Payer plus cher avec sa carte de crédit, laissez-moi rire!

Publié le 16/06/2017 à 08:45

Payer plus cher avec sa carte de crédit, laissez-moi rire!

Publié le 16/06/2017 à 08:45

On apprenait hier que les commerçants allaient pouvoir imposer des frais supplémentaires aux clients qui paient par carte de crédit. Sachant que ces mêmes commerçants dénoncent depuis des années les frais exorbitants exigés par les émetteurs de cartes pour l’utilisation de leur système de paiement, on dirait une belle victoire.

On ne connait pas les fins détails de cette entente, intervenue dans la foulée d’un recours collectif. Mais on se dit qu’elle ne peut que donner un peu d’air aux détaillants, et peut-être à leurs clients. Le commerce de détail n’a jamais été un métier facile, la concurrence est vive, les marges sont minces et les modes passent vite. Je comprends les commerçants de rechigner à payer parfois jusqu’à 3 % sur les transactions réalisées avec une carte Visa ou MasterCard.

Suivez-moi sur Twitter / Pour lire mes autres billets

Ce qui est en cause ici: ces programmes de fidélité qui transforment nos visites en magasin en une activité aussi ludique qu’une chasse aux Pokémon. Là aussi, la concurrence est forte : c’est à qui nous inonde le plus de points. Une véritable enflure qui nous fait oublier parfois que, qu’il s’agisse d’un voyage, d’un grille-pain ou d’une remise en argent, tous ces beaux cadeaux ne nous viennent pas du Pôle Nord. Il n’y a rien de gratuit, pas même un billet d’avion gratuit. Sauf qu’il s’en trouve pour tirer leur épingle du jeu, aux dépens de ceux qui ne jouent pas.

Il ne faut pas se leurrer, les frais de transaction qui servent à financer ces programmes sont refilés en fin de compte à l’ensemble des consommateurs, sans distinction, qu’ils profitent ou non des cadeaux offerts par l’une ou d’autre des centaines de cartes de crédit disponibles sur le marché. Et la facture n’est pas négligeable, elle s’élève entre 5 et 10 milliards dollars chaque année au pays.

Dans un monde idéal, l’entente intervenue entre les émetteurs de cartes de crédit et les commerçants ferait descendre les prix et déplacerait les coûts de ces programmes de fidélité vers les utilisateurs. Mais dans la vraie vie, il n’y a pas grand-chose à espérer. 

D’abord, parce que les détaillants ne baisseraient vraisemblablement pas leurs prix, à part ceux peut-être dont c’est la marque de commerce, comme Walmart.

Mais surtout, parce la concurrence prend vite le pas sur la solidarité.

Si Visa et MasterCard ont concédé aux commerçants le droit de réclamer des frais supplémentaires aux clients qui paient par carte, c’est qu’ils savent trop bien que peu de détaillants s’en prévaudront [Au Québec, la Loi la protection du consommateur l'interdit d'ailleurs]. L’expérience en Europe et dans certains coins des États-Unis, où l’application de frais supplémentaires est permise, le démontre: on n’ose pas le faire de crainte de voir la clientèle fuir vers des concurrents plus accommodants.

Ah, il y a bien des petits commerces de quartier qui ne se gêneraient pas! Mais la plupart, déjà, n’acceptent même pas les cartes de crédit! Quant à tous ces commerces où les consommateurs font le plein de points sur une base hebdomadaire, comme les épiceries, les pharmacies et les stations-services, ce sera vraisemblablement le statu quo encore pour longtemps. 

Car dans ce rapport de force, ce ne sont ni les émetteurs de cartes, ni les commerçants qui ont le gros bout du bâton, mais le client. Et ce client, il est depuis longtemps accroc à la chasse aux points. Les programmes de fidélité des cartes de crédit se sont installés à demeure. Nous sommes en présence d’un parasite solidement incrusté.

Quand on y pense, ce système n’a de sens que s’il est financé en partie par des consommateurs qui n’en bénéficient pas. Dans un scénario où seul l’utilisateur paierait, voyez un peu l’impasse. Nous aurions un client à qui on chargerait des frais de 2% par transaction pour qu’il accumule des points d’une valeur moindre… Comment pourrait-on lui en donner plus après que tout le monde se soit servi dans la chaîne! 

Payer plus pour moins? Ça pourrait toujours passer. Il n’y a rien que le marketing-ting-ting ne puisse faire avaler.

Suivez-moi sur Twitter / Pour lire mes autres billets


 

 

À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.