Encourager la médiocrité

Publié le 23/02/2014 à 22:07

Encourager la médiocrité

Publié le 23/02/2014 à 22:07

L'excellence est la meilleure protection possible, avance notre chroniqueur Bernard Mooney.

Le budget du gouvernement du Québec de la semaine dernière ne passera pas à l’histoire, entre autres parce qu’il ne sera probablement jamais adopté. Toutefois, ses propositions pour venir en aide aux sociétés québécoises qui sont la cible d’achat «hostile» devraient faire réfléchir.

En effet, le gouvernement Marois entend freiner l’exode des sièges sociaux en protégeant les entreprises québécoises contre les offres d’achat «hostiles». Pour y arriver, il propose deux modifications à la loi sur les sociétés par actions du Québec. Ces modifications ne sont pas radicales, mais elles ouvrent une porte dangereuse en encourageant systématiquement les entreprises médiocres et en déclin.

D’abord, il est évident qu’à la veille des élections, le gouvernement a joué la carte de la prudence, publiant un budget relativement conservateur. Rien pour semer la controverse, rien pour provoquer un changement de tendance dans les intentions de vote.

Par contre, pas besoin d’un esprit machiévélique pour prévoir qu’un premier budget d’un gouvernement majoritaire péquiste serait beaucoup plus interventionniste, plus «à gauche» comme disent les commentateurs politiques.

C’est pourquoi il faut surtout analyser l’esprit de la proposition du gouvernement québécois que les détails. Et c’est ce qui est inquiétant.

D’abord, comme c’est toujours le cas lorsque les politiciens agissent, l’intention semble bonne. On veut conserver ici au Québec les sièges sociaux et les emplois des importantes sociétés québécoises, les Rona, les Jean Coutu, etc. On veut aussi empêcher les étrangers de s’emparer de nos fleurons, à bas prix.

On a même créé un Groupe de travail sur la protection des entreprises québécoises. Et il semble que la grande majorité des gens du monde des affaires soient d’accord pour intervenir.

C’est évidemment un problème lorsqu’un siège social est déplacé hors des frontières du Québec. Il ne faut pas grande étude macro ou micro économique pour déterminer qu’il peut y avoir un impact négatif sur l’emploi. De plus, le fait de déplacer les décisions stratégiques vers Toronto, Vancouver, New York ou ailleurs sur la planète ne peut qu’avoir des répercussions négatives ici au Québec sur le plan économique et social.

Ceci dit, il faut réfléchir sur la différence entre l’effet et la cause. Lorsqu’un gouvernement modifie la loi pour aider les sociétés à se défendre devant les prédateurs étrangers, il ne règle pas vraiment le problème. Il ne fait que mettre un pansement bien superficiel sur le bobo. Car le vrai problème, c’est la médiocrité corporative.

Avez-vous entendu des rumeurs d’OPA sur Alimentation Couche-Tard ou sur Quincaillerie Richelieu? Non. Pourquoi? Parce que ces sociétés sont parmi les meilleures de leur secteur, tous pays confondus. Elles excellent et un prédateur serait la risée de la planète financière s’il lançait une offre les visant. Aucun actionnaire ne serait intéressé à vendre !

Ces championnes de l’excellence n’ont pas besoin de protection, car leur qualité est la meilleure protection possible.

Maintenant, dites-moi quel serait l’impact de mesures gouvernementales pour soi-disant protéger Québec inc ? Aider les sociétés qui ne vont nulle part revient à encourager directement la médiocrité. Le résultat à long terme : vous multipliez ces sociétés ordinaires et moins qu’ordinaires.

En tant que société, voulez-vous plus de ces sociétés en déclin ? Si oui, intervenez comme veut le faire le gouvernement du Québec. À mon avis, il y en a bien assez.

Enfin, n’oubliez pas que nous subventionnons très généreusement à gauche et à droite de bien des façons les entreprises privées au point de créer un bien-être social corporatif bien incrusté. Les compagnies sont ainsi bien assez accrochées aux mamelles de l’État sans avoir à les protéger davantage.

Bernard Mooney

 

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