Bonne chance, Claude Poirier!

Publié le 07/04/2015 à 12:03

Bonne chance, Claude Poirier!

Publié le 07/04/2015 à 12:03

Comme moi, vous avez dû être touché par les déboires de Claude Poirier, exposés dans La Presse de samedi dernier. Sans maison, ni voiture, le chroniqueur judiciaire a dû se résoudre à déménager ses pénates dans une modeste chambre de motel, sur la Rive-Sud. Temporairement, on lui souhaite. Le portrait qu’en dépeignent les journalistes du quotidien montréalais est affligeant. La capacité de travail de l’homme de 76 ans est minée par une santé chancelante. Les créanciers sont à ses trousses.

Son fonds de commerce, sa gloire passée, lui est même disputé. Les droits d’auteurs sur un livre sur sa vie ont été saisis avant même sa parution, en novembre. Il prépare pour l’automne une série de 20 épisodes intitulée Claude Poirier : secrets judiciaires.

(Précision: Claude Poirier m'a appelé le 22 avril pour rectifier des informations publiées dans La Presse et reprises ici. Contrairement à ce qui a été publié, M. Poirier ne s'est pas fait saisir sa voiture, dit-il. Aussi, il précise que la chambre d'hôtel où il s'est réfugié durant cet épisode «n'était pas minable.» Il a conclu notre conversation ainsi, avec le ton dynamique qu'on lui connait : «Je vais m'en sortir!»)

Suivez-moi sur Twitter

Pour lire mes billets précédents

Triste. Sa femme a eu la surprise de répondre aux huissiers venus cogner à leur porte pour saisir la résidence. Elle ignorait tout des graves problèmes financiers de son conjoint. Et ce dernier répète qu’il va bientôt récupérer sa maison. «Tout va s’arranger», a-t-il dit aux reporters, expliquant qu’il a des problèmes avec l’impôt, comme «n’importe qui peut en avoir».

Ça me fait penser au malade atteint du cancer qui se fait croire qu’il souffre de pierres aux reins.

Je n’ai pas en ma possession la radiographie des finances de l’ancien «Roi des ondes». On ne peut que spéculer sur les causes de ses déboires. Et s’en désoler. La Presse situe le début de sa descente aux enfers en 2010, quand il se voit refuser le financement pour l’achat d’une maison de 430 000 dollars. Le problème remonte sans doute plus loin. Si les banques n’ont pas voulu prêter de l’argent à Claude Poirier, il y a cinq ans, malgré des revenus de quelques centaines de milliers de dollars, sa situation financière devait avoir atteint déjà un certain niveau de pourrissement.

Un conseiller en sécurité financière m’a déjà fait remarquer que beaucoup de ses clients entretenaient une conception nouvelle de la richesse. Pour de plus en plus de personnes, m’expliquait-il, s’enrichir ne consiste pas à accumuler des actifs, mais à générer de plus en plus de revenus. Autrement dit, peu importe si votre maison, votre auto ou votre chalet sont grevés par des dettes, l’important est de parvenir à gagner suffisamment d’argent pour faire face à vos obligations. Claude Poirier était un bourreau de travail. J'ai l'impression qu'il était enfermé dans cette dynamique.

Je n’ai aucune idée du train de vie du Négociateur et de ses engagements financiers. Mais les quelques éléments rendus publics laissent à penser que l’homme, malgré sa dépendance au tabac et son âge vénérable, se croyait invulnérable et capable de générer des revenus jusqu’à son dernier souffle. Sa réponse à ses problèmes est de continuer à travailler et à transformer ses souvenirs en profits. Mais vient un moment où tout s’épuise, l’énergie, comme les fonds de tiroirs du passé. L'homme s'est rendu malade, ce qui a précipité ses problèmes.

Il aurait mieux valu prendre rendez-vous avec un conseiller financier, mais je soupçonne un brin de déni.

Le déni est normal, croit Éric Lebel, associé et syndic en redressement et insolvabilité, chez Raymond Chabot Grant Thornton. La firme traite chaque année le dossier de milliers de personnes qui se libèrent de leurs dettes par une proposition de consommateur ou par la faillite. Quand un individu est aux prises avec des difficultés financières de cette ampleur, explique Éric Lebel, il doit passer à travers toutes les phases du deuil avant de s’en sortir. Rappelons qu’il y a cinq étapes au deuil : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation.

Avec les problèmes financiers qui pèsent sur le chroniqueur judiciaire, c’est un peu vivre dans le déni que de penser qu'ils s'agit d'une mauvaise passe à traverser, comme cela peut arriver «à n’importe qui».

«Des gens peuvent vivre longtemps dans une cette situation et ne rien faire», affirme Éric Lebel. Une période cauchemardesque où les agences de recouvrement appellent chaque jour à l’heure du souper, où l’on rembourse le minimum sur ses cartes de crédit avec d’autres cartes de crédit, où le cellulaire n’est plus bon qu’à donner l’heure, puisque qu’il est débranché du réseau pour défaut de paiement. Ou se faire saisir la maison…

On peut s’émouvoir des difficultés de Claude Poirier. Mais on peut surtout en retirer une leçon : plus on attend, plus les dommages seront grands.

En agissant rapidement, les chances de se mettre sur pied sont meilleures. Mais à 76 ans, c’est moins évident.

Bonne chance, le Négociateur!

Suivez-moi sur Twitter

Pour lire mes billets précédents

À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.