REEE: Universitas se tire-t-elle dans le pied?

Publié le 19/09/2017 à 09:54, mis à jour le 22/09/2017 à 06:37

REEE: Universitas se tire-t-elle dans le pied?

Publié le 19/09/2017 à 09:54, mis à jour le 22/09/2017 à 06:37

Non, non. Ça n’a rien à voir avec Bianca Gervais, la nouvelle porte-parole de la fondation de bourses d’études. Non, la semaine dernière, les clients d’Universitas ont été convoqués pour voter sur la proposition d’une modification majeure aux REEE collectifs de l’organisme. Celui-ci veut réduire les critères de qualification aux paiements d’aide aux études (PAE) au niveau minimal exigé par le gouvernement fédéral.

Autrement dit, il ne sera pas plus compliqué pour un étudiant bénéficiaire d’un REEE collectif d’Universitas de recevoir ses PAE que celui d’un REEE individuel de n’importe quelle institution financière.

Bonne nouvelle, non?

Si la proposition est acceptée, cela dénote un sérieux problème dans la façon dont les REEE collectifs sont présentés et vendus aux clients. Si elle est refusée, elle nous laissera tout de même avec l’impression qu’Universitas perd un peu la foi dans son produit phare en voulant le défeuiller de ses éléments distinctifs.

Et dans tous les cas, l’objet et la méthode de consultation nous laissent songeurs.

Plantons d’abord quelques repères. Les PAE, de quoi s’agit-il? Du fruit du régime enregistré d’épargne-études. De l’argent qui sert à financer les études post-secondaires. Ils sont constitués des rendements sur les contributions des parents, des subventions gouvernementales et de leurs rendements. Ce que les parents injectent dans le REEE leur appartient toujours.

Dans les deux REEE collectifs d’Universitas, les PAE sont versés à l’étudiant en trois temps. Pour toucher les trois PAE, un bénéficiaire doit satisfaire des critères de réussite à chaque étape. Pour l'un d'eux, le Plan Universitas, il doit en plus entamer des études universitaires.

Dans un REEE individuel, incluant celui offert par Universitas, les critères sont beaucoup moins restrictifs. Il suffit d’être inscrit à un programme post-secondaire admissible pour retirer tous les PAE. Que votre rejeton veuille opérer des grues ou opérer de gens, il aura l’occasion de toucher tous les rendements et toutes les subventions.

Par exemple, le bénéficiaire du Plan Universitas qui opterait pour la filière professionnelle ne peut donc pas toucher tous les PAE auxquels il aurait droit dans un REEE individuel. Ni s’il complète un programme collégial général et qu’il abandonne à sa première année d’université. 

Dans ce cas, les rendements obtenus sur les contributions de ses parents sont répartis entre les autres bénéficiaires qui réussissent à obtenir deux ou trois PAE.

C’est ce qu’on appelle l’attrition. Il s’agit là de l’élément distinctif du REEE collectif. Elle s’opère en phase d’accumulation, quand des parents abandonnent en cours de route et laissent des plumes au profit des autres. Puis au moment du décaissement, quand les enfants ne se qualifient pas aux trois PAE parce qu’ils ne choisissent pas les études universitaires ou qu’ils échouent. Dans un REEE collectif, les enfants persévérants de parents persévérants sont récompensés.

Voilà donc le contexte. Et le 5 octobre, les clients doivent se prononcer sur la proposition de relâcher les exigences pour le versement des PAE de deux REEE collectifs, REEEFLEX et le Plan Universitas. Les modifications s’appliqueront aux souscripteurs actuels, et non pas seulement aux nouvelles cohortes. D’ailleurs, le Plan Universitas est fermé aux nouveaux souscripteurs depuis quelques années.

L’atmosphère risque d’être tendue. L’adoption des modifications fera des gagnants et des perdants. Des milliers de dollars en PAE sont en jeu. Des parents pourraient voir les bourses de leur enfant augmenter et d’autres, au contraire, diminuer. Substantiellement.

Depuis une semaine, des lecteurs m’écrivent pour me demander quoi faire. C’est simple: si votre petite Marie-Pier, future ingénieur, semble en bonne voie de toucher les trois PAE, votez contre cette proposition. Et si votre Kevin passe beaucoup trop de soirées au Beach Club alors qu’il n’a pas franchi la majorité, votez pour.

Mais voyez-vous l’impasse? Les parents sont appelés à se prononcer sur le fonctionnement d’un REEE collectif. Mais pour ce faire, ils vont exprimer un intérêt individuel.

Dans le plan REEEFLEX, 70% des enfants touchent trois PAE, selon Universitas. Pour le Plan Universitas, comme les critères sont plus sévères, 50% des bénéficiaires recoivent tous les PAE. Normalement, 70 % des souscripteurs du REEEFLEX devraient donc voter contre la proposition. Ce sera plus chaud pour l'autre, et l'enjeu est plus grand.

Si la proposition est adoptée, il faudra alors s’interroger sur la méthode de vente.

Explique-t-on convenablement l’attrition aux parents? Si un parent n’est pas à l’aise avec le principe, il devrait choisir un REEE individuel. Comme Universitas offre aussi un tel produit, alors pourquoi ne pas le proposer? Financièrement, notons qu’il est beaucoup moins intéressant pour les représentants d’Universitas, des travailleurs autonomes, de vendre le REEE individuel. Cela se reflète de manière éloquente dans les états financiers de l’organisme, les actifs du plan individuel dépassent à peine 25 M$, contre 1,2 G $ pour les deux plans collectifs réunis.

Donc, les parents qui se prononceront pour la proposition n’ont pas compris le produit au départ. Ou il leur a été bien mal expliqué, ou pas du tout, au moment de la vente. Ou encore, en fin de parcours, ils réalisent que leur enfant n’est pas en mesure d’aller chercher le maximum de PAE. Dans tous les cas, c’est injuste pour les autres qui ont souscrit au REEE collectif en toute connaissance de cause et dont l’enfant est en bonne position pour toucher le maximum.

C’est d’autant plus injuste qu’une majorité simple (50% + 1) suffira à changer les règles et que chaque souscripteur, qu’importe le nombre d’enfants inscrits au plan, le montant de ses contributions et son ancienneté, n’a qu’un vote. Le nouveau souscripteur qui a à peine commencé à capitaliser le REEE de son enfant unique a le même poids que l’autre qui casque au maximum depuis 16 ans pour trois enfants. Il y a des parents dont les ados pourraient voir des milliers de dollars leur glisser entre les doigts.

Je l’ai déjà calculé ici, quand on additionne tous ses frais, le REEE collectif ne fait pas bonne figure en comparaison d’autres produits financiers, même à côté du fonds commun le plus gourmand en frais de gestion dans un REEE individuel.

Cela soulève donc une question: pourquoi assumer tous ces frais pour un produit collectif qui tend à ressembler un peu plus à un produit individuel?

Et une autre: le REEE collectif est-il en train de perdre le peu qui lui reste de pertinence?

Note: le texte a été mis à jour après des précisions apportées par Universitas.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.