Tous unis dans la classe moyenne

Publié le 03/02/2015 à 12:05

Tous unis dans la classe moyenne

Publié le 03/02/2015 à 12:05

Durant mes années d’université, j’ai connu une phase d’intense curiosité pour les phénomènes étranges de la physique quantique. Au niveau des particules fondamentales, de l’infiniment petit, les choses ne fonctionnent pas de la même manière qu’à l’échelle de nos sens, comme si elles étaient régies par d’autres lois qui dépassent parfois l’entendement. 

J’éprouve le même genre d’émerveillement quand mes collègues de la banlieue me jurent qu'il leur faut 40 minutes pour se rendre de leur domicile jusqu’au travail, au coin des rues Peel et René-Lévesque. «Porte-à-porte!» s’empressent-ils d’ajouter (surtout les nouveaux citoyens de la couronne montréalaise), comme si l’exploit n’était pas assez inouï. De Longueuil jusqu’au centre-ville: 40 minutes. De Mascouche au centre-ville: 40 minutes. Blainville, Brossard, St-Hubert, Boucherville… 40 minutes. Certains de mes collègues banlieusards sont comme des particules quantiques, ils défient l’espace-temps! (Et le trafic!)

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Qu’est-ce que je voulais dire déjà? Ah oui! La classe moyenne… Demandez à n’importe qui s’il fait partie de la classe moyenne, il vous répondra oui. Tu gagnes 100 000, ta blonde aussi? «Classe moyenne». Tu en empruntes 200 à ton beau-frère pour faire réparer ton bazou? «Classe moyenne». T’habilles ta marmaille chez Souris Mini? «Classe moyenne». À la friperie ? «Classe moyenne».

Pourquoi parler de la classe moyenne? La semaine dernière, le ministre des Finances Joe Oliver en a fait sourciller quelques-uns en affirmant que les deux tiers des allègements fiscaux annoncés à l’automne (bonification de la PUGE, fractionnement de revenus pour les couples avec enfants) allaient bénéficier aux gens à faible et à moyen revenus. En grattant un peu, on s’aperçoit que ces derniers incluent les ménages gagnant jusqu’à 120 000 dollars par année, selon l’interprétation du ministre.

À mots à peine couverts, on a accusé le lieutenant de Stephen Harper de «ratisser large». C’est vrai que la «classe moyenne» est une étiquette des plus vagues qui permet d’interpeller bien du monde. Mais faut-il en exclure les familles qui gagnent plus de 100 000 dollars? 

Faites-vous partie de la classe moyenne?

Mais alors, qu’est-ce que la classe moyenne ? Doit-on la définir sur la base du revenu familial? Au Québec, 38 % des ménages gagnent entre 30 000 et 60 000 dollars (2011), ce qui représente le groupe démographique le plus important. Est-ce cela la classe moyenne québécoise? Doit-on y ajouter, comme certains le préconisent aux États-Unis, ceux de la catégorie de revenu supérieure, de 60 000 à 100 000 dollars (24% de la population de la province)? Faut-il l'envisager par quartiles, par exemple les 2e et 3e quartiles, ou les 50 % qui gravitent autour du revenu médian ? Personne ne s’entend. 

D’autres définissent la classe moyenne selon le revenu discrétionnaire. Par exemple, pour entrer dans le club, il faut qu’une fois payées les factures, l’épicerie, l’éducation des enfants et l’hypothèque, il reste un tiers du revenu inutilisé. Selon cette définition, celui dont la paie nette mensuelle s’élève à 3000 dollars doit avoir 1000 dollars disponibles à la fin du mois pour épargner, voyager ou consommer des biens non essentiels. Vous reconnaissez-vous?

Instinctivement, on associe la classe moyenne aux adultes qui occupent le marché du travail. On trouve alors de tout, du ménage dont les revenus s'élèvent à 40 000 dollars en allant jusqu’à cette «mini bourgeoisie» qui gagne entre 100 000 et 120 000 dollars (composée non seulement de professionnels et de petits boss, mais aussi de cols bleus, de cols blancs et de travailleurs d’usine syndiqués).

J'en conviens, le spectre est large, mais les gens qui l'occupent, peu importe le revenu, ont quelques points en commun qui confèrent une certaine homogénéité à la classe moyenne, et sans doute un sentiment d'appartenance: plus personne dans ce groupe (dans sa définition la plus inclusive) n'a les moyens d'accéder à la propriété, ni même d'acheter une auto neuve, sans être handicapé par un lourd endettement. 

On n’a plus la classe moyenne qu’on avait… Mais on peut se consoler en se rappelant qu’on ne sera jamais plus loin qu’à 40 minutes du boulot.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.