Les bigots de la planification financière

Publié le 07/07/2015 à 11:55

Les bigots de la planification financière

Publié le 07/07/2015 à 11:55

Avez-vous remarqué ce léger décalage des saisons? Depuis quelques années, le printemps s’étire jusqu’à la fin juin tandis que la chaleur de l’été nous honore jusqu’aux derniers jours de septembre. On n’a pas vu beaucoup le soleil récemment. D’aucuns s’inquiétaient même pour leurs tomates, je l’ai entendu à la radio.

Mais je reviens de vacances, alors tout devrait rentrer dans l’ordre. Pour me mettre dans l’ambiance festive de l’été, j’ai profité d’une journée pluvieuse pour louer La passion d’Augustine. L’hiver, un couvent de bonnes soeurs et le piano constituent le décor de ce film qui raconte, de l’intérieur, le déclin de l’influence cléricale sur le Québec, à la fin des années 1950.

Ça ne ressemble pas à un week-end à Osheaga, mais le dernier film de Léa Pool vaut la peine d’être vu.

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Et ça m’a fait penser à une chose: vous ne trouvez pas que le discours sur les finances personnelles a parfois des relents de soutane. Tout est là: le sacrifice (ne dépense pas 7$ dans un latte glacé chez Starbucks), la tentation (la publicité), le péché (le crédit), la rédemption (le remboursement de ses dettes), le purgatoire (le travail), le paradis (la retraite) et même la messe de minuit (autour du 28 février, quand tout le monde se précipite vers sa banque pour une contribution REER avant l’échéance).

Il y a les curés qui nous dictent sur un ton souvent moralisateur la marche à suivre pour connaître une vie financière exemplaire et à qui, à l'occasion, on confesse ses fautes (mon père, j’ai fait creuser une piscine). Les plus entreprenants deviennent preachers et monnaient chèrement leurs homélies. On les trouve surtout aux États-Unis (Suze Orman, David Bach, Dave Ramsey,…).

Je ne suis pas contre la vertu financière, j’en suis moi-même un défenseur. Mais j’ai aussi un côté hédoniste: savourons la vie.

J’ai plus de mal avec certains bigots de la planification financière dont le discours s’appuie sur la culpabilité et la peur. Et pour cela, ils brandissent certains mythes.

Un qui fait son chemin est celui selon lequel la population en général est dans une situation financière catastrophique, pour ne pas dire «honteuse». On ne cesse de répéter que les Canadiens et plus particulièrement les Québécois sont de piètres épargnants, des endettés invétérés accros au crédit. Il y a bien des brebis égarées, mais une telle généralisation relève du mensonge.

Selon des données de Statistique Canada, les familles canadiennes se sont enrichies de 73% depuis 1999. La valeur des ménages a bondi en effet de 320 000$ à 554 000$ de 1999 à 2012 (l’inflation a été tenue en compte).

Le niveau de vie des Québécois, de 1999 à 2014, s’est amélioré davantage que celui des Américains et celui des Ontariens, si on compare les données de Statistique Canada et le ministère américain du Commerce.

Les dévots pourraient rétorquer que cet accroissement de richesse profite surtout aux mieux nantis. Au Québec, le rapport entre les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres n’a pratiquement pas bougé depuis 1980, toujours selon Statistique Canada. A fortiori, le revenu disponible de la classe moyenne au Québec se serait apprécié de 30% depuis 1996. Cessons de dire qu’on l’étouffe.

Elle ne l’est pas davantage par son endettement. Bien qu’il ne soit pas au plus bas, le service de la dette des ménages est nettement moins lourd que durant les années 1990. Autrement dit, les intérêts payés sur la dette, en fonction du revenu disponible, sont moins élevés.

Et la retraite? Nous serions loin du but, il paraît. Nos inquiétudes proviennent pour beaucoup du fait qu’on ne cesse de répéter qu’il faut l’équivalent de 70% du revenu de sa vie active pour se la couler douce, alors qu’en réalité, on peut se contenter de moins.

On est loin du jugement dernier.

Alors profitez de vos vacances.

***

La majorité des statistiques citées ici proviennent d’une présentation de l’économiste Pierre Fortin.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.