La rationalité du marché obligataire

Publié le 10/06/2014 à 09:43

La rationalité du marché obligataire

Publié le 10/06/2014 à 09:43

Une des leçons apprises à mes débuts concernait la plus grande fiabilité du marché obligataire. Je me rappelle un collègue qui m’avait dit, sûr de lui, «si tu veux savoir si un titre boursier populaire est surévalué, jette un œil à ses obligations».

Et c’était fort sage car en effet, si vous voyez un titre dit de grande qualité en Bourse avec des obligations dont le rendement comporte une très forte prime par rapport à d’autres sociétés semblables, méfiez-vous. La prime reflète le risque perçu par les investisseurs que la société ne repaie pas ses dettes.

J’ai donc appris assez vite l’importance du marché obligataire et aussi que ce marché est beaucoup moins porté aux excès d’enthousiasme et de déprime que la Bourse. En d’autres termes, il est plus rationnel.

J’aurais de la misère à en dire autant aujourd’hui. Hier, le rendement de certaines obligations du gouvernement espagnol de 10 ans a baissé à 2,579%. C’est inférieur au rendement des obligations de 10 ans du gouvernement des Etats-Unis qui offrent un rendement de 2,6%.

Maintenant, dites-moi, en toute rationalité, est-ce que vous prêteriez de l’argent à l’Espagne pour 10 ans pour seulement 2,5%? Si vous aviez à choisir, est-ce que vous prêteriez votre argent au gouvernement américain ou au gouvernement espagnol, pour environ le même rendement?

Ce qui est vrai pour les obligations espagnoles l’est également pour celles d’Irlande et presque aussi pour les obligations du gouvernement italien. Les obligations gouvernementales de 10 ans de l’Allemagne offrent du 1,33%.

Évidemment, il faut faire attention à nos comparaisons car il faut tenir compte du taux de change. Reste que les investisseurs assoiffés comme jamais pour des rendements, sont en train d’oublier les risques. C’est exactement ce qu’ils font à la Bourse aux sommets, après plusieurs années haussières, emportés par l’enthousiasme.

Ce phénomène se voit également dans le marché des obligations corporatives alors que celles des sociétés de moindre qualité sont achetées même si l’écart de rendement compense de moins en moins pour leurs risques plus élevés.

Il ne faut donc plus compter sur la rationalité des investisseurs obligataires!

Je vous dirais que c’est également vrai pour les investisseurs spécialisés dans les ventes à découvert. Jadis, ces investisseurs avaient la réputation de fouiller davantage leurs placements et de vraiment faire leur devoir. Ils n’avaient pas toujours raison, mais lorsque vous appreniez qu’un de ces investisseurs avait vendu un de vos titres, c’était une bonne idée de le prendre au sérieux.

Ce n’est plus vrai aujourd’hui alors que la démocratisation de la vente à découvert (appelons cela ainsi…) a mené à une dilution du sérieux des investisseurs s’adonnant à cette pratique. Je ne donnerai qu’un exemple. Il y a quelques mois, un investisseur a été cité comme ayant vendu le Groupe CGI à découvert. Cet investisseur est en fait un éditeur de bulletin financier spécialisé dans les taux d’intérêt.

Il s’adonne maintenant à la vente à découvert, lui qui n’a jamais vraiment fait d’analyse de titres. Pourquoi? Parce que sa fille travaille chez un hedge fund!

Bernard Mooney

 

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