Frais de garde: la galère des familles recomposées

Publié le 29/03/2016 à 11:33

Frais de garde: la galère des familles recomposées

Publié le 29/03/2016 à 11:33

J’ai vécu un double baptême de budget ces deux dernières semaines. Deux journées enfermé à piocher dans des piles de documents budgétaires, à Québec, puis  à Ottawa moins d’une semaine plus tard. L’ambiance est un peu comme celle qu’on retrouvait à la fin de l’année aux «examens du ministère», à la belle époque du secondaire. Il y flotte une sorte de fébrilité studieuse, sauf qu’on peut parler avec ses voisins et aller à la toilette sans demander la permission.

Bilan: j’en suis revenu avec une admiration redoublée pour les parents.

Déjà que je vous trouvais courageux de courir à la garderie à l’aller et au retour du travail, de faire l'aide aux devoirs après le souper et d’asseoir vos fesses sur un banc frette d’aréna les samedis matin d’hiver… Maintenant, il vous faudra réviser vos maths de secondaire cinq pour arriver à calculer les frais de garde de vos petits et l’aide parentale à laquelle vous avez droit.

Et ça, c’est pour les familles comme dans les livres de catéchèse de notre temps : toi, ta soeur, papa et maman unis dans le bonheur et le partage sous le regard bienveillant de Jésus. Mais qu’est-ce qui se passe quand la famille éclate, que papa part habiter avec la stagiaire et maman avec son prof de gym alors que l’Allocation canadienne pour enfants (ACE), le Soutien aux enfants et les frais de garde sont basés sur le revenu du ménage?

De quoi donner des maux de tête autant que les intégrales…

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Commençons par le plus facile: les allocations versées par les gouvernements aux familles. «La mécanique qui prévalait pour la Prestation fiscale canadienne pour enfants [PFCE] va s’appliquer à la nouvelle mesure annoncée par Ottawa la semaine dernière [l'ACE]», dit le fiscaliste Jean-François Thuot, chez RCGT. Le Soutien aux enfants versé par Québec fonctionne de la même façon.

L’aide est versée au parent qui a la garde de l’enfant. Les allocations seront divisées entre les parents si la garde est partagée. Comment est alors déterminée l’aide? Selon le revenu du ménage auquel appartient le père d’un côté et la mère de l’autre.

Prenons l’ACE du fédéral dans le cas d’un enfant de moins de six ans en garde partagée. Appelons-le Antoine. La mère du petit Antoine, Véronique, et son nouveau conjoint ont un revenu combiné de 100 000$. Le père d’Antoine, François, et sa nouvelle flamme comptent sur un revenu familial de 75 000$.

Véronique recevra 50% de l’aide prévu pour une famille dont le revenu est de 100 000$, soit 1415$ par année, tandis que François recevra 1815$, soit la moitié de l’ACE pour une famille au revenu de 75 000 $.

Notons au passage qu’un parent qui s’occupe de l’enfant une fin de semaine sur deux n’est pas considéré en avoir la garde. Donc, pas une cenne pour lui.

C’est simple jusqu’à maintenant. Mais ça peut se compliquer drôlement quand il y a plusieurs enfants dans le portrait et que certains sont en garde exclusive et d’autres en garde partagée. Imaginons trois enfants, dont deux sont sous la garde exclusive de la mère et un en garde partagée. Dans ce cas, la mère recevrait cinq sixièmes de l’aide, et le père, un sixième.

Il y a une autre complication. Si l’un des parents se met en couple avec un conjoint au revenu très élevé, il pourrait perdre la totalité ou une bonne partie de l’aide gouvernementale sans que cette perte soit compensée par le nouvel amoureux. Vous connaissez la rengaine: «Viens habitez chez nous, mais je ne paie par pour tes enfants…»

Alors voilà pour les «allocations familiales». Passons au chapitre corsé: les frais de garde.

Les contributions additionnelles pour les frais de garde sont déterminées en fonction du revenu de l’un des deux nouveaux ménages. Ce sont les parents qui choisissent lequel des deux revenus sera pris en compte. Comme dans le cas de l’ACE, il faut tenir compte du revenu du nouveau conjoint.

Si on reprend l’exemple plus haut, les frais de garde du petit Antoine devraient être assumés par le nouveau ménage de François puisque ses revenus sont plus bas et il paiera donc des frais de garde moins élevés.

Pour ce faire, François n’a qu’à signer l’entente de services de garde. Il est alors responsable de payer les frais de base (7,55$ en 2016) et la contribution additionnelle au moment de faire sa déclaration de revenus. Il pourra ensuite demander la déduction fédérale pour garde d’enfants pour tout ce qu’il aura payé pour faire garder Antoine dans une garderie subventionnée.

Le père pourrait aussi se faire rembourser une partie des frais par Véronique, la mère d’Antoine. Dans ce cas, il devra lui remettre un reçu, qu’elle pourra utiliser pour demander une partie de la déduction fédérale. Bien sûr, François devra soustraire la somme en question lorsqu’il réclamera de son côté la déduction à Ottawa.

Mais il n’y pas que le revenu familial des deux ménages qu’il faut considérer au moment de déterminer lequel des deux parents devrait signer l’entente de services de garde. La composition des deux ménages est cruciale dans l’équation.

Par exemple, si le nouveau conjoint de Véronique a deux enfants qui fréquentent un CPE, ce devrait être elle qui signe l’entente pour la garde d’Antoine, peu importe le revenu de sa nouvelle famille. Un ménage n’est tenu de payer des contributions additionnelles que pour deux enfants seulement, pas trois.

Vous suivez?

Cela soulève un aspect dont personne n’a parlé jusqu’à maintenant. En réduisant de 50% et de manière rétroactive (2015) la contribution additionnelle pour le deuxième enfant en garderie, des parents séparés pourraient soudainement avoir l’impression d’avoir fait le mauvais choix du signataire de l’entente de services de garde.

En effet, cette annonce du gouvernement change la donne pour de nombreux ménages.

Restons dans l’exemple cité plus haut et imaginons que le nouveau conjoint de Véronique n’a pas deux enfants en garderie, mais un seul, l’autre étant à l’école primaire. Avant l’annonce par Québec de réduire la contribution additionnelle pour le second enfant en garderie, c’est François qui, dans ce cas, aurait eu avantage à signer l’entente. Pourquoi? Les revenus du ménage de Véronique sont plus élevés et, par conséquent, celle-ci aurait dû débourser des contributions additionnelles plus importantes.

Mais en appliquant une réduction de 50% sur les contributions additionnelles pour le deuxième enfant, Véronique aurait maintenant intérêt à assumer les frais de garde du petit Antoine, son ménage comptant deux enfants en garderie, et celui de François, un seul.

Alors voici une petite question à développement: puisque le gouvernement peut changer les règles de manière rétroactive, serait-il pertinent de permettre à certains parents de changer le signataire de l’entente de services de garde de manière rétroactive?

Ah oui, un détail important: tous les scénarios décrits ici impliquent que les parents se séparent en douceur, sans acrimonie. 

Pour calculer l'Allocation canadienne pour enfants;

Pour calculer les frais de garde.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.