Attention, piège hypothécaire devant!

Publié le 20/10/2017 à 09:02

Attention, piège hypothécaire devant!

Publié le 20/10/2017 à 09:02

Quand la Banque du Canada augmente le taux directeur, qu’est-ce qu’on s’excite! On est là sur nos calculatrices à évaluer comment se traduira en dollars la hausse de 25 points de pourcentage sur une hypothèque à taux variable.

Le résultat revient à une bouteille de vin par mois. Ou deux, ou trois, selon le poids de l’hypothèque (ou sa source d’approvisionnement, la SAQ ou le dépanneur). On préférait ne pas lésiner sur la qualité du pinard, ou sur la quantité, ou les deux. Mais bon, il faut convenir que ce n’est pas la mer à boire, une bouteille par mois.

On est là, tous suspendus à attendre ce qui va sortir de la bouche de Stephen Poloz, le gouverneur de la Banque du Canada. Pendant ce temps-là, de l’autre côté de la rue, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), l’organisme fédéral qui encadre le secteur des banques et des compagnies d’assurance, modifie les règles encadrant l’industrie du prêt hypothécaire. À défaut d’avoir un impact aussi immédiat sur le portefeuille des propriétaires de maison, les interventions du Bureau peuvent avoir de sérieuses conséquences sur ceux qui négocient une hypothèque.

L’année passée, de premiers acheteurs ont eu la mauvaise surprise de devoir réduire leur budget d’acquisition en raison d’une décision du BSIF. Celui-ci avait étendu l’obligation de se conformer à un test de résistance à une catégorie d’acheteurs qui en était épargnée jusque-là, à savoir ceux qui finançaient leur acquisition avec une hypothèque assurée à taux fixe de cinq ans.

Pour la suite, il est important de rappeler de quoi il s’agit. Ce test consiste à calculer la capacité d’emprunt en fonction d’un taux d’intérêt plus élevé (4,89%) que celui réellement consenti par le prêteur. De cette manière, le BSIF veut s’assurer que les emprunteurs soient capables d’absorber une hausse du coût d’emprunt. C’est compréhensible pour une hypothèque à taux variables.

Mais pour un taux fixe de cinq ans assuré? On peut encore saisir la logique, on devine dans ce cas que la mise de fonds s’est limitée à 5 %. Il y a fort à parier qu’au bout du terme de cinq ans, l’hypothèque soit encore passablement élevée et l’emprunteur, sensible à une fluctuation des taux.

C’est là un sujet que j’ai touché à quelques occasions, et encore dans ma dernière chronique. Mais voilà, il y a du nouveau, et ça pourrait mettre certains propriétaires dans une fâcheuse situation.

Cette semaine, le BSIF a annoncé qu’à compter du 1er janvier, tous ceux qui font une demande de prêt hypothécaire devront se soumettre au test de résistance en question. On ne touche plus seulement aux premiers acheteurs, mais aussi les deuxièmes acheteurs. Les propriétaires de maison qui s’approchent de l’échéance de leur hypothèque, souvent cinq ans, devront aussi passer le test pour renouveler leur prêt, à moins de rester chez le même prêteur.

Une formalité, croyez-vous? Pas tant que ça.

D’abord, signalons que le test pourrait être plus exigeant. Pour une hypothèque assurée par la SCHL (moins de 20% de mise de fonds), le taux de référence utilisé est 4,89%. Pour ce qui est d’une hypothèque conventionnelle, c’est-à-dire non assurée, la barre sera plus haute.

Dans le calcul de la capacité d’emprunt de leurs clients apportant une mise de fonds de 20%, les prêteurs devront appliquer le taux d’intérêt le plus élevé entre 4,89 % et le taux accordé, plus 2 %. Actuellement, le taux de cinq ans fixe dépasse 3%. Plus 2%, ça fait 5%. Et le taux de 3%, ne l’oublions pas, c’est celui réservé aux emprunteurs dont le dossier est immaculé.

«Il est fréquent que le taux soit plus élevé. Un acheteur qui aurait été obligé de se tourner vers un prêteur alternatif en raison d’une tache à son dossier peut payer 5% d’intérêt, explique Denis Doucet, chez Multi-Prêts. Avec les nouvelles règles, cette personne devra se qualifier avec un taux de 7%.»

Bon dossier ou non, bien des deuxièmes acheteurs n’auront plus accès au financement nécessaire pour acheter la maison qu’ils convoitaient. Les nouvelles règles feront en sorte que dès janvier, la capacité des 2e et 3e acheteurs sera emputée de 16%, calcule Denis Doucet.

C’est la différence entre Montréal et Longueuil, entre Québec et Lévis. Ou une maison et un condo. Vous voyez. Ça change les plans.

Mais il y a plus problématique. Des ménages qui ont acheté leur maison en utilisant leur capacité de crédit à la limite dans le cadre des règles précédentes, c’est-à-dire en se qualifiant avec le taux qui leur été accordé (mettons 2,20 %), pourrait ne plus se qualifier au renouvellement de leur hypothèque, pour la maison qu’ils occupent. Quelle est la conséquence pour eux? La banque ne les mettra pas dehors, mais ils n’auront plus aucun pouvoir de négociation.

S’ils ne répondent pas aux règles du BSIF, plus aucun prêteur ne pourra leur offrir d’hypothèque… sauf l’institution qui leur a consenti le prêt précédent.

«Le prêteur pourrait lui imposer le taux affiché», dit Denis Doucet

En général, le taux affiché est 2% plus élevé que le taux négocié.

À partir du 1er janvier, donc, près de chez vous!

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.