Ce préjugé anti-Bourse qui ronge les épargnants


Édition du 07 Juin 2014

Ce préjugé anti-Bourse qui ronge les épargnants


Édition du 07 Juin 2014

La Bourse soulève les passions, les émotions les plus fondamentales de l'être humain. Tous les livres sérieux sur le sujet vous diront que vos deux ennemis principaux sont la peur et l'avidité. Et c'est vrai.

Pas surprenant qu'on ait élaboré des outils pour mesurer ces émotions et tenter de les utiliser pour prédire la performance des indices. On a démontré que, lorsque les investisseurs sont enthousiastes, voire euphoriques, cela se reflète à la Bourse par des cours élevés. Par conséquent, les perspectives à moyen terme sont moins bonnes.

Par contre, lorsque le pessimisme est généralisé, c'est le contraire qui se produit, car les prix déprimés augmentent le potentiel boursier.

Un de ces indicateurs de «sentiment» est le sondage hebdomadaire de l'American Association of Individual Investors (AAII). Chaque semaine, l'AAII demande à ses membres ce qu'ils pensent des perspectives boursières des six prochains mois. Lors de la semaine qui s'est terminée le 21 mai, 30,4 % s'estimaient optimistes, 43,2 % étaient neutres et 26,4 % négatifs.

Secret fascinant

Au cours de ma carrière, j'ai souvent écrit à ce sujet, pour donner une idée du climat boursier. Mais je ne me suis jamais arrêté à un aspect crucial qui se cache derrière ces sondages.

En effet, si vous faites la moyenne de ces mesures, semaine après semaine, sur une très longue période, vous découvrirez un secret fascinant. Selon le site de l'AAII, à long terme (on ne précise pas ce que cette expression signifie), 39,0 % des investisseurs sont positifs, 30,5 % sont neutres et 30,5 % sont négatifs à l'égard des perspectives boursières.

Un observateur fiable a fait les calculs depuis 1987 et il arrive à des résultats semblables, soit une moyenne de 38,8 % d'optimistes, 30,7 % de neutres et 30,5 % de pessimistes.

Ces données livrent un message fracassant : les investisseurs ne sont jamais vraiment optimistes à l'égard de la Bourse ! En moyenne, 60 % d'entre eux sont soit neutres ou pessimistes, tandis qu'environ 40 % sont optimistes.

Pourtant, depuis 1987, l'indice S&P 500 s'est apprécié de plus de 500 %, fournissant un rendement annuel composé de 7 %, sans tenir compte des dividendes. Ce qui est, grosso modo, conforme à la performance historique de la Bourse depuis plus de 100 ans.

Malgré ce rendement attrayant à long terme, les investisseurs ont été dans l'ensemble négatifs ou pessimistes face à la Bourse au cours de cette période. Autrement dit, la majorité des investisseurs n'ont pas fait preuve de l'optimisme dont on aurait été en droit de s'attendre rationnellement.

Près de deux investisseurs sur trois pendant cette période s'attendaient à ce que la Bourse baisse ou ne fasse rien et se sont trompés. Deux sur trois pendant 27 ans.

N'est-ce pas incroyable ? Car n'oubliez pas un point important : l'AAII sonde des investisseurs et non des gens dans la rue dont la plupart connaissent peu la Bourse. Ils devraient donc avoir un biais positif par rapport au marché boursier, mais c'est le contraire.

Si je vous dis que j'ai trouvé un outil de placement qui peut vous procurer un rendement annuel composé de 7 % pour les 20 prochaines années et que la seule condition est de le conserver sur l'ensemble de cette période, quelle sera votre réaction en supposant que j'ai une grande crédibilité à vos yeux ?

Il me semble que vous devriez être intéressé. Toutefois, si je poursuis en vous disant que je parle du marché boursier, plusieurs d'entre vous se sauveront en courant...

Je savais bien pour l'avoir vécu souvent que les gens ont un préjugé fort négatif face à la Bourse. Ce n'est pas surprenant si on tient compte du fait que les ratés des marchés financiers font toujours les manchettes et que leurs bons côtés sont systématiquement ignorés.

Par contre, il est fascinant de constater que, même les investisseurs, ceux qui devraient savoir, ceux qui devraient être mieux informés, sont également rongés, pourris devrais-je dire, par des préjugés anti-Bourse.

Deux facteurs en jeu

À la racine de ces préjugés, on retrouve deux grands facteurs. Le premier concerne l'obsession des épargnants pour le court terme. Observez d'abord que le sondage de l'AAII demande ce que les investisseurs pensent des perspectives boursières pour les six prochains mois. Or, pour un investisseur avisé, les six prochains mois n'ont aucune importance.

Pourquoi une organisation qui dit se consacrer à l'éducation des investisseurs mène-t-elle un sondage semblable ? Parce que ces derniers sont obsédés par la performance à court terme, au point de perdre toute perspective de la capacité de la Bourse de les enrichir à long terme.

Et cela s'explique par le second facteur, l'incapacité de faire abstraction des fluctuations boursières. Les investisseurs ont tendance à croire que la Bourse est aussi bonne (ou mauvaise) que sa plus récente fluctuation. Et comme les marchés ont l'habitude de fluctuer de façon irrationnelle et que ces variations font les manchettes constamment, on perd de vue l'essentiel.

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