La fois où j'ai été victime d'une fraude

Publié le 20/08/2010 à 08:48

La fois où j'ai été victime d'une fraude

Publié le 20/08/2010 à 08:48

Blogue. Je pensais bien avoir fait le meilleur coup du monde…

En janvier 1991, j’ai acheté 500 actions de Cascades International, une chaîne de magasins située en Floride et vendant des cosmétiques et des vêtements.

Le titre s’est rapidement apprécié, aidé par la publication de résultats financiers superbes.

Pour vous donner une idée, ses revenus sont passés de 7,3 M$ US (les montants sont en dollars US) en 1986, à 15,8 M$ en 1987, à 21,9 M$ en 1988, à 25,7 M$ en 1989 et à 52,4 M$ en 1990. Les profits par action pendant ce temps ont grimpé avec la régularité de l’horloge : 0,08 $, 0,18 $, 0,27 $, 0,32 $ et 0,43 $.

J’ai payé 2,81 $ pour mes actions, soit 8,8 fois les profits de 1989 et 6,5 fois ceux de 1990.

Le bilan ne montrait aucune dette et avec 20 % de son actif total en encaisse. Parfait!

Les résultats de 1991 ont continué à être bons, ce qui a poussé le titre à un sommet de 11,62 $. J’ai d’ailleurs vendu 200 de mes actions le 23 août, à 11,12 $.

En août 1991, la SEC a écrit à Cascades lui révélant qu’elle révisait certaines de ses transactions. En septembre, des rumeurs à l’effet que les profits de Cascades étaient suspects ont commencé à faire baisser le titre. En octobre, le bulletin financier Overpriced Stock Service, publié par Michael Murphy, que je connaissais, a publié un rapport à l’effet que les risques de problème étaient très élevés avec Cascades et recommandait de vendre le titre à découvert.

Tous ces événements, un après l’autre, faisaient reculer le titre. Et la compagnie était muette.

Le 18 novembre, Victor Incendy, président de Cascades, disparaît dans la nature. Le lendemain, le Nasdaq suspend les transactions sur le titre (qui était à environ 2,50 $ à ce moment). Le 20 novembre, Cascades annonce que ses états financiers pour l’exercice 1991 pourraient ne pas refléter la réalité.

Quelques semaines plus tard, son président toujours disparu, Cascades se place sous la protection du Chapter 11 pour se restructurer. Mais, comme c’est toujours le cas, pour les actionnaires c’est une perte totale!

Cascades, plus précisément Victor Incendy, a fraudé les investisseurs, dont moi, en publiant des résultats ne représentant pas du tout la réalité (entre autres, elle gonflait le nombre de magasins qu’elle exploitait). M. Incendy a de plus vendu des millions d’actions de Cascades de façon non autorisée et mettait l’argent dans ses poches.

Avec le recul des années, je ne pense pas que j’aurais pu vraiment détecter cette fraude. En fait, il y a seulement deux signaux d’alarme, le premier étant le fait que les états financiers étaient vérifiés par un comptable privé (même pas une firme). Le deuxième : les résultats étaient trop beaux pour être vrais. Mais encore là, ce n’est pas si évident, car n’est-ce pas ce qu’on recherche tous, des sociétés qui accroissent ventes et profits avec régularité?

Morale de cette histoire : il faut être très vigilent, certes, mais pas paranoïaque car la possibilité de fraude fait partie de la vie de l’investisseur. La prudence a sa place et vous sauvera des pires désastres. Mais la paranoïa vous bloquera complètement de toutes les occasions de faire de l’argent.

Bernard Mooney

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