À qui profite vraiment le CELI?

Publié le 22/09/2015 à 11:45

À qui profite vraiment le CELI?

Publié le 22/09/2015 à 11:45

Je l’aurais cru cloué à son grabat, incapable de faire des apparitions publiques. Pourtant, Fidel Castro, 89 ans, s’est montré une nouvelle fois à la télévision hier en compagnie du Pape François. Du bonbon pour les caméras! Les marques du temps étaient manifestes dans sa posture cambrée et son regard un peu absent, mais le Lider Maximo semblait toujours vivant dans sa veste Adidas.

Je parie que certains d’entre vous croyaient qu’il était mort. Et qu’il s’était soudainement réincarné dans mon billet de blogue publié la semaine dernière. J’ai eu le malheur de laisser entendre que le plafond actuel du CELI, à 10 000 dollars, me semblait exagéré et allait profiter surtout aux gens à haut revenu. Je n’ai pas reçu une seule tape dans le dos. «Bien dit Germain!» Non, juste des remontrances. Un réquisitoire, presque : «Un communiste s’est infiltré parmi les blogueurs de Les Affaires!»

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Un lecteur, que je salue, s’est dit fort déçu que je puisse défendre l’idée de ramener le plafond de cotisation annuelle du CELI à 5500 dollars, à plus forte raison sur un site «dédié aux investisseurs». Avoir un petit doute sur l’accumulation du capital sans entrave, ni impôt, lui a paru hérétique, quand bien même ce fut pour le bien commun. Ce n’était pas mon intention d’insulter la mémoire de Benjamin Graham, je vous jure.

Plusieurs m’ont écrit que le CELI bénéficiait à la majorité des contribuables, pas seulement aux riches. Je n’ai pas affirmé le contraire, et je suis pour le maintien du CELI. Mais je persiste à croire qu’atteindre le plafond de 10 000 dollars année après année n’est pas à la portée de toutes les bourses, au contraire.

Un autre a fait remarquer qu’on n’a pas nécessairement à injecter le maximum chaque année pour profiter d’un CELI doté d’une importante capacité. Comme les droits de cotisation s'accumulent, il suffit, à l’orée de la retraite, de vendre sa maison et de transférer le produit de la transaction dans le compte libre d’impôt. Je n’y avais pas pensé, mais c’est une bonne idée.

Personne n’a cependant évoqué la question des finances publiques. Parmi tous ceux qui tiennent à ce que le plafond du compte libre d’impôt soit le plus élevé possible, y a-t-il quelqu’un qui peut me dire comment sera compensée la perte de dizaines de milliards de dollars d’entrées fiscales que cela va engendrer dans 25 ans, quand nous serons tous vieux comme Fidel Castro, mais bénéficiant d’un CELI bien dodu? En confiant la santé au privé ou en surtaxant les couches d’incontinence et le manger mou? Ou tout ça à la fois?

Le REER pour les riches, le CELI pour les pauvres, et vice et versa

Mes amis, je marchais dans le noir jusqu’à ce qu’un lecteur vienne m’éclairer de sa lanterne de «conseiller» - il insiste là-dessus. Donc, j’ai tort d'affirmer que le CELI est pour les riches. «Ça me fait rire quand je lis ça…», m’a écrit ce conseiller en sécurité financière (il vend des produits d’assurance de personne). Selon lui, c’est le REER qui est pour les riches alors que le CELI est pour les pauvres. Voilà.

Je n’ai pas écrit que le CÉLI est un joujou de riches, mais que le plafond de 10 000, lui, va profiter davantage aux nantis. Cessez de me faire dire ce que je n'ai pas dit. 

Pour ce qui est du «REER pour les riches et le CÉLI pour les pauvres», le lecteur affirme que ce sont les gens à revenu élevé qui profitent le plus du REER. Ce raisonnement est largement répandu, mais je suis surpris qu’il persiste chez certains conseillers. Cela mérite des nuances.

Les contributions au REER sont déduites du revenu imposable, ce qui se traduit généralement par un retour d’impôt. Puisque les gens qui ont un revenu élevé ont un taux marginal d’imposition plus élevé (le taux d’imposition sur les derniers dollars gagnés), ce sont eux qui profitent le plus du REER. C’est plus avantageux de contribuer au REER lorsque les derniers dollars gagnés sont imposés à 50 % plutôt qu’à 38 %.

Le lecteur rappelle également qu’une contribution REER est une opération qui consiste à reporter l’impôt à plus tard. Autrement dit, je soustrais cette somme de mon revenu imposable maintenant pour l’ajouter à mon revenu imposable à la retraite. L’astuce ici est de contribuer au REER quand les revenus sont élevés et fortement taxés pour retirer cet argent quand on est frappé par un taux d’imposition moindre.

Sinon, mieux vaut mettre l’argent dans le CELI. Les contributions à celui-ci ne sont pas déductibles, mais les retraits, contrairement à ceux du REER, ne s’additionnent pas au revenu imposable. Et c’est sur celui-ci qu’est basé l’accès à certains crédits d’impôt et programmes sociaux fiscaux. En retirant de l’argent du REER, par exemple, une personne âgée pourrait perdre le supplément de revenu garanti du gouvernement fédéral. L’accès à ce denier est basé sur le revenu du retraité.

Mais voilà, il n’y a pas que les personnes âgées qui ont accès à des programmes sociaux fiscaux. Les familles à faible revenu aussi. Pensons aux frais de garde, à l’aide financière pour les enfants et autres crédits d’impôt, comme celui pour la TVQ. L’accès à ces programmes sociaux fiscaux rétrécit à mesure que le revenu familial monte. Lorsqu’on ajoute ces pertes à l’impôt sur le revenu, on parle alors du taux d’imposition implicite. Que reste-t-il dans les poches du ménage pour chaque dollar gagné de plus.

Comme l’a calculé Dany Provost, ce taux implicite atteint souvent 80 %, même 100 % dans certains cas. Autrement dit, il ne reste rien des dollars supplémentaires gagnés considérant les pertes du côté de l’aide gouvernementale et l'impôt. Les chiffres datent un peu, mais le principe reste le même aujourd’hui.

Pour ces familles, il est avantageux de contribuer au REER, ne serait-ce qu’une somme minime, en dépit de revenus modestes. Contribuer au CELI ou au REER? C'est cas par cas, et ça ne dépend pas seulement de l'endroit où on se situe sur la table d'imposition. Pour le savoir, un planificateur financier ou un fiscaliste est d’une aide inestimable.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.