Fonds communs: nouvelle astuce marketing pour ramener des fidèles?

Publié le 07/11/2017 à 11:30

Fonds communs: nouvelle astuce marketing pour ramener des fidèles?

Publié le 07/11/2017 à 11:30

Qu’est-ce que c’est encore? Une innovation, une entourloupe marketing ou le signe d’un désespoir? Difficile à cerner, sans doute tout ça à la fois. Qu’importe, toujours est-il que des compagnies de fonds commencent à moduler les frais de gestion de certains de leurs produits en fonction des performances du gestionnaire.

Si, c’est écrit dans Finance et Investissement (FI), une publication destinée aux professionnels de l’industrie financière.

Quel est le principe? Imaginons un fonds d’actions américaines de grande capitalisation géré par un professionnel qui sélectionnent des titres pour obtenir de meilleurs rendements que le marché, c’est-à-dire toutes les entreprises de cette catégorie prises ensemble. Les frais de gestion de base, par exemple, s’établissent à 0,6%. Si la sélection du gestionnaire bat l’indice qui reflète son marché, ici le S&P 500, les frais de gestion montent. Plus la marge avec laquelle il surpasse son indice de référence est grande, plus les frais seront élevés, jusqu’à atteindre un plafond de 1,1%. À l’inverse, si le gestionnaire s’incline devant l’indice, la facture baisse pour l’investisseur jusqu’à toucher le plancher de 0,1%. Pour une industrie depuis toujours accrochée aux frais fixes, on peut parler d'un geste audacieux.

Vous ne sentez pas aussi ce petit vent qui se lève? Ce n’est pas encore de la panique, mais on dirait de la nervosité. Le grand patron d’AllianceBernstein, une des firmes qui expérimentent le modèle, explique en toute candeur que l’initiative vise à contrer l’inexorable montée des produits de gestion passive. On entend par là les fonds qui ne se fatiguent pas à tenter de mieux faire que les indices, ils les reproduisent tout simplement. Leur principal attrait est leurs faibles coûts.

AllianceBernstein ne vous dit probablement pas grand-chose, la société de fonds communs ne fait pas affaire au Canada. Elle gère tout de même plus 500 milliards d’actifs. Fidelity, par contre, cela vous est sans doute plus familier… Fidelity International, une filiale de Fidelity Investments, a aussi lancé une famille de fonds avec une structure de frais modulés. Le phénomène est embryonnaire et n’a pas encore traversé la frontière, mais on peut imaginer qu’il peut se répandre pour contrer la principale critique dirigée à l’endroit des fonds gérés activement: malgré des frais plus élevés, ils ne parviennent pas à battre le marché année après année.

Gestion active et gestion passive, c’est comme deux religions. Chacune compte dans ses rangs prêcheurs et dévots. En ce moment, on voit des curés d’un côté qui s’inquiètent en voyant des fidèles changer de confession. Pour contenir l’exode, ils se montrent soudainement plus souples sur les principes: «OK pour la viande le vendredi. Et modulation du prix des absolutions en fonction de la place que vous aurez au ciel, plafonné à dix "Je vous salue Marie".»

C’est délicat. Il y a là comme un aveu. Celui de ne plus être en phase avec l’air du temps. Un membre de l’industrie disait au journaliste de Finance et Investissement que la structure de coût proposée alignait davantage les intérêts du gestionnaire et ceux du client, comme si ça n’avait pas été le cas auparavant. Ou partiellement.

C’est à la fois navrant et amusant d’entendre des professionnels de l’industrie dire que «débourser pour de l’alpha est de plus en plus sensé». Au-delà du charabia destiné aux lecteurs de FI, ce que nous dit d’une certaine façon la personne citée dans l’article, c’est que bien des investisseurs ont payé par le passé sans bénéficier d’alpha. Et que soudainement, c’est sensé de leur en fournir pour le prix qu’ils paient. Je vous rassure, alpha n’est pas une divinité du culte de la gestion active, mais une mesure de rendement en fonction de l’indice de référence et du risque encouru. Alors on l’adore, peu importe sa religion.

Donc, des fonds devront livrer plus de rendement que leur indice de référence. En partant, c’est un peu mal barré. Les frais de référence, c’est-à-dire celui où le rendement du fonds actif correspond à celui de l’indice, sont plus élevés que les frais d’un fonds passif qui reproduit l’indice. Si le fonds actif échoue, il ne souffrira pas moins de la comparaison avec son pendant passif.

Chez AllianceBernstein, la période de référence est de 12 mois. Je n’aimerais pas être dans les pantalons du gestionnaire qui doit battre l’indice sur une si courte période. Un gestionnaire de fonds ne peut exprimer son talent (oui, il y en a des gestionnaires talentueux) que sur le long terme, à travers les cycles économiques. Soit alors il va se contenter de reproduire l’indice. Ou il sera tenté de prendre plus de risque, ce qui n’est pas dans l’intérêt de l’investisseur. Chez Fidelity International, la comparaison s’établira sur trois ans. C’est mieux, mais en bas de cinq ans, ça demeure hasardeux.

Bref, plus j’y pense, moins je crois que c’est le genre d’initiative qui ramènera les brebis au bercail. 

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.