Nous avons grand besoin d'actionnaires activistes

Publié le 13/05/2014 à 10:52

Nous avons grand besoin d'actionnaires activistes

Publié le 13/05/2014 à 10:52

Carl Icahn, un des actionnaires activistes les plus connus, ne fait par contre pas l'unanimité.

La semaine dernière, un observateur de la scène financière américaine a commenté qu’il ne faut pas compter sur Warren Buffett pour combattre les abus des dirigeants et des conseils d’administration des sociétés ouvertes. Seuls les investisseurs activistes ont une chance d’y arriver, selon lui.

Cette déclaration était faite dans le cadre du programme de rémunération controversé de Coca-Cola, jugé abusif par plusieurs investisseurs, incluant Warren Buffett.

Au risque d’en surprendre plusieurs, je vous dirais que je suis d’accord. Pour vraiment avoir une chance de provoquer des changements durables, il faut être prêt à se battre, à confronter de façon agressive les dirigeants et les administrateurs pour les faire sortir malgré eux de leur torpeur. M. Buffett est beaucoup trop «gentil» pour cela et à son âge, il fuit les conflits et les problèmes (ce qu’il a probablement toujours fait…).

Ce qui m’a poussé à réfléchir à la situation des sociétés québécoises. Ici, je dois faire attention et manifester de la retenue. J’ai assez d’ennemis comme ça. Toutefois, je connais tant d’entreprises gérées pour procurer le maximum de gains aux dirigeants, avec le minimum de considération pour les actionnaires.

Ces dirigeants et ces administrateurs ne font rien d’illégal, c’est certain. En fait, souvent, ce sont les champions de la régie d’entreprise, car on peut suivre toutes les règles et lois des organismes de réglementation tout en baignant dans la nauséabonde médiocrité corporative.

D’où le besoin, l’urgence devrais-je dire, d’avoir au moins quelques actionnaires activistes avec des moyens et des dents acérés pour mordre les fesses des conseils d’administration de ces supposés fleurons. En fait, pas besoin de mordre car japper suffit souvent à réveiller même ceux qui dorment le plus profondément.

Par contre, mener des campagnes pro-actionnaires minoritaires au Québec comporte des contraintes majeures qu’on ne retrouve pas ailleurs. Par exemple, il y a de nombreuses sociétés ouvertes ici qui sont familiales et qui sont contrôlées (vive les actions subalternes!) par les entrepreneurs fondateurs ou leur progéniture. C’est souvent dans ce dernier cas qu’on retrouve des abus. Or, le contrôle effectif entre les mains des enfants diminue pratiquement complètement les chances de succès pour un actionnaire activiste.

Aussi, il ne faut pas compter sur l’appui des grandes institutions québécoises qui gèrent d’abord et avant tout en se préoccupant de leur réputation. Elles ne veulent surtout pas se retrouver dans les manchettes.

De plus, il est facile de manipuler l’opinion publique pour faire passer les activistes pour de méchants profiteurs. Je vois d’ici les dirigeants de sociétés visées déclarer que l’intervention de tel activiste est une grave menace pour l’économie québécoise, qu’elle signifiera des pertes d’emplois, voire la perte de siège social, etc. et voir politiciens, éditorialistes et leaders syndicaux coucher dans le même lit que les dirigeants.

C’est en fait pour toutes ces raisons qu’on a encore plus besoin d’actionnaires activistes, pour brasser la cage corporative dorée et pour qu’enfin on prenne au sérieux l’enrichissement des petits investisseurs.

Bernard Mooney

 

Blogues similaires

Canada Goose : le coup de froid

Édition du 26 Janvier 2019 | François Pouliot

CHRONIQUE. Le Canada a bon nom à l'étranger. Utilisons-le pour tenter de donner du levier à nos produits. Bonne ...

Shopify: prochaine victime de la malédiction boursière canadienne?

BLOGUE INVITE. Shopify est-elle différente des Nortel, Research in Motion, Valeant, Barrick Gold et autres?

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.