Bons clients, cons clients?

Publié le 29/09/2015 à 11:30

Bons clients, cons clients?

Publié le 29/09/2015 à 11:30

La fidélité et la monogamie sont-elles des traits culturels ou des caractéristiques innées de notre espèce? Je ne me posais pas vraiment la question quand le collègue Denis m’a fourni une partie de la réponse lundi matin.

Après un flirt de douze mois avec Bell, il nous annonçait qu’il retournait chez Vidéotron.

L'automne dernier, Denis s’était jeté dans les bras de la dame en bleue qui le courtisait avec des prix aguichants. Une vingtaine de chaînes de télé, le service internet et le téléphone résidentiel lui étaient offerts pour 80 dollars par mois, pendant un temps limité. À la fin de la période, il devrait payer «le prix du marché», lui avait-on expliqué.

Le prix du marché? On voit ça sur le menu de certains restaurants pour «La prise du jour», et ce n’est généralement pas synonyme de «bon marché». Mon voisin de bureau en a eu la confirmation lorsque sa facture a soudainement bondi à 150 dollars! «C’est le prix du marché», lui a-t-on rétorqué lorsqu’il a appelé pour obtenir des explications. Son interlocuteur n’est pas près de voir sa photo encadrée sur le mur du centre d’appels…

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Denis n’a pas gaspillé de temps avec le service à la clientèle et n’a même pas daigné se livrer à une petite joute argumentaire avec le département de rétention. Il a raccroché et a rappelé son ex, Vidéotron, où il a retrouvé des services comparables à prix beaucoup plus compétitifs.

Mais dans six mois, tout sera à recommencer. Le câblodistributeur utilise la même tactique en offrant des prix réduits pour une période de six mois. Par exemple, Vidéotron propose aux nouveaux clients l’Internet illimité et un forfait télé incluant 20 chaînes pour 70 dollars par mois, pendant six mois. Ensuite, c’est 127 dollars. 

À chaque fois que Denis retourne sa veste, un technicien, si ce n’est deux, doit se déplacer et un employé quelque part doit réactiver son compte. Il faut les payer ces gens-là. Et je ne parle pas des dépenses de marketing nécessaires pour soutenir cet effort de guerre! Bell et Vidéotron n’hésitent pas à puiser dans leur coffre et à faire les belles pour s’échanger une poignée de clients volages comme mon collègue.

Et que font ces entreprises pour les clients fidèles, une majorité, qui paient le gros prix docilement chaque mois depuis des années? Rien!

Je paie plus de 120 dollars chez Vidéotron, avec les taxes, pour un service moins généreux que l’offre que j’ai décrite plus haut. J’utilise le «pouvoir infini du câble » depuis 12 ans au moins et les seules fois que l’entreprise entre en communication avec moi, c’est par la poste pour m’informer d’une majoration du prix de mon forfait de un ou deux dollars. 

C’est tout de même ironique. Les entreprises de télécom trouvent le service postal fort pratique pour annoncer des hausses de tarifs ou pour exhorter d’anciens clients à retourner chez elles (je reçois une lettre de Bell tous les mois ou presque, du bon manger pour le bac à recyclage). Mais sous un prétexte de lourdeur administrative, elles chargent des frais à leurs clients, souvent de longue date, qui désirent recevoir leur facture en papier par la poste.

Dans l’industrie des services financiers, la même logique prévaut. Les banques n’hésitent pas à offrir des taux d’intérêt bonifiés sur l’épargne et réduits sur une marge de crédit à ceux qui débarquent chez elles. L’année dernière, la Banque Royale offrait un iPad mini aux personnes qui ouvraient un nouveau compte. Ma mère est une cliente de l’institution financière depuis 35 ans au moins. Elle a appelé à sa banque: «Moi, est-ce que j’ai droit à un iPad?» Elle s’est fait dire non. Elle aurait plus de chances de recevoir sa tablette en déménageant ses pénates à la TD, elle aussi généreuse en cadeaux électroniques pour les nouveaux clients.

Je pose la question à tous les bonze du marketing qui oeuvrent dans les entreprises de service: pourquoi ne pas investir vos efforts à récompenser la base de clients fidèles plutôt que les transfuges? 

Pour les punir de ne pas bichonner leurs meilleurs clients, je propose qu’on fasse tous comme Denis. Créons le chaos! Déménageons tous en même temps chez le concurrent!

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.