Stratégie numérique du Québec: «On sent le poids des lobbies»

Publié le 25/05/2016 à 12:19

Stratégie numérique du Québec: «On sent le poids des lobbies»

Publié le 25/05/2016 à 12:19

Une stratégie qui sent le lobbyisme? Les 188 millions de dollars de la Stratégie numérique du Québec (plus 100 millions $ pour accélérer l'internet en région) iront à celui qui criera le plus fort entre les secteurs des TI, du commerce de détail ou du manufacturier. Loin de la stratégie globale, plus près de l'électoralisme. La ministre Anglade est-elle tombée dans le piège de la politicaillerie en voulant satisfaire tout le monde à la fois?

C'est la réaction, à chaud, d'intervenants du secteur du «numérique au sens large», à la stratégie dévoilée vendredi dernier par Québec. Cette stratégie priorise cinq axes, dans l'ordre: 

1- stimuler l’émergence d’innovations par les technologies numériques et les données;

2- accélérer la transformation numérique des entreprises et l’adoption du commerce électronique;

3- renforcer la position du secteur des TIC comme chef de file mondial;

4- se doter des compétences numériques requises; et

5- assurer un environnement d’affaires attrayant et favorable au déploiement du numérique.

Ça reste assez large pour pouvoir espérer le meilleur, mais ça sonne comme le refrain trop souvent entendu, ces 20 dernières années, pour qu'on fasse autrement que craindre le pire («espérez le meilleur, prévoyez le pire», un mantra dans le monde du numérique...). Certains intervenants s'attendent à ce que ça parle fort au moment des consultations annoncées pour la suite des choses…

«Il faut aider le gouvernement», dit justement Stéphane Ricoul, qui dirige l'Académie du numérique. «Cette stratégie ne doit pas être que des belles paroles. Quand on lit entre les lignes, on sent le possible poids des lobbies: aide au commerce électronique, appui au secteur manufacturier, coup de pouce au commerce de détail… Ce sont des priorités importantes, mais la culture, la stratégie et le volet social devraient être en tête des priorités.»

Du rattrapage… au ralenti

Les 100 millions pour brancher les régions à la haute vitesse sont un bel exemple d'occasion ratée d'innover pour vrai. Les entreprises québécoises de tout acabit pourront-elles mieux se positionner en tête de file de leur secteur, maintenant qu'on leur promet un débit internet flirtant avec le débit moyen des connexions résidentielles de la plupart des régions développées dans le monde?

Aurait-il été plus stratégique de les aider à joindre en premier lieu les rangs de la prochaine grande vague numérique, comme par exemple le sans-fil de cinquième génération (la fameuse 5G attendue ailleurs dans le monde entre 2018 et 2020)?

Depuis le temps qu'on dit que «le contenu est roi», la survie incertaine des industries culturelles au sens large est un enjeu plus crucial, plus global, que le positionnement de Groupe CGI(Tor., GIB.A), laquelle de toute façon profiterait d'une stratégie culturelle numérique forte.

Ces deux exemples, le manque d'ambition dans la maîtrise des outils numériques de demain, et la priorisation des outils techniques plutôt que celle des industries culturelles qui doivent les utiliser pour prospérer, résument un peu la crainte qui plane autour du projet dévoilé par Québec: on est en mode rattrapage, et encore là, on avance au ralenti.

Bonne chance à tous ceux qui espèrent un coup de pouce pour prendre les devants dans leur domaine grâce au numérique…

 

À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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