, aide qui peut atteindre 25 641 pogos.

Donc, une famille de la classe moyenne a vu ses impôts baisser de 1334 pogos par année. Et les ménages les plus aisés, de 5 576 pogos. Mine de rien, c’est l’équivalent de 418 kilos de pogos par année, soit plus de 100 kilos par personne pour une famille de quatre.

En café, ç'a l’air de rien. Mais en pogos, c’est insoutenable!

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.