Une protection contre la vieillesse…

Publié le 26/11/2018 à 07:00

Une protection contre la vieillesse…

Publié le 26/11/2018 à 07:00

LE COURRIER DU PORTEFEUILLE - La rente viagère, ça intéresse bien peu de gens. Les clients ne se précipitent pas chez leur conseiller pour en acheter. Ils craignent souvent de laisser de l’argent sur la table en donnant un gros montant à un assureur en échange d’une prestation annuelle qui paraît modeste.

À la suite de mon appel aux lecteurs à soumettre des questions de finances personnelles, j’ai reçu à ma grande surprise non pas un, mais deux courriels à ce sujet. Sylvain, d’abord, se dit curieux du fonctionnement. Il a entendu dire qu’on pouvait acheter une rente avec le contenu de son REER pour ne pas payer d’impôt lors du décaissement. «À compter de quel âge est-ce pertinent d’acheter une rente viagère. Et pour quel montant?» se demande-t-il? Il dit aussi avoir lu quelque par qu’il existait deux types de rentes, une enregistrée et l’autre, pas. Qu’est-ce qui les distingue?

Rappelons ce qu’est une rente viagère. Il s’agit d’un produit financier offert par les compagnies d’assurance vie. En échange d’une somme X, l’assureur s’engage à vous verser une rente Y chaque année aussi longtemps que vous vivez.

Comment l’assureur établit-il le montant de la rente? Celui-ci a développé une expertise sans pareille pour estimer le moment du décès de sa clientèle, c’est son métier.

Ne vous méprenez pas, il est incapable de prédire le moment de votre mort. Mais à l’intérieur d’un vaste bassin de clients, il peut prévoir la répartition des décès selon l’âge et le sexe. Ce n’est pas sorcier, des tables de mortalité existent depuis des lustres et sont régulièrement raffinées et mises à jour.

L’assureur déterminera le montant de la rente en fonction bien sûr de votre investissement, mais surtout, du moment le plus probable que vous soyez mort. Il prendra votre argent et l’investira de manière sécuritaire, surtout dans les obligations. Il divisera le montant par le nombre d’années qui vous sépare du moment estimé de votre décès. Le résultat donnera grosso modo votre rente, après qu’il ait pris son profit et couvert ses frais.

Dans le groupe, il y en aura toutefois qui battront les probabilités en vivant plus longtemps. Leur rente sera financée par ceux, moins chanceux, qui mourront plus jeunes que prévu. L’assureur court peu de risque. Le client, oui, tout de même. S’il meurt avant le moment prévu, sa succession, son conjoint survivant surtout, aura perdu de l’argent. En revanche, il est gagnant s’il vit plus longtemps.

Il est donc impossible d’avancer le taux de rendement d’une rente viagère au moment de l’achat. Il ne sera connu qu’au moment du décès de celui qui y aura souscrit. Le gagnant aura tout le loisir de savourer son gain, et ce chaque année qu’il ajoutera au compteur de son passage sur terre. Le perdant n’en sortira pas pour autant amer. Il reposera en paix.

Maintenant, oui, il est possible d’acheter une rente viagère avec l’argent provenant du REER. Toutefois, notre lecteur a tort de penser qu’il pourrait ainsi éviter de payer de l’impôt. Les versements seront imposables de la même manière que des retraits du REER ou d’un Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR). Comme un revenu, donc.

Lorsque la rente est achetée avec de l’épargne non enregistrée ou accumulée dans un CELI, il s’agit alors d’une rente prescrite. Comme elle a été acquise avec des sommes sur lesquelles, au contraire du REER, a déjà été prélevé de l’impôt, elle n’est pas imposée… de la même manière.

Une fraction de la rente est considérée comme un revenu imposable, le fisc estimant que la prestation est composée d’un retour du capital et d’un revenu d’intérêt.

À quel âge souscrire une rente? Réponse bête: plus tard que tôt, si possible. Plus jeune on l’achète, moins importante sera le montant de la prestation (et plus grande sera la portion imposable d’une rente prescrite). En repoussant le moment de l’achat, on réduit en outre le risque de perdre à la suite de décès prématuré.  

Plusieurs options sont offertes par les assureurs. Par exemple, vous pouvez opter pour une rente plus ou moins indexée ou non indexée. La prestation indexée sera plus maigre au début et augmentera avec les années pour couvrir une partie de l’inflation.

Une rente viagère peut aussi être assortie d’une garantie de paiement minimum, par exemple sept ans, et ce même si le bénéficiaire décède avant. Une telle option augmente toutefois le coût de la rente.

Nombreux sont les retraités qui n’achèteraient pas ce produit sans une telle garantie. Comme le but de la rente viagère consiste à mutualiser le risque de vivre vieux, l’idéal serait pour tout le monde de décliner toutes les options et de jouer le jeu à fond.

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Un autre lecteur, Pierre, écrit ceci:

«Que penser de la rente viagère prescrite sans garantie (suite à la réforme de 2016 qui a doublé sa portion imposable) pour les hommes célibataires de bientôt 65 ans qui ont un bon capital non enregistré à investir afin de s'assurer un revenu viable, stable et prévisible jusqu'à leur décès, mais qui se retrouvent dans une situation bien particulière, assez limite: à peu près pas de RRQ, et bientôt la PV [pension de vieillesse], mais surtout la nécessité d'obtenir le maximum de SRG possible s'ils veulent se sortir la tête de l'eau? Y a-t-il une meilleure alternative?»

Je vous épargne les détails de la réforme, sinon pour soulever le fait qu’avant 2016, le fisc utilisait une table de mortalité datant des années 1970 pour établir la portion imposable d’une rente. Ils se sont mis à niveau récemment, ce qui a fait augmenter du jour au lendemain l’impôt à payer sur les prestations des rentes viagères prescrites.

Un tel produit joue le rôle d’assurance longévité. Elle est généralement indiquée pour ceux qui:

1-risquent fort d’épuiser leur épargne avant de mourir. La rente viagère n’est pas recommandée à ceux qui ont la certitude de laisser de l’argent derrière eux ou les autres dont l'état santé ne présage pas l'atteinte d'un âge vénérable.

2-qui ne peuvent pas compter sur des revenus viagers suffisants, ce qui inclut les régimes de retraite d’employeur à prestations déterminées, le RRQ, la Pension de vieillesse et le supplément de revenu garanti (SRG) auquel ont droit les retraités à faibles revenus.

Je me garderai de faire dans le conseil personnel. Le principe général souligne néanmoins la pertinence de la question.

Notre lecteur demande également si ce serait une bonne idée de placer une partie de ses billes dans un fonds indiciel s’appuyant sur la Bourse américaine pour se protéger contre l’inflation.

Il m’est impossible de faire des recommandations de ce genre, mais je conclurais en disant que la rente viagère remplace généralement la portion prudente d’un portefeuille. 

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Les éléments présentés ici sont d’ordre général. C’est le principe du «Courrier du portefeuille». Nos lecteurs sont invités à consulter un professionnel pour obtenir des conseils répondant à leur situation personnelle.

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Vous avez des questions, votre portefeuille vacille? Écrivez-nous! daniel.germain@tc.tc.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.