Est-ce le début d'une révolution dans le secteur du condo?

Publié le 05/09/2017 à 10:22

Est-ce le début d'une révolution dans le secteur du condo?

Publié le 05/09/2017 à 10:22

Combien sont-ils? Des milliers, sûrement. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils sont nombreux les copropriétaires à être mal protégés par leurs assurances. Sans le savoir, ils sont exposés à des pertes financières potentielles énormes.

Les immeubles insuffisamment assurés sont légion. Des courtiers incompétents sévissent dans le marché; les franchises retenues par les syndicats de copropriétés sont souvent trop élevées; la formulation des contrats par les assureurs crée des trous béants dans la couverture.

Mais bonne nouvelle! Ça pourrait bientôt s’améliorer. Le ministère québécois des Finances a présenté au milieu de l’été plusieurs propositions afin de mieux encadrer le secteur. À la mi-juillet, des consultations ont été lancées afin de recueillir l’opinion des principaux acteurs concernés, dont la Chambre de l’assurance de dommages (ChAD) et le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RCGT). Les consultations viennent de se terminer, et tout le monde se dit d’accord avec les proposions de Québec.

Un consensus aussi spontané soulève cette question: mais si toutes les parties étaient favorables à un meilleur encadrement, pourquoi le gouvernement a-t-il pu aussi longtemps tarder?

Car les carences dans les couvertures d’assurance ne sont pas mineures. Elles pourraient au contraire s’avérer ruineuses.

Suivez-moi sur Twitter / Pour lire mes autres billets

Pour en prendre la mesure, il suffit de se pencher sur les propositions du ministère des Finances. La première suggère tout simplement de remplacer dans les contrats d’assurance une expression par une autre: «valeur à neuf» par «coût de reconstruction». Faut-il s’étonner, beaucoup de litiges en assurance tirent leurs origines dans l’interprétation des mots. Et ici, des assureurs peuvent plaider que «valeur à neuf» exclut des portions de la reconstruction, comme les plans d’architecte ou la surveillance de chantier.

Alors, imaginez un sinistre majeur qui touche un gros immeuble de copropriétés, des copropriétaires peuvent se retrouver devant une situation où ils doivent débourser des sommes considérables pour combler une insuffisance d’assurance. Et comme le scénario n’est pas assez pathétique, pensez maintenant que des copropriétaires poursuivent les administrateurs du syndicat pour avoir mal géré l’affaire. Du beau voisinage…

D’ailleurs, selon une autre proposition, on voudrait obliger les administrateurs à prendre une assurance en responsabilité civile, aux frais des copropriétaires. On rappellera que les administrateurs sont le plus souvent des bénévoles qui, comme vous et moi, ne sont pas en mesure de saisir toutes les subtilités d’un contrat d’assurance. Bien intentionnés, ils ignorent tout des risques que leurs responsabilités font peser sur eux.

Québec voudrait également étendre la liste des risques usuels couverts. Encore aujourd’hui, des syndicats se retrouvent parfois dans des situations où il ne sont pas protégés contre certains types de sinistre, dont des dégâts d’eau. Le RCGT recommande que Québec aille plus loin en intégrant la liste des risques usuels dans la loi et que la présomption de couverture pour de tels risques pèse sur les assureurs.

On voudrait également plafonner le montant des franchises en fonction de la valeur d’un immeuble. Pour réduire le coût des primes, des syndicats consentent à payer des franchises déraisonnables en cas de sinistre. Mais au bout du compte, ce sont tous les copropriétaires qui paient ces franchises par des cotisations spéciales exorbitantes.

Québec voudrait aussi obliger les promoteurs, puis les syndicats de copropriétés, à définir une unité de référence pour distinguer les améliorations locatives des éléments standards d’une copropriété.

Après un dégât important, des copropriétaires ont la mauvaise surprise de ne pas être entièrement dédommagés. Il faut mentionner ici qu’en copropriété, il y a deux assurances: celle du syndicat qui couvre le bâtiment, dont l’intérieur des unités, et celle de chaque copropriétaire qui protège le contenu et les améliorations locatives, c’est-à-dire le plancher de bois franc qui remplace la marqueterie bas de gamme d’origine, les comptoirs en granite et les armoires en bois installés quand le propriétaire précédent a fait rénover la cuisine.

La grande majorité des copropriétaires, notamment ceux qui ont acheté une unité usagée, n’ont aucune idée de ce qui relève de l’amélioration locative. Dans le cas des copropriétés qui ont été achetées entièrement vides, sous forme de coquille, tout l’intérieur en est. Or, il faut les ajouter au contrat d’assurance personnel pour que ces améliorations soient couvertes, mais comment en avoir seulement conscience lorsqu’on n’a aucune idée des caractéristiques standard d’origine?

Québec propose également que l’assureur du syndicat ne puisse plus entamer des recours à l’encontre des copropriétaires. Et de l’autre côté, le gouvernement voudrait obliger chaque copropriétaire à contracter une assurance en responsabilité civile.

Comme on peut le voir, les trous à colmater sont nombreux et parfois énormes. Si Québec légifère, les copropriétaires devront s’attendre à une augmentation de leurs primes d’assurance.

Mais on n’en est pas aux premières consultations pour réglementer le secteur de la copropriété, et les précédentes n’ont pas mené à des résultats concrets. Si cette fois-ci est la bonne, espérons que ce soit l’impulsion qui mènera vers une réfection plus vaste du cadre réglementaire. Il faudra améliorer la qualité des constructions et les compétences des administrateurs des syndicats et, par là, la gestion des immeubles de copropriétés.

Parce qu’en ce moment, ce n’est pas très sérieux.

Lire aussi:

Le bordel de l'assurance de condos

Condo: les citrons innondent le marché

Suivez-moi sur Twitter / Pour lire mes autres billets


 

 

À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.