Quand un dirigeant est-il trop payé?

Publié le 20/04/2015 à 09:47

Quand un dirigeant est-il trop payé?

Publié le 20/04/2015 à 09:47

Le président et chef de la directions de Discovery Communications, David Zaslav. (Photo: Bloomberg)

La rémunération des dirigeants est un critère à considérer dans notre analyse qui peut nous en dire long sur la culture d’une société.

C’est la saison des rapports annuels et avec eux, le temps de la divulgation de la rémunération des hauts-dirigeants. J’ai reçu une question à ce sujet d’un lecteur qui remet en cause un titre précisément en raison de la rémunération.

«Je serais très intéressé à lire votre opinion sur le niveau de rémunération du PDG de Discovery Communications. Cette société m’apparait comme intéressante qui semble générer beaucoup de capitaux par rapport à ce qu’elle a à investir. Toutefois, le fait qu’une poignée de dirigeants contrôle les actions votantes de l’entreprise et que la rémunération du PDG est démesurée me fait douter. La rémunération me porte à croire que le PDG s’enrichit démesurément sur le dos des actionnaires.» H.L.

J’ai donc jeté un œil sur la société et surtout sa rémunération. Discovery Communications (Nasdaq, DISCK, 31,73$US) est une société médiatique qui exploite un bouquet de canaux spécialisés un peu partout dans le monde, des chaînes comme Discovery, Animal Planet, TLC, Oprah Winfrey Network, etc.

En 2014, elle a réalisé des bénéfices de 1,1 milliard de dollars (G$) US sur des revenus de 6,3G$US, en hausse de 13%. Les profits ont progressé d’un peu moins de 6%.

Discovery est dirigée par David Zaslav et voici ce qu’il a gagné à titre de président et chef de la direction en 2014. Son salaire de base a été de 3M$US, le même depuis 2012. Il a également reçu des actions valant 94,5M$US, en plus de 50M$US en options, et une prime incitative (ouais, comme si le reste n’était pas incitatif!) de 6,0M$US. Au total, on parle d’une rémunération atteignant 156M$US.

Je sais qu’une partie de ce montant n’est pas de l’argent sonnant, mais il s’agit tout de même de près de 15% des bénéfices qui se retrouve dans les poches du PDG. OUF! En 2013, sa rémunération totale a été de 33,3M$US et de 49,9M$US en 2012. Il s’agit de 79,7M$US par année en moyenne en trois ans.

Le vice-président aux finances pour sa part a reçu près de 7M$US au total en 2014, 4,4M$ en 2013 et 3,8M$US en 2012. Le chef des ressources humaines a empoché 2,1M$US en 2014, et honnêtement, j’ai rarement vu une telle rémunération pour un poste semblable.

On vous dira qu’il est important que les dirigeants soient bien récompensés et motivés pour enrichir les actionnaires. Et c’est vrai. D’où l’idée par exemple d’accorder des options et des actions pour que les dirigeants soient également des propriétaires.

Et dans le cas de M. Zaslav, le conseil d’administration a été pas mal généreux de ce côté, n’est-ce pas? Et bien j’ai été bien surpris en constatant que malgré cela, le PDG ne possède que 395 527 actions A de Discovery et 391 294 actions C.

Le comportement «libéral» du conseil se répercute clairement dans la dilution du titre. Si vous calculez la valeur boursière de Discovery en utilisant le nombre d’actions avant la dilution, vous arrivez à 14G$US. Or, en prenant pour acquis que toutes les options et autres titres financiers sont exercés, oups, la valeur boursière grimpe à 21,3G$US, un œdème financier atteignant 50%. Ce qui, pour rester poli, approche l’orgie.

Et vous savez quoi, malgré cette grande générosité, le titre de Discovery pour les trois ans clos le 30 septembre 2014 a procuré un rendement total de 91%, contre 105% pour la médiane de son groupe comparable.

J’en sais assez pour ne pas vouloir approfondir mon analyse davantage. Les chances que l’actionnaire passe en premier sont assez faibles à mon avis. Le lecteur a raison!

Bernard Mooney

 

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