Acheter de l'assurance vie, c'est chill!

Publié le 03/10/2017 à 11:20

Acheter de l'assurance vie, c'est chill!

Publié le 03/10/2017 à 11:20

Le PR, un estimé ancien collègue, me racontait dans son pitch qu’il ne sera pas plus compliqué de souscrire une assurance vie que de «se préparer un café». Son courriel était accompagné du communiqué de presse de la compagnie d’assurance Sun Life qui venait de lancer Go Sun Life, une plateforme qui permet d’acheter une assurance vie sur Internet, sans l’intervention d’un intermédiaire.

La formule m’a laissé dubitatif. Avec une machine Nespresso, vous savez, il ne faut que quelques secondes pour se faire un café.

«Es-tu en train de me dire que je peux m’acheter une assurance de trois quarts de million le temps de me couler un lungo

Presque. Quelques minutes suffisent en effet pour acheter une assurance vie temporaire 20 ans d’un million de dollars.

L’emballage marketing du produit, inspiré de Coca-Cola, laisse un brin perplexe. Le message: Mords dans la vie, Vas-y Go!, avec une jolie jeune femme derrière le volant d’une voiture décapotable. On ne manque pas d’ambition, car il en faut beaucoup pour vouloir rendre l’achat d’une police assurance vie aussi cool qu’une soirée au Piknic Électronik.

Il n’est pas explicitement interdit de vendre de l’assurance vie par Internet, pas plus qu’elle est autorisée noir sur blanc. Ce n’est tout simplement pas encadré, les lois actuelles ayant été écrites longtemps avant l’apparition des fintechs.

Sun Life semble avoir profité du flou législatif pour se positionner sur le marché avant tout le monde. Car ce n’est qu’une question de temps avant que les autres assureurs s’y lancent. Et selon des informations qui circulent, Québec s’apprête à dépoussiérer la loi sur la distribution des produits et services financiers. Le dépôt d’une loi omnibus serait imminent. Les acteurs de l’industrie trépignent, le dossier traîne depuis deux ans.

Selon toute vraisemblance, la vente de produits d’assurance vie en ligne sera permise, en dépit de l’opposition des intermédiaires, ce qui n’a rien d’étonnant, et des réticences exprimées par Option consommateurs.

Je les comprends, la majorité des jeunes parents ont intérêt à se protéger avec de l’assurance vie et bien peu sont en mesure d’évaluer correctement leurs besoins.

Mais d’un autre côté, peut-on s’opposer à une telle vague de fond? Les fintechs, avec des nouvelles façons de concevoir et de distribuer les produits financiers, commencent à investir le secteur de l’assurance. En assurance de dommage, par exemple, on voit poindre aux États-Unis des plateformes qui permettent aux gens, comme à l’époque des premières mutuelles, de se regrouper dans ce qu’on appelle du peer-to-peer insurance, à l’extérieur du cadre réglementaire.

Déjà, en placements, n’importe qui peut depuis des années ouvrir un compte de courtage et investir son pécule comme bon lui semble. Quant aux robots-conseillers, débarqués plus récemment, ils donnent accès à un portefeuille diversifié, et à peu de frais, à partir d’un téléphone.

Je n’affirme pas qu’il est toujours dans l’intérêt d’un particulier de prendre en main lui-même tous les pans de sa vie financière. Au contraire, je crois en la valeur ajoutée des conseillers financiers (pas tous, certains). Mais est-ce là une raison suffisante pour retirer aux invidividus la possibilité de choisir la manière d'acheter ses produits financiers?

Si, en investissement, on accorde au particulier le loisir de se débrouiller lui-même (et d’errer parfois, ça vient ensemble), pourquoi en serait-il autrement en assurance vie?

La très vaste majorité des ménages n’ont besoin que d’assurance vie temporaire de base, un produit qui, bien que mal compris, est nettement moins complexe que la gestion d’un portefeuille d’actions. (Il est possible de complexifier un contrat d’assurance vie temporaire avec des options à n'en plus finir, mais à mon avis ces options sont la plupart du temps superflues ou d’une utilité discutable.)

La plateforme de Sun Life nous donne un avant-goût de ce qui va déferler sur le marché. Les gens pourront souscrire une assurance vie temporaire en ligne en quelques minutes, avec un iPhone, en attendant l’autobus. L'outil permet d’évaluer les besoins en capital-décès et de déterminer le coût de la prime avec une série de questions, puis ne reste plus qu’à entrer son numéro de carte de crédit, et puis voilà! Durant le processus, le client peut en tout temps entrer en communication avec un conseiller.

Oui, mais l’achat d’une assurance vie mérite-t-il qu’on y consacre plus de temps? demandez-vous. Sans aucun doute, mais je suis vieux jeu moi aussi. 

Car dans la réalité, il se trouve de plus en plus de gens qui ne veulent pas mettre le temps nécessaire à l’achat d’une police d’assurance vie sur mesure. Et pour qui jaser avec un conseiller en sécurité financière un soir de semaine, ce n’est pas très chill! Voilà donc des gens qui pourraient contracter une assurance vie qui ne le feraient pas autrement.

La vente de produits d’assurance vie par des conseillers est strictement encadrée au Québec. Ces intermédiaires ne devraient pas se plaindre que la distribution directe le soit également, si le projet de loi déposé bientôt est adéquat. 

Suivez-moi sur Twitter / Pour lire mes autres billets


 

À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.