Votre fournisseur de sans-fil a trouvé un autre moyen de vous soutirer encore plus d'argent

Publié le 16/11/2017 à 11:04

Votre fournisseur de sans-fil a trouvé un autre moyen de vous soutirer encore plus d'argent

Publié le 16/11/2017 à 11:04

Au Canada, c'est un sujet récurent: le coût du sans-fil est élevé. Un des plus élevés, sinon le plus élevé dans le monde. C'est encore plus apparent du côté des données mobiles, où le coût moyen par gigaoctet est tellement élevé que le Canada ne cadre même pas dans le tableau des coûts mobiles publiés par les experts internationaux en la matière :

mobile 

Sans surprise, ça mène les mobinautes canadiens à être précautionneux lorsque vient le temps de surfer sur le web mobile. Ce qui ralentit la croissance de l'Internet mobile au Canada, à une époque où c'est probablement la plateforme numérique ayant la plus forte croissance dans le monde. 

Pensez services financiers mobiles. Pensez applications de réalité augmentée mobiles. Pensez jeux vidéo mobiles. Et tout ce que ça implique sur ces industries, qui sont ainsi pénalisées lorsqu'elles sont originaires du Canada.

Comment les fournisseurs canadiens haussent leurs revenus

Le printemps dernier, le CRTC, dans un sursaut étonnant, a cru bon aider le consommateur moyen en obligeant tout téléphone vendu au Canada à être déverrouillé. C'est-à-dire qu'on peut désormais troquer une carte SIM d'un Bellou d'un Rogers pour celle d'un Telus ou d'un Vidéotron, sans limite et (presque) sans frais.

Une façon d'accroître la concurrence dans ce marché. À cette mesure s'ajoute celle concernant les frais pour l'utilisation de son téléphone en itinérance, qui ont été limités eux aussi par le CRTC. Le Code de l'organisme fédéral limite à 100$ par mois les frais qui peuvent être chargés de ce côté

(Ce qui n'est pas toujours respecté pour autant. Anecdote personnelle, lors d'un voyage à l'étranger le mois dernier, mon fournisseur m'a facturé en double, et par erreur, un forfait à 75$, pour un total de 150$ dépassant manifestement cette limite. Morale : même s'ils ont l'épaisseur d'un bottin téléphonique, il est important de bien éplucher ses relevés mensuels de sans-fil…)

Alors, qu'est-ce qu'on fait quand on se fait couper deux pratiques fort lucratives par les autorités réglementaires? On en trouve une autre. Et celle-là, au Canada, prend la forme des frais de dépassement du volume mensuel de données incluses dans le forfait des utilisateurs de sans-fil.

Ce n'est pas banal : dans les télécommunications, le secteur connaissant la plus forte croissance au Canada, selon le CRTC, est le sans-fil. Et dans le sans-fil, le secteur le plus chaud est l'Internet mobile. Une croissance annuelle de 18,8%.

Alors qu'aux États-Unis et ailleurs dans le monde, des fournisseurs proposent des forfaits mobiles de plus en plus généreux, incluant des dizaines de gigaoctets par mois à un prix raisonnable (il existe même des forfaits illimités…), au Canada, ce sont les revenus générés par le dépassement de ces forfaits qui sont de plus en plus généreux.

Et ça profite aux fournisseurs. Dans l'édition 2017 de son Rapport de surveillance des communications, le CRTC indique que «6% des revenus tirés des données mobiles par les fournisseurs canadiens provient directement des frais excédentaires imposés aux clients qui débordent de leur allocation mensuelle».

Sur des revenus mobiles totaux de 23 milliards, les revenus tirés des données mobiles était de 12 milliards $ en 2016, selon ce rapport. C'est à peu près le double des revenus générés en 2012. Et 6% de 11 milliards $, ça équivaut à 720 millions $.

Autrement dit, en faisant croire à leurs clients que la faute leur revient, puisqu'ils n'ont pas su respecter une limite imposée subjectivement par des forfaits mal adaptés à la réalité technologique de 2017, les fournisseurs de sans-fil canadiens sont parvenus à soutirer quelque 720 millions $ des consommateurs canadiens pour un service qui, en réalité, est illusoire : qu'est-ce qui fait que le septième gigaoctet que vous avez acheté en septembre coûte plus cher que les six premiers déjà inclus de base?

Il faudra le demander à Bell et Rogers, qui ont haussé leurs frais excédentaires de 40%, ces derniers mois. En ajoutant à cela les frais excédentaires toujours existants du côté de l'Internet résidentiel, Michael Geist, le professeur de l'Université d'Ottawa bien connu pour sa maîtrise des enjeux numériques au Canada, arrive à un total pas très réjouissant de 1,5 milliard $ en revenus additionnels pour les fournisseurs canadiens.

Dans ce contexte, on les comprend de ne pas vouloir changer des forfaits qui, grosso modo, sont les mêmes, en cette année du dixième anniversaire du iPhone, d'Apple, qu'ils l'étaient au moment du lancement de sa première version, en 2008…

Comment le CRTC pourrait agir

À la fin de l'an dernier, un cri de joie s'est fait entendre à l'échelle du Canada du côté des fournisseurs de services Internet indépendants. Rendant une décision en leur faveur, le CRTC a imposé une réduction du coût de la bande passante qui leur était vendue en gros par les géants que sont Bell, Rogers, Shaw et Vidéotron qui, dans certains cas, dépassait les 90% de rabais.

Ça a mené plusieurs de ces fournisseurs indépendants à faire sauter la limite mensuelle de téléchargement et de téléversement de données de leurs forfaits grand public. À regarder les rapports trimestriels publiés dernièrement, ça ne semble pas trop avoir fait mal aux géants du secteur.

S'il le désire, le CRTC pourrait jouer un rôle similaire du côté du sans-fil. Historiquement, le seul moment où les prix ont baissé au pays, c'est quand Industrie Canada a permis à de nouveaux fournisseurs de faire leur entrée dans le marché.

En imposant un plafond aux frais excédentaires, ou en forçant les grands fournisseurs à faire plus de place aux fournisseurs virtuels indépendants, tant le CRTC qu'Industrie Canada pourraient rendre à nouveau service aux consommateurs ainsi qu'aux entreprises canadiennes, en stimulant l'innovation en prime.

Sinon, il y a fort à parier que cette pratique continuera de croître, et que les frais excédentaires continueront d'occuper une place de plus en plus grande sur votre relevé mensuel de services sans fil.

 

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À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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