Il faut mettre fin à ces pénalités hypothécaires exagérées

Publié le 14/06/2016 à 11:30

Il faut mettre fin à ces pénalités hypothécaires exagérées

Publié le 14/06/2016 à 11:30

Nous sommes dans une culture du paiement. Par là, je veux dire que la hauteur des mensualités éclipse les qualités et le prix réel dans notre appréciation des produits et des services. Aussi longtemps que ça balance à la fin du mois, il n’y a pas de deuxième voiture, de spa ou de cuisinière au gaz acquis à tempérament qui puissent égratigner la conscience financière.

Mais puisque nous sommes en mesure de payer après l’achat, avec de l’intérêt, ne serait-il pas plus logique de le faire avant, sans payer les intérêts?

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Dans la grande famille des mensualités, il n’y a que la grand-maman qui soit vraiment respectable, je vous parle bien sûr de l’hypothèque. Puisqu'il faudrait économiser jusqu’à 50 ans et même plus longtemps pour s’offrir une maison sans emprunter, et comme un bien immobilier s’apprécie généralement avec le temps, l’hypothèque qui nous y donne accès mérite notre considération.

L’hypothèque a aussi ceci de particulier qu’elle est un produit en soi. Quand on y jette un oeil attentif, il y a de quoi s’y perdre. L’offre est vaste et complexe. Il n’y en a pas une qui sied parfaitement à tout le monde.

Mais là encore, notre obsession à magasiner des paiements nous amène souvent à ignorer ou à mésestimer plusieurs des caractéristiques des produits hypothécaires. En très grande majorité, au Québec, nous optons pour le taux fixe, le plus bas possible, dans une hypothèque fermée de cinq ans. 

J’aimerais attirer votre attention sur un point. Que se passera-t-il si vous deviez vendre votre maison avant la fin du terme de votre hypothèque? Le terme est la durée du contrat qui vous lie avec le prêteur, qu’il ne faut pas confondre avec l’amortissement, qui correspond au temps prévu pour rembourser le prêt en entier. Donc, que se passera-t-il? Vous allez payer une pénalité, et la plupart du temps, une pénalité très salée pour paiement anticipé.

Vous en savez sûrement quelque chose. Selon la base de données de RateHub, une firme spécialisée qui a conçu un comparateur hypothécaire, les acheteurs mettent fin à leur contrat, en moyenne, après trois ans. Cela veut dire qu’il y en a qui se rendent au bout et qui renouvellent leur hypothèque après cinq ans, mais surtout qu’il y en a beaucoup qui vendent leur maison un, deux, trois ou quatre ans avant d’être arrivés au terme de l’entente.

Je ne sais pas qu’elle est la fiabilité des données de RateHub. Mais quand il faut vendre la maison, il est rare que ce soit synchronisé avec le contrat hypothécaire. Un divorce, une perte d’emploi, un transfert, un coup de coeur, l’arrivée d'un bébé, il y a bien des raisons qui peuvent nous mener à déménager, vendre sa maison et faire un paiement anticipé de son hypothèque.

Les pénalités sont une vraie plaie dans cette industrie. Il y a deux méthodes pour calculer la pénalité. Dans le cas d’une hypothèque à taux variable, la pénalité équivaut à trois mois d’intérêts calculés sur le solde du prêt, ce qui n’est souvent pas la mer à boire, bien qu'irritant.

C’est l’autre, basée sur «le différentiel de taux», qui pose problème. Le prêteur calcule la différence entre le taux en vigueur au moment de l’emprunt et celui au moment du remboursement anticipé. Ce différentiel constitue alors le taux d’intérêt qui s’appliquera sur le solde de l’hypothèque pour la période restante qui était prévue au contrat. Cette méthode s’applique généralement à ceux qui détiennent une hypothèque à taux fixe, à moins que la précédente (trois mois d’intérêts) n’arrive à un résultat supérieur. Bref, le prêteur s’assure que le calcul le plus pénalisant pour l’emprunteur s’applique.

Si seulement cette méthode était réglementée. Le choix des données pour calculer le différentiel est laissé au bon vouloir du prêteur, qui fait en sorte que le différentiel soit élevé. Les prêteurs sont tenus de faire connaître leur formule, mais rien ne les force dévoiler les chiffres qui entrent dans le calcul. C’est un peu comme la sauce à Big Mac. La recette est secrète. Et ça laisse un drôle goût dans la bouche.

Pour la personne qui doit résilier son contrat, cela équivaut à des milliers de dollars de pénalités, souvent dans les cinq chiffres. À cela il faut ajouter le remboursement des cadeaux, le cas échant, comme les frais de notaire payés par le prêteur ou les congés de paiement qu'on nous a consentis au moment de signer. Quand elle doit en plus composer avec un divorce acrimonieux et vendre la maison en vitesse en laissant au passage une généreuse commission au courtier, on peut dire que cette personne vit une «épreuve d'appauvrissement».

L’idéal serait bien sûr de bannir cette méthode de calcul, une vraie escroquerie. Réglementer davantage pour que les données à la base du différentiel de taux soient uniformes et transaprentes serait déjà un net progrès.

En attendant, comment éviter d’avoir à payer cette pénalité? Vous pouvez opter pour une hypothèque à taux variable, choisir des termes courts, d’un ou deux ans, et veiller à ce que votre prêt soit transférable sur une autre propriété si vous en achetiez une autre. Mais cette option ne changera rien dans les pires situations, comme un divorce ou une perte d’emploi.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.