La fabuleuse histoire d'un dilemme hypothécaire

Publié le 02/11/2018 à 06:30

La fabuleuse histoire d'un dilemme hypothécaire

Publié le 02/11/2018 à 06:30

Restons dans l’immobilier encore un peu, voulez-vous. Pourquoi bouder son plaisir?

Plusieurs lecteurs m’ont écrit depuis une semaine, ne sachant trop quoi faire avec leur hypothèque alors que les taux d’intérêt s’engagent résolument sur une montée. Leurs questions sont diverses, mais elles traduisent une même préoccupation : comment s’en protéger ?

Des taux hypothécaires de 4,5 à 5 % comme ceux qui poignent à l’horizon ont, vus de loin, l’aspect de créatures peu familières et pas rassurantes du tout. Quant à ceux à plus de 10 % qu’ont payés nos parents, dans notre imaginaire, ils appartiennent depuis longtemps au folklore, comme les personnages d'une légende de Fred Pellerin.

N’empêche, quand la Banque du Canada laisse planer la possibilité de doubler son taux directeur, il y a de quoi s’interroger sur la stratégie à suivre. De l’argent est en jeu pour de vrai. 

Un lecteur me signale que le taux de son hypothèque variable atteint désormais 3,47%. Il détient également d’importantes liquidités, il se demande s’il ne devrait pas les utiliser pour payer une partie de son hypothèque.

Sur le marché, on peut actuellement négocier un taux fixe de 5 ans à 3,59 %. La première chose à faire, à moins qu’il arrive à terme, c’est de casser ce contrat d’emprunt, de payer la pénalité (trois mois d’intérêt) et de signer une hypothèque à taux fixe de cinq ans. Notre lecteur pourrait aussi obtenir une hypothèque à taux variable plus avantageuse que celle qu’il a actuellement, à moins d'un vilain dossier de crédit.

Quant à ses liquidités, ce ne serait pas un péché de les utiliser au cours de l’opération pour réduire le montant de l’hypothèque, surtout s’il est prudent en matière d’investissement.

Sinon, si elle fait peur, la volatilité actuelle des marchés boursiers pourrait ouvrir sur de belles occasions au potentiel plus prometteur que 3,59%. C’est ce qu’on appelle le coût de renonciation (ou d’opportunité).

Nos liquidités, quand elles sont utilisées pour rembourser l’hypothèque, nous font certes épargner 3,59% d’intérêt. Une fois immobilisé dans sa maison, cet argent n’est cependant plus disponible pour être investi à la Bourse, où les rendements sont généralement meilleurs, plus encore quand les placements se trouvent dans un abri fiscal comme le CELI.

Ce même lecteur dit avoir utilisé une calculatrice du site Ratehub pour évaluer le montant de sa pénalité. Il a des doutes sur le résultat du calcul, qu’il estime élevé. Il me demande si j’en pense autant. Il n’y a qu’une source qui peut lui fournir la mesure de sa pénitence, c’est l’institution avec laquelle il a signé le pacte.  

Puisque nous parlons de pénalité, poursuivons sur ce sujet. Il est nécessaire de considérer cette donnée lorsqu’on songe à briser son contrat. Dans le cas d’une hypothèque à taux variable, le coût de la pénalité s’élève à l’équivalent de trois mois d’intérêt, ce qui ne représente pas une somme faramineuse. Pour ce qui est de l’hypothèque à taux fixe, c’est franchement n’importe quoi. Le mode de calcul, souvent ésotérique, varie d’une institution à l’autre et les montants en question atteignent parfois des niveaux scandaleux.

Avant de jongler avec divers scénarios, vous devez donc vous enquérir auprès du prêteur du montant de la pénalité qui vous attend. La réponse pourrait mettre fin à vos démarches et ramener votre attention sur autre chose de plus utile.

Faisons quand même l’exercice, en ignorant la pénalité. Est-il avantageux de casser une hypothèque fixe à laquelle il reste un an pour signer une nouvelle hypothèque de cinq ans fixe dont le taux serait meilleur que celui qu’on pourrait obtenir un an plus tard, à la fin du terme de son prêt actuel ?

Le problème est intéressant, car il suppose que dans la transaction, on renonce pendant un an à un taux moins élevé, celui du prêt qu’on s’apprête à briser, en échange d’une hypothèque plus chère qui nous protège contre une hypothétique hausse future. Un petit problème de math qui me permet cette prouesse, comme vous venez de le constater, d’insérer les mots «hypothèque» et «hypothétique» dans une même phrase. Je vous épargne le volet étymologique de l’affaire.

Revenons aux chiffres.

J’ai fait appel à une source fiable en la matière, Denis Doucet, de Multi-Prêts. Nous avons supposé que les modalités de l’hypothèque obtenue par notre acheteur, contractée il y a 4 ans, étaient celles-ci : prêts de 227 000 dollars; amortissement de 25 ans, terme de 5 ans, taux fixe de 2,59%. Le remboursement mensuel s’élève à 1027 $. Le solde s’élève aujourd’hui à 199 740 $, après 48 paiements.

Nous nous sommes demandé laquelle, entre les deux options suivantes, est la plus rentable:

1-Briser l’hypothèque à 2,59 % pour basculer sur une nouvelle à 3,59 % durant cinq ans, amortie sur 21 ans;

2-Conserver son hypothèque à 2,59 % jusqu’à la fin du terme dans un an pour ensuite en signer une nouvelle à 4,59 % pour un terme de 5 ans (dont seulement les quatre premières années ont été considérées dans notre démonstration, pour nous appuyer sur des périodes identiques). Au renouvellement, l’amortissement sera de 20 ans.

Dans le premier scénario, notre propriétaire de maison paiera durant 60 mois (5 ans) 1126 $ mensuellement, soit, j’arrondis, 67 000 dollars au total. À la fin, le solde de son hypothèque aura descendu à 164 700 $, grosso modo.

Dans le second, le propriétaire paiera durant 12 mois 1027 $ (12 324$) et 1222 $ durant les 48 mois suivants (58 656 $), soit 70 980 $ en tout. Disons 71 000. Le solde de l’hypothèque aura diminué aussi moins rapidement, plus d’intérêts auront été déboursés ici. Il se situera à 166 560 $.

Le scénario 1, c’est-à-dire celui où le détenteur de l’hypothèque bascule avant la fin du terme de son contrat, présente donc un avantage de 5840 $ sur le scénario 2 dans lequel le propriétaire attend la fin de son hypothèque pour la renouveler, dans un an, à un taux plus cher.

Le résultat est plutôt mince, d’autant qu’il est des plus spéculatifs. Ce qui l’est moins, c’est la pénalité qui attend celui qui brise son contrat hypothécaire. Elle ferait disparaître l’avantage de l’opération. Pire, elle la rendrait déficitaire. 

À un an de l’échéance, mieux vaut donc continuer. Vous pourriez en revanche, à quatre mois de la fin, vous mettre à la chasse et obtenir à l’avance un taux garanti pour le prochain terme de cinq ans.

C'est ici sans doute que nous sortons du conte de fées. 

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.