Mooney: Montréal financier se meurt

Publié le 13/12/2012 à 09:32, mis à jour le 13/12/2012 à 13:57

Mooney: Montréal financier se meurt

Publié le 13/12/2012 à 09:32, mis à jour le 13/12/2012 à 13:57

[Photo : Bloomberg]

BLOGUE. Sans faire de bruit, sans faire de vague, une industrie importante est en train de mourir en pleine rue Sainte-Catherine. Je parle de ce qu’on pourrait appeler le Montréal financier ou plus spécifiquement les firmes de gestion de placement.

Les sociétés de gestion indépendantes sont en voie d’extinction, frappées par de nombreuses forces représentant quasi une tempête parfaite.

Cela commence par la consolidation financière des deux dernières décennies où nos grandes banques ont pris d’assaut ce secteur avec leurs gros sabots. Qui peut leur reprocher cela quand on connaît leurs ambitions, leur omniprésence et leur domination structurelle?

De plus, les crises, fiascos et fraudes des dernières années ont forcé les autorités à muscler considérablement la réglementation. Vous me direz que cela frappe toutes les institutions financières sans distinction, mais vous avez tort. D’une part, cela hausse de façon exponentielle les barrières à l’entrée pour les nouvelles sociétés plus petites, avec les coûts et la complexité qui explosent. Les banques ont des départements uniquement pour faire affaire avec les organismes comme l’AMF.

C’est loin d’être le cas si vous voulez fonder votre société de placement, chaque facture d’avocats ou consultants vous faisant frémir d’effroi en pensant à ce que vous recevez en échange de votre argent.

De plus, les fiascos et fraudes, abondamment publicisés, ont eu un impact massif sur le grand public. Ces clients potentiels acceptent la médiocrité des grandes institutions financières plutôt que de faire confiance aux petites boîtes indépendantes et innovatrices, perçues à tort comme étant toutes trop risquées.

L’autre facteur est tout simplement le vieillissement de la population qui force bien des firmes existantes à vendre. Selon un calcul de Finance et Investissement, publication sœur du Journal Les Affaires, un bon millier d'entrepreneurs du secteur financier manqueront à l'appel au Québec d'ici cinq ans.

Tout cela est bien connu. C’est pour cela qu’on entend souvent parler de mouvement pour aider et promouvoir ce secteur. Et c’est là qu’on tombe dans les vœux pieux car on parle, on jase, mais on ne fait rien.

Comme me le confiait récemment un jeune gestionnaire montréalais visiblement frustré : «Tout le monde s'entend pour dire qu'il faut encourager l'entrepreneuriat financier et qu'il va y avoir un grand vide à combler ...... Il faut bâtir l'avenir, développer les prochains Fiera, dit-on haut et fort sur tous les toits ! Dans une salle remplie de gens, tout le monde est d'accord avec ce fait. Cependant, dans la réalité, 95% de ces gens ont leur argent à la caisse populaire !!!! Du côté des institutions, c'est pas mieux.»

La solution ? Je suis allergique aux subventions et aux autres aides fiscales. D’ailleurs, ce qu’une jeune firme de placement a besoin comme coup de pouce, ce n’est pas ce qui est l’équivalent d’un chèque de BS. Ni qu’un organisme devienne actionnaire. La Caisse de dépôt et placement a essayé cela il y a quelques années et ce fut loin d’être un succès.

Les jeunes firmes ont besoin d’actif ; voilà le nerf de la guerre.

C’est d’ailleurs ce que fait systématiquement la caisse de retraite CALPERS (California Public Employees' Retirement System). En effet, dans le cadre de son Emerging Manager Programs, elle confie des sommes à gérer à des gestionnaires débutants et prometteurs. Calpers a ainsi investi 10 milliards de dollars US chez plus de 300 gestionnaires, soit environ 12% de son actif géré à l’externe. Un des buts spécifiques de ce programme est de «cultiver la prochaine génération de talent dans la gestion de portefeuille», peut-on lire dans une présentation à ce sujet.

Il me semble qu’il s’agit-là d’une bonne idée à exploiter en l’adaptant à notre situation.

Qu’en pensez-vous ?

Bernard Mooney

P.S. A lire sur le sujet: Un vide à combler.

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