Savez-vous vraiment de quoi vous héritez?

Publié le 21/11/2017 à 11:30

Savez-vous vraiment de quoi vous héritez?

Publié le 21/11/2017 à 11:30

Se geler les fesses sur un banc d’aréna le samedi matin pour regarder des gamins de sept ans jouer du protohockey, j’appelle ça une pénitence. Ajoutez le mauvais café de cantine et des parents exaltés qui engueulent les arbitres et l’entraîneur bénévole, alors là j’appelle ça un supplice. Quand des collègues me racontent leur week-end passé au bord de la patinoire, j’éprouve un sentiment qui balance entre l’admiration et la pitié.

Mais qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour ses enfants?

Il y a des responsabilités desquelles on ne peut se soustraire. Au nom du devoir, on ne fait pas toujours ce qu’on veut, même certains samedis matin. Ma mère, qui en a usé des pantalons à l’aréna pour ses quatre garçons, me l’a rappelé en réagissant de manière laconique à ma dernière chronique: «Tu seras liquidateur de ma succession, mon fils.»

Mais qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour ses parents ?

Je vous expliquais comment le règlement d’une succession pouvait être fastidieux et frustrant. Choisir un liquidateur revient en quelque sorte à infliger une punition à la personne désignée, disais-je. Le moins qu’on puisse faire pour lui faciliter la tâche est d’avoir un testament à jour, de garder ses affaires en ordre, de lui donner des indications claires et, dans certains cas, de lui accorder une petite faveur sur le testament. Mais tout le monde ne se donne pas cette peine, comme le père de cet ami dont je vous racontais les péripéties la semaine dernière.

Une personne nommée pour mener à bien une liquidation ne sait donc pas toujours ce qui l’attend. Légalement, il peut refuser le mandat, m’ont rappelé quelques lecteurs. C'est possible en effet. Dans ce cas, il revient aux héritiers d’en choisir un autre. Mais c’est délicat, avouez-le. En se désistant, une personne désignée repousse le fardeau entre les mains d’un autre héritier, souvent un frère ou une soeur. À moins qu’elle ait une bonne raison de le faire, ça pourrait nuire à l’esprit de famille. Une autre option consiste à confier le mandat à un tiers contre rémunération, mais à moins que la succession ne soit suffisamment garnie et complexe, il y a peu d’intérêt, autant pour les héritiers que pour le professionnel pressenti.

On n’échappe donc pas à certaines responsabilités. Mais attendez… Pourquoi se donner tout ce mal pour un héritage maigrichon qui enrichira trois personnes d’une boîte de tomates et d’un fond de sac de croquettes pour chat? Et si on a des doutes sur la solvabilité de la succession, que faire? Se pourrait-il que le gros train de vie de papy avant de mourir, qui s’est plaint pendant des années d’avoir été boudé par la fortune, ait été alimenté par ses cartes de crédit et une hypothèque inversée?

Dans le cas d’une succession limite ou que l’on sait déficitaire, tout le monde pourrait être libéré du rôle de liquidateur. Pour ça, les héritiers doivent renoncer à la succession. Ils n’héritent pas des biens ni des dettes le cas échéant. Et ce sera Québec qui gérera la succession.

Les héritiers ont six mois après le décès de leur proche pour y renoncer. Avant de prendre une telle décision, l’idéal est de connaître ce qui se trouve à l’intérieur la succession, mais c’est parfois compliqué. Consulter le dossier de crédit du défunt auprès d’Equifax, par exemple, est pratiquement impossible si ce n’est pas un liquidateur désigné en bonne et due forme qui en fait la demande. Mais dès lors qu’il y a un liquidateur officiellement impliqué, la succession est présumée avoir été acceptée par les héritiers. Notez que payer une facture du défunt, s’approprier un de ses biens ou s’engager à rembourser un créancier a le même effet. Vous serez pris avec la succession, même insolvable.

Le meilleur conseil que je puisse vous faire si vous êtes dans une situation pareille, c’est d’appeler un notaire.

Mais continuons tout de même. Si vous renoncez à la succession, vous ne perdez pas pour autant toute chance de toucher l’assurance vie de papy dont vous ignoriez l’existence. Des héritiers ont dix ans pour changer d’idée et accepter la succession à laquelle ils ont renoncé. Mais ce n’est pas automatique. Ils pourraient mordre la poussière si le petit frère de papy l’a fait avant vous. Des héritiers périphériques peuvent réclamer la succession si les héritiers de premier ordre lui ont tourné le dos.

Et si dans des circonstances exceptionnelles personne ne réclame l’héritage, les actifs de la succession se retrouvent administrés par le ministère du Revenu, au département des biens non réclamés. C’est là que dorment des sommes importantes, dans l’attente qu’on vienne les récupérer.

Un samedi matin d’hiver, si vous avez congé d’aréna, allez flânez sur le Registre des biens non réclamés. Qui sait, ce pourrait être plus palpitant qu’un match de hockey novice.

Suivez-moi sur Twitter / Pour lire mes autres billets

 

À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.