Airbnb à la rescousse des nouveaux investisseurs immobiliers

Publié le 12/09/2017 à 11:00

Airbnb à la rescousse des nouveaux investisseurs immobiliers

Publié le 12/09/2017 à 11:00

Josée ignorait que son locataire vendait de la drogue. Mais la police, elle, s’en doutait depuis un certain temps. Jusqu’à ce qu’elle débarque faire une descente pour en avoir le coeur net. Rien de délicat, vous l’imaginez. On ne leur apprend pas le macramé à l’école, aux policiers. Accompagnés d’un chien, ils ont enfoncé la porte et défoncé des murs à la recherche de la dope.

L’histoire ne dit pas ce qu'ils ont trouvé. Mais ils ont laissé derrière eux 12 000 dollars de dommages, selon Josée. Ni les assurances ni la Ville de Gatineau n’ont voulu payer la facture, raconte-t-elle. On lui a dit de réclamer la note au locataire. «Il était sur le BS, en prison. Comment je suis censée me faire rembourser ?» se demande cette propriétaire.

Josée possède deux duplex, un triplex et une maison à Gatineau. Ce n’est pas la première fois qu’elle a des problèmes avec un locataire. Une autre fois, il y en eu un qui s’est poussé sans lui payer les trois mois de loyer qu’il lui devait.

Josée est malchanceuse. Parce que la très vaste majorité des locataires sont du bien bon monde. Mais il suffit parfois d’une mésaventure pour vous incruster une opinion dans la tête. Et celle que s’est forgée Josée, c’est que les propriétaires qui font de la location à long terme ne sont pas protégés. Quand elle parle de la Régie du logement, elle ne puise pas ses mots dans le sac des compliments, je vous assure.

Josée s’est lancée dans l’immobilier en 2009, elle en vit exclusivement depuis 2015. Ses logements sont à courte distance de marche d’Ottawa. Un endroit idéal pour les touristes. Quand un locataire a quitté un de ses appartements, elle a tenté une expérience. Elle l’a remis au goût du jour, elle l’a meublé et l’a offert sur Airbnb. Et puis? Le bonheur, qui dure depuis presque un an. Elle demande 80 $ la nuit, plus 20 $ par séjour pour le ménage. En une semaine, son logement génère plus de revenus que les autres en un mois.

Il y a des temps morts, mais pas tant que ça. Elle accueille des touristes américains durant la belle saison, mais aussi parfois des Québécois qui viennent recevoir des soins médicaux qui ne sont pas offerts dans leur région. Une fois, un Canadien qui habite à Dubaï a loué son appartement durant quatre mois pour que sa conjointe accouche au Canada. Il voulait être sûr que son petit ait la citoyenneté canadienne.

La propriétaire compte convertir tous ses logements en location Airbnb, à mesure que ses locataires bailleurs s’en iront. Avec Airbnb, elle se sent beaucoup mieux soutenue que par la Régie du logement. Josée peut moduler le coût de location en fonction de la demande. Elle peut exiger un dépôt de sécurité au début de chaque location pour couvrir d’éventuels dommages causés par les locataires. En plus, Airbnb l’assure contre des dégâts plus importants. L’entreprise américaine perçoit les loyers à sa place, a même la carte de crédit du client, pour les déposer dans son compte, le tout sur une plateforme technologique des plus conviviales. Les mauvais clients sont bannis, et le système de référence d’Airbnb n’a pas son pareil.

Tout ce que les propriétaires de logement réclament depuis toujours auprès du gouvernement, et plus encore, ils le trouvent chez Airbnb. Alors, il ne faut pas s’étonner qu’ils soient de plus en plus nombreux à vouloir faire le saut.

Au début du mois d’août, une étude réalisée par une équipe d’urbanistes de l’Université McGill a mesuré le phénomène Airbnb à Vancouver, à Toronto et à Montréal. Elle a fait ressortir l’ampleur du phénomène de location à court terme, particulièrement à Montréal. Le gros des revenus de location provient d’une minorité de propriétaires, de véritables petits entrepreneurs hôteliers, qui profitent au Québec d’un climat d’affaires plus complaisant. Avec une poignée d’inspecteurs sur le terrain, le gouvernement provincial n’a pas les moyens de ses ambitions réglementaires, pourtant modestes. Et à Montréal, le zonage est des plus permissifs, si bien que le Plateau Mont-Royal serait infesté par Airbnb.

Certains ce sont demandés si le phénomène n’allait pas créer une rareté, puis une pression sur le prix des loyers pour les habitants du quartier. On pourrait aussi poser la question autrement: et si la réglementation en matière de logement, notamment sur la fixation des prix, n’inciterait pas des propriétaires immobiliers à se tourner vers Airbnb?

Bien que ce ne soit pas l’objet de l’étude qu’il a pilotée, le professeur de McGill David Wachsmuth le croit. Selon lui, le fait que le prix des loyers soit nettement plus bas à Montréal qu’à Vancouver et à Toronto, combiné à un cadre réglementaire laxiste, rend l’option d’Airbnb très séduisante ici. «On ne peut expliquer la part disproportionnée de Montréal dans les activités d’Airbnb sans ces deux facteurs», a-t-il confié dans un échange de courriels.

Si ce sont de gros joueurs qui dominent actuellement le marché montréalais, dont des américains, la croissance viendrait maintenant de petits propriétaires.

Comme Benoit, qui possède 15 portes réparties entre Montréal et Shawinigan. À l’instar de Josée, il expérimente en catimini (d’où l’identification par le prénom seulement) la location par Airbnb dans un des six logements d’un immeuble situé dans le quartier Hochelaga, à Montréal. Comme touriste, il avait déjà recouru à Airbnb pour son hébergement. «Le concept m’a impressionné», dit-il.

Sa fille de seize ans, désireuse de suivre les traces de son père dans l’immobilier, en gère la location. Elle a en outre décoré le trois et demi dans une thématique très montréalaise, avec un rideau de douche à l’effigie du métro et des accessoires orange en référence aux cônes emblématiques de la métropole.

Ils se sont lancés en juillet et l’appartement a été occupé depuis à 95% du temps. Et septembre et octobre sont presque complets. En location traditionnelle, le revenu de loyer serait 500 ou 600 dollars par mois, dit Benoit. En Airbnb, et une fois soustraites les dépenses supplémentaires, dont le coût des assurances qui a doublé et les frais de ménage, le petit appartement a généré 150 % plus de revenus. Il songe à convertir d’autres appartements en location à court terme, mais attend les résultats de son unité de test sur tout un cycle d’un an avant de décider.

«La location en Airbnb, c’est très différent de la location traditionnelle. Je ne pense pas qu’il y ait tant de propriétaires qui soient attirés par la location à court terme. Il faut faire du ménage, accueillir les locataires, et leur offrir du service parfois comme à l’hôtel… Ce n’est pas comme collecter son loyer une fois par mois», dit Kevin Buche, directeur du service aux membres de Montréal de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ). Selon un sondage mené par l’organisme, 10% des propriétaires québécois ont tenté la location Airbnb ou songent à le faire. C’est tout même beaucoup.

Pour un propriétaire de longue date qui possède plusieurs immeubles dont la valeur s’est beaucoup appréciée avec le temps, Airbnb suscite moins d’intérêt. Mais pour de jeunes investisseurs immobiliers qui veulent tirer des revenus de leurs immeubles payés à fort prix, Airbnb apparaît comme un sauveur, à Montréal, à Gatineau comme à Québec.

Comme vous le verrez vendredi dans un deuxième volet de cette série.

Suivez-moi sur Twitter / Pour lire mes autres billets


À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.