Une météorite menace la planète des fonds de placement

Publié le 15/07/2016 à 07:57

Une météorite menace la planète des fonds de placement

Publié le 15/07/2016 à 07:57

La semaine dernière, je lisais qu’une étude américaine avait démontré un lien net entre le taux de prescriptions de médicaments et les repas offerts aux médecins par les sociétés pharmaceutiques. L’étude n’établit pas de lien de cause à effet clair, mais le bon docteur américain a tendance à prescrire davantage les pilules du fabricant qui lui remplit la panse.

Le plus étonnant, c’est qu’un club sandwich, une tarte aux pacanes et un café font le travail. Les chercheurs ont décelé une corrélation entre un taux de prescriptions plus élevé et un seul repas à 20 dollars. Quand même!

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Si on remplace le médecin par le gestionnaire de portefeuilles, et la société pharmaceutique par une compagnie de fonds communs de placement, je me demande si ça fonctionne toujours. Peut-être pas pour 20$, mais de toute façon, les Fidelity et Invesco de ce monde ne sont pas chiches. Quand leurs représentants débarquent en ville, ils n’amènent pas les conseillers chez Nickels pour leur expliquer leur nouvelle famille de fonds mondiaux, vous pouvez me croire.

Il faut dire qu’ils entretiennent déjà un lien étroit, les fabricants de fonds communs et leurs intermédiaires. Si fort en fait qu’on pourrait comparer ce lien à un cordon ombilical. Vous me voyez peut-être venir… je veux retourner à la question des commissions de suivi dont j’ai fait mention dans ma chronique de mardi.

Il est important d’y revenir puisqu’elles concernent spécifiquement le véhicule d’investissement de loin le plus populaire chez les particuliers: les fonds communs de placement. Au Canada, les sommes qui y sont investies gravitent autour du trillion de dollars, dix fois plus que dans les fonds négociés en Bourse.

Les commissions de suivi, donc. Comme je l’expliquais, il s’agit ici d’un frais (intégré) perçus par la société du fonds à même l’actif du client et redistribué ensuite aux courtiers sous forme de commissions (de suivi) versées chaque année, et ce, aussi longtemps que l’épargnant conserve les fonds communs dans son portefeuille. Pour le courtier, cette commission varie entre 1% et 0,5% de l’actif sous gestion, selon le type de fonds. La commission de suivi, c’est le pain et le beurre des conseillers en épargne collective et de bien des gestionnaires de portefeuille (pas tous, certains fonctionnent à honoraires).

À cela s’ajoute parfois la commission de vente. Celle-ci est généralement versée au courtier à la vente d’un fonds, mais pas tous les fonds. Elle touche principalement les fonds viciés par des frais différés, communément appelés «frais de sortie». Je vais vous avouer, je croyais que les frais de sortie étaient en voie de disparition, mais il parait qu’au contraire, ils abondent encore. Il s’agit d’une ponction effectuée sur l’actif du fonds lorsque le client liquide ses parts avant une période déterminée (entre cinq et sept ans). Autrement dit, le client est attaché.

Les conseillers qui poussent ces fonds feront souvent valoir que les frais de sortie sont bénéfiques pour le client, car ils l’empêchent de vendre à de mauvais moments. Ils l’incitent à la patience, le meilleur ami du rendement. S’il est vrai que la patience est une vertu en placement, l’argument est fallacieux. Comment peut-on affirmer qu’un frais a été prévu dans l’intérêt du client? J’applaudirais sans hésiter à l’annonce des frais de sortie.

Et que dire des commissions de suivi? Mon opinion est moins tranchée. La question n’est pas hypothétique, les autorités en valeurs mobilières du pays songent sérieusement à les faire disparaître du décor dans la foulée du MRCC2, dont je vous entretenais mardi. Inutile de vous dire, c’est la panique dans l’industrie. Dans les pays où de telles réformes ont été mises en place, notamment au Royaume-Uni, des cabinets ont fermé leurs portes avant même qu’elles soient appliquées.

Si les frais intégrés sont abolis, comment les conseillers en épargne collective et autres gestionnaires de portefeuilles seront payés? Ils devront faire comme les avocats, les comptables et les dentistes: ils devront facturer des honoraires. Nous atteindrions alors un niveau supérieur de transparence.

En principe, je suis entièrement d’accord. Avec le mode de rémunération actuel, l’intérêt des clients n’est pas assuré. Il est trop facile d'encaisser des commissions et certains conseillers trouveraient gênant d'envoyer une facture à leurs clients. 

Mais seulement, je m’interroge sur deux points: d’abord, l’épargnant ordinaire, est-il prêt à être facturé et à payer des honoraires? J’ai un doute. Je rencontre des gens à l’occasion qui me demandent des références pour un bon planificateur indépendant. Quand ils connaissent le prix d’une planification financière, ils y renoncent. Il faut le reconnaitre, les services financiers sont peu valorisés. Il y a là un examen de conscience à faire à mon avis du côté de l'industrie. 

Les organismes qui représentent l’industrie des fonds communs n’ont pas tort de brandir cet argument. S’ils jouent intensément cette carte, ne nous leurrons pas, ils ne le font pas tant dans l’intérêt des clients que dans celui de leurs membres, dont plusieurs ne survivraient pas à l'abolition des frais de suivi.

L’autre point, tout simple, se résume en cette question: qui voudra bien s’occuper des petits portefeuilles?

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.