Pourquoi le Black friday nous rend fous

Publié le 24/11/2015 à 11:55

Pourquoi le Black friday nous rend fous

Publié le 24/11/2015 à 11:55

Serez-vous malade vendredi? Une véritable épidémie, que dis-je, une hécatombe est annoncée pour la fin de la semaine. De nombreux travailleurs au pays ont en effet inscrit un petit rhume à leur agenda, ou un problème de digestion: «Boss, ça gargouille, je reste à la maison.»

Ils n’ont pas tort de se déclarer malades, mais la vérité est qu’ils ont attrapé la fièvre du magasinage. Vendredi est journée du Black friday et 1,2 million de Canadiens ont prévu prendre un congé de maladie pour profiter des soldes.

À ces fiévreux s’ajoutent 6,4 millions de personnes plus à cheval sur les principes qui puiseront dans leur banque de vacances pour aller à la chasse aux aubaines, selon une enquête menée pour le compte d’IPG Mediabrands. Ce sera calme au bureau pendant que les tiroirs-caisses vont tinter.

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Le Black friday est une autre de ces exportations culturelles américaines qui s’enracine un peu partout autour globe. Il a lieu chaque année le lendemain de la Thanksgiving aux États-Unis, célébrée le dernier jeudi de novembre. En quelques années, tous les marchands du monde «civilisé» se sont coordonnés pour annoncer des rabais à ce moment précis de l’année. Les vecteurs de cette propagation s’appellent, encore, Walmart, BestBuy et autres Amazon.

À noter que depuis les attentats de Paris, plus un commerçant n’ose afficher des soldes du «Vendredi noir» dans l’Hexagone, optant plutôt pour des formules typiquement françaises du genre «Crazy week-end» ou «Jours discount». Mais le concept est le même: faire vibrer au maximum notre corde de consommateur et donner le coup d’envoi au magasinage des fêtes en affichant des prix soldés.

Ici, la proximité avec les États-Unis a forcé les marchands à offrir des prix coupés pour ne pas voir leurs ventes filer au profit des big box de Plattsburgh et de Burlington. Même si la faiblesse du huard a rendu les emplettes outre-frontières beaucoup moins attrayantes, le Black friday est là pour rester. Selon Statistique Canada, l’événement n’a pas fait grimper les ventes de détail autre mesure de 2006 à 2014.

Au quotidien Toronto Star, le porte-parole du Conseil canadien du commerce de détail a affirmé néanmoins il y a quelques jours que l’année dernière, l’événement a représenté un point de bascule pour les commerçants canadiens.

Le Vendredi noir serait donc en voie de rentrer dans nos moeurs et bientôt verra-t-on peut-être ici des primates bien enrobés se disputer dans les allés des magasins.

Mais qu’est-ce qui rend le bipède aussi fou?

Le Black friday vient déclencher des ressorts enfouis dans les profondeurs du cerveau de l’animal, des mécanismes instinctifs qui, à une autre époque, assuraient la survie de son espèce, selon plusieurs études de psychologie comportementale qui ont étudié nos voisins américains.

En annonçant des soldes importants sur une courte période de temps, les commerçants créent une impression de rareté et un sentiment d’urgence, comme lorsque le troupeau de bisons, nourriture essentielle de l’ancêtre, filait à vive allure dans la plaine. Plus l’opportunité est limitée, plus intense est le besoin de la saisir.

Le plus fascinant est que, bien qu’il se sache un peu manipulés, la peur d’échapper cette occasion motive l’animal à se lever plus tôt pour faire le pied de grue devant les portes du magasin. Puis dans la file, avant l’ouverture, s’installe peu à peu un esprit de compétition entre semblables, soudainement dopés au cortisol : qui ressortira avec le plus beau trophée, la télé de 55 pouces à 40% du prix en catalogue? Tassez-vous du chemin!

Le succès de cette chasse permettra au prédateur de pavoiser. Qui n’est jamais rentré chez soi gonflé de fierté à l’idée d’avoir fait un bon deal, comme s’il avait été payé pour vider les tablettes du magasin?

Le système de renforcement du cerveau du chasseur d’aubaines s’active alors, procurant le même plaisir qu’une bouffée de nicotine au fumeur privée de cigarettes pendant des heures. Une vraie drogue!

Tout ce processus se fait sous le couvert d’une pensée qu’on veut croire rationnelle: payer moins cher. Mais tant qu’à se lever tôt et endurer la foule, pourquoi ne pas en profiter pour faire le plein, acheter davantage et plus gros?

Tout ça alors que des soldes, il y en a désormais tout le temps.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.