Michael Dell devrait se la fermer

Publié le 08/12/2014 à 10:03

Michael Dell devrait se la fermer

Publié le 08/12/2014 à 10:03

Photo: Bloomberg

Au cours de la semaine, j’ai l’habitude de mettre de côté des articles, des rapports et des textes pour consultation future. Souvent, la fin de semaine, dans un cadre d’un ménage bien mérité, je les consulte et les lis, à la recherche d’idées.

C’est ainsi que je suis tombé sur un éditorial publié dans le Wall Street Journal le 24 novembre dernier, écrit par Michael Dell, président fondateur de la firme technologique qui porte son nom. En un mot, M. Dell écrit qu’un an après la privatisation de sa firme, tout va pour le mieux.

J’ai écrit plusieurs fois au sujet de Michael Dell, entre autres sur son projet de privatisation, toujours de façon assez critique. Mais là, je crois qu’il faut aller plus loin et dire les choses telles qu’elles sont. À savoir que M. Dell est un personnage, disons-le, dégoûtant.

Dans le Wall Street Journal, M. Dell se vante que la privatisation a été réussie. «La privatisation a libéré la passion des membres de notre équipe qui ont la liberté de se concentrer d’abord sur l’innovation pour nos clients d’une façon qu’il n’était pas possible en Bourse…»

«Maintenant, en tant que compagnie privée, Dell a la liberté de penser à long terme.»

Autrement dit, en tant que société en Bourse, il est impossible de bâtir pour le long terme et d’innover.

Ouf, quelle épouvantable bouillie pour les chats.

M. Dell se présente comme victime des marchés financiers alors qu’il n’en est qu’un profiteur. Après des années de performance désolante qui a fait fuir bien des investisseurs et qui a poussé le titre à une évaluation misérable, des investisseurs activistes ont frappé à sa porte. Michael Dell a choisi de se joindre à eux (la firme Silver Lake pour être plus précis) et d’en profiter pour privatiser, dans ce qui ressemblait à un gigantesque cas d’insider trading.

Un an plus tard (est-ce la vision du long terme de Michael Dell, 12-13 mois???), le dirigeant se bombe le torse et fait la leçon à tout le monde. «Nous nous retrouvons dans un monde de plus en plus affligé par la myopie», écrit-il.

Il ajoute que maintenant Dell peut penser à long terme. «Plus de projets en R&D retirés pour faire notre trimestre.» Ouf, est-ce de cette façon que Michael Dell a géré sa société lorsqu’elle était en Bourse?

Je vous rappelle qu’on parle de ce dirigeant qui a été accusé par la SEC, la commission des valeurs mobilières des États-Unis, de fraude comptable. En 2010, il a accepté de payer 100M$US pour régler ces accusations.

L’idée qu’on ne peut pas penser et gérer à long temps en Bourse est une idée saugrenue car c’est une inversion de la réalité. Sans trop s’en rendre compte, les dirigeants et les conseils d’administration attirent les actionnaires qu’ils méritent, à l’image de leur culture et de leurs ambitions. S’ils se comportent en tripoteur à court terme, ils trouveront des milliers d’actionnaires de cette nature.

Au contraire, s’ils travaillent solidement et sérieusement à bâtir leurs avantages compétitifs à long terme pour enrichir tous leurs intervenants, là encore, ils trouveront des actionnaires qui achèteront avec enthousiasme cette culture.

Je ne vous ferai pas croire que la première catégorie est plus rare que la première, mais je peux vous donner de nombreux exemples de la deuxième. Assez pour vous démontrer que c’est possible.

En fait, la réalité c’est que trop souvent ces sociétés privatisées avec l’aide d’investisseurs activistes sont gérées pour le très court terme, pour maximiser chaque sou de rendements et pour préparer leur nouvelle entrée en Bourse. N’ayez crainte, lorsque le moment sera le plus propice pour lui, Michael Dell annoncera sa venue en Bourse, pour maximiser sa richesse à lui, sans aucune autre préoccupation.

J’ai déjà la nausée en pensant à l’assiette bien garnie de bouillie corporative nauséabonde qu’il servira à Wall Street pour vendre sa deuxième vie en Bourse.

Bernard Mooney

 

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