Calmer les prix de l'immobilier montréalais, mais comment?

Publié le 30/10/2018 à 10:30

Calmer les prix de l'immobilier montréalais, mais comment?

Publié le 30/10/2018 à 10:30

Les prix de l’immobilier dans les quartiers les plus appréciés de Montréal ont atteint des niveaux prohibitifs pour la famille moyenne en quête d’une première propriété. C’est ce que je vous racontais la semaine dernière. Rien pour améliorer les choses, la Banque du Canada a laissé présager dès le lendemain une hausse substantielle de taux hypothécaires au cours des 18 prochains mois.

Doux Jésus, les locataires sont-ils condamnés à le rester ?

Je n’ai pas appelé Jésus, je me suis plutôt tourné vers Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins. Durant toutes ces années pendant lesquelles les prix des logements ont grimpé, alors que d’autres observateurs criaient aux loups, je n’ai jamais vu Mme Bégin s’énerver.

À l’exception du début des années 2000, quand l’immobilier représentait une véritable aubaine, le secteur n’a pas montré de comportement anormal ni inquiétant récemment.

L’inflation prononcée qui caractérise depuis 10 ans le marché est surtout le résultat des bas taux d’intérêt. Comme les coûts d’emprunt ont baissé, la hausse subséquente des prix immobiliers ne s’est fait sentir que très sensiblement dans le portefeuille des ménages, en dépit d'un endettement plus important. 

Voilà pourquoi Hélène Bégin s’est toujours montrée plutôt flegmatique à l'égard de la conjoncture immobilière résidentielle. Maintenant que les taux sont appelés à monter pour la peine, et que la hausse des prix ne semble pas vouloir refroidir, j’étais curieux d’obtenir sa lecture de la situation.

S’énerve-t-elle enfin un peu?

Un peu, mais pas plus. Durant notre conversation, elle a bien qualifié le marché montréalais de «préoccupant». Il y a selon elle un potentiel de surchauffe, ce qui marque un changement de ton chez l’économiste. Pour autant, il n’y pas de quoi encore partir en peur. «Il ne faut pas être alarmiste», dit-elle.

Le prochain rapport de Desjardins sur la question fera sans doute état d’une dégradation de l’accessibilité du marché immobilier montréalais, croit-elle, les prix et les taux d’intérêt étant les deux principaux facteurs de cette mesure.

Maintenant qu’on a dit ça, peut-on espérer une accalmie ?

Rappelons d’abord que les prix des maisons et des copropriétés ne sont pas manipulés par une main invisible et malicieuse. Ce n’est pas non plus la faute des investisseurs chinois.

Les investisseurs étrangers, tout comme leurs semblables locaux du reste, se concentrent sur des territoires de la ville et sur des produits qui ne sont généralement pas recherchés par le ménage ordinaire. Ils n’ont que faire d’un duplex de la rue Mentana construit entre les deux guerres. Ils affichent une nette préférence pour le condo de luxe qui foisonne au centre-ville.

Ils ont de quoi se contenter. Encore la semaine dernière, on apprenait que des centaines d’unités avaient trouvé preneurs peu de temps après l’ouverture du bureau de vente du projet Victoria sur le Parc, dans le Vieux-Montréal.

Si ce n’est pas à la main invisible ou aux Chinois, à qui est la faute? Un peu beaucoup à l’état de santé de l’économie, note Hélène Bégin. À choisir entre la situation actuelle et des prix raisonnables accompagnés d’un taux de chômage à 10%, que feriez-vous ?

Hélène Bégin nous rappelle que nous vivons actuellement le plein emploi, phénomène rarissime, on a tendance à l’oublier, et que les hausses salariales s’accélèrent au Québec au point où l’on dépasse toutes les autres provinces à ce chapitre. «On note une augmentation de 4% en 2018, ça fait longtemps qu’on a vu ça. On était plutôt habitué à du 2-2,5% ces dernières années», dit l’économiste.

En même temps, on constate une forte demande pour les propriétés dans les quartiers centraux de Montréal depuis quelques années, je ne sais pas si la pléthore de chantiers routiers et les embouteillages sont en cause. Qu’importe la raison, toujours est-il que l’offre ne suit pas.

Selon la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ), le nombre d’inscriptions dans la région de Montréal, c’est-à-dire les pancartes à vendre, était en baisse de 16% au dernier trimestre par rapport à l’année dernière, alors que les ventes ont crû de 5%. Dans le secteur de la copropriété, l’offre sur le marché de la revente était en baisse de 25%. La construction de logement neuf, apparemment, ne compense pas.

À cet égard, la situation à Québec contraste avec celle de Montréal. Là-bas, l’offre augmente, la demande stagne, tout comme les prix, à l’exception du marché des condos, où les valeurs baissent.

Le contexte montréalais a pour conséquence que de nombreux acheteurs sont disposés à offrir davantage que le prix demandé. Dans les quartiers centraux dont je parlais la semaine dernière, on s’y adonne allègrement. Entre 12 et 16% des copropriétés vendues font l’objet d’une surenchère dans le Plateau-Mont-Royal, à Rosemont, dans La Petite-Patrie, à Villeray, à Saint-Michel et à Parc-Extension. Dans Rosemont, une maison unifamiliale sur trois est adjugée à un prix plus fort que celui affiché, selon un autre rapport de la FCIQ publié en mai.

S'il y a de l'espoir du côté de la copropriété, la rareté des maisons unifamiliales à Montréal ne s’estompera probablement jamais. Les terrains sont rares et les promoteurs autant que la Ville favorisent la densité. On n'a pas fini de s'émouvoir du prix des maisons dans la métropole, qui rendront tôt ou tard millionnaires leurs propriétaires. 

Ce qui m'amène à croire que si l’administration municipale veut amener les jeunes familles, elle n'y arrivera pas en taxant les investisseurs étrangers concentrés dans le centre-ville. Les résultats ont été mitigés à Toronto et à Vancouver, là où une telle mesure a été implantée. Ce n’est pas non plus en mettant sur pieds des programmes d’accès à la propriété, qui ne fait qu’augmenter la demande dans un contexte de rareté, donc les prix.

C’est en faisant en sorte qu’il y ait une offre suffisante pour satisfaire les besoins des familles. D’ici là, la hausse des taux d’intérêt pourrait faire son oeuvre, et Donald Trump pourrait faire basculer l’économie mondiale vers la récession ou le chaos.

Peut-être là, les prix se mettront à descendre. On n’a rien pour rien.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.