Ces concours de vente dont vous êtes les perdants

Publié le 24/01/2017 à 10:17

Ces concours de vente dont vous êtes les perdants

Publié le 24/01/2017 à 10:17

Photomontage Les Affaires

Y a-t-il une différence entre une soirée Tupperware et un rendez-vous avec son conseiller financier en prévision d’une contribution REER?

Énorme!

Dans la première, on a tout le loisir de dépasser les limites d’Éduc’alcool pour rendre l’expérience supportable, une option qui n’est pas offerte au moment de choisir des placements pour sa retraite.

Et avec le représentant Tupperware, on se doute bien qu’en plus d’une commission sur les ventes, il reçoit de p’tits cadeaux pour l’atteinte de certains objectifs. Et si ça se trouve, il sera doublement récompensé pour écouler un modèle particulier de récipients qui s’entassent en entrepôt.

De toute façon, on s’en moque un peu. On assiste de plein gré à la présentation, avec un canapé dans la bouche et un verre de vin à la main. Qu’on en ressorte avec des contenants rectangulaires plutôt que carrés, les conséquences ne seront jamais dramatiques, même s’ils sont affreusement trop chers, qu’importe leur forme, les Tupperware.

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Le «conseiller financier» encaisse lui aussi des commissions. Et comme le bon marchand itinérant de plastique, il est récompensé lorsqu’il atteint certains plateaux de vente. Ce type de rémunération est caractéristique des grandes institutions financières et, bien qu’il n’exclue pas la notion de conseil, il favorise d’abord la vente en reléguant l’intérêt du client au second plan. Et si le conseiller se voit assigner des objectifs pour un produit particulier, c’est l’encourager à ignorer le besoin du client.

Je ne sais trop par quelle illumination, mais ces mesures incitatives sont devenues une source de préoccupations chez les autorités règlementaires de l’industrie du placement. Imaginez, on réalise qu’elles pourraient aujourd’hui nuire à la qualité du conseil financier. Sur 27 pratiques de rémunération, un comité en a identifié 17 potentiellement défavorables aux clients.

Dans sa réflexion, l’industrie des valeurs mobilières et des fonds communs de placement fait néanmoins preuve d’avant-gardisme en comparaison du secteur de l’assurance.

Le site Conseiller.ca (propriété de Transcontinental) a mis en lumière toute ma naïveté, hier, en rapportant une nouvelle sur un soi-disant concours organisé par Desjardins Assurances. Baptisée «Sprint REER», cette compétition vise à récompenser les conseillers en sécurité financière qui atteindront le plus important volume de ventes avec quatre produits de la boîte, notamment un fonds distinct, un billet boursier, des placements à terme et des rentes. Plus de 50 prix seront distribués, de 500 à 3000 dollars. Le nom même du concours laisse pantois: préparez-vous au gavage!

Dans la brochure d’information, Desjardins Assurances promeut agressivement Garantie Avantage, un placement garanti dont le rendement (non garanti) fluctue en fonction d’un panier de titres boursiers. Il s’agit d’un produit hybride vivement critiqué, par moi, mais aussi par plusieurs spécialistes qui n’y voient qu’une astuce marketing.

Mettons l’initiative en contexte. Les concours de vente dans le secteur de l’assurance sont très répandus, une approche qui a longtemps existé dans l’industrie des fonds communs, mais qui a été abandonnée depuis plusieurs années. Les compagnies d’assurance paient donc des voyages à leurs meilleurs vendeurs de produits d’assurance vie. Pour faire bonne impression, on n’appelle pas ça des voyages, mais des conférences ou des séminaires, une manière d’appliquer un fini respectable à une pratique fort discutable, discutable car elle encourage les conseillers à offrir des produits financiers à des clients qui n’en ont pas besoin.

Comme l’ensemble de l’industrie financière semble s’éveiller aux considérations d’éthique, il est devenu de plus en plus gênant de maintenir ces pratiques. Plusieurs compagnies d’assurance, dont Desjardins assurances, ont annoncé l’abandon des «conférences» ces derniers mois à la suite de recommandations dans ce sens de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP). On comprend que les entreprises du secteur n’y auraient pas pensé toutes seules, mais toutes se targuent de le faire pour placer le client au centre de leurs préoccupations.

Faut-il y voir un aveu pour une faute passée? Il y a de quoi rire (ou pleurer).

Dans les circonstances, le concours Sprint REER laisse songeur. Chez Desjardins Assurances, on ne sait quoi faire de cette patate chaude. Le service des communications de l’entreprise insiste pour dire que ça ne remplace pas les «conférences», qui seront abandonnées en 2018, mais qu’il s’agit d’un concours mis en place depuis plusieurs années pour encourager les conseillers à vendre certains types de produits.

La question n’est pas vraiment de savoir si Sprint REER remplace ou non une pratique pointée du doigt pas l’ACCAP, à savoir envoyer ses meilleurs vendeurs dans des stations balnéaires de luxe. On se demande plutôt si un concours, peu importe l’enjeu, ne fait pas un perdant: le client.

Plus largement, on s’interroge sur les mesures d’encouragement offertes par l’industrie à ses conseillers. Une récompense qui n’aligne pas l’intérêt du conseiller et celui du client pose un risque pour ce dernier.

Jacques Lépine, vice-président, ventes nationales, produits d’investissements chez Desjardins, un brin sur la défensive, m’a annoncé que c’était probablement la dernière année du Sprint REER.

En plus d’envoyer un mauvais message, ce machin suranné fait un peu «cheapo». À ce qu’on dit, il n'y avait pas de quoi galvaniser les troupes, les conseillers n'y voyaient pas d'intérêt. Ce qui n’est pas une mauvaise nouvelle.

Bon débarras!

Lire aussi :

Un concours de vente qui fait tiquer (sur Conseiller.ca)

Des vendeurs déguisés en conseillers

Votre conseillers financier est-il un vendeur?

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.