Nous avons conduit la voiture autonome de demain

Publié le 27/10/2017 à 11:00, mis à jour le 30/10/2017 à 12:02

Nous avons conduit la voiture autonome de demain

Publié le 27/10/2017 à 11:00, mis à jour le 30/10/2017 à 12:02

Le prototype Infiniti Q50s ProPilot de Nissan.

Conduit-on réellement une voiture si on n'a pas à toucher son volant?

Il faut lui voir l'allure, à cette Infiniti Q50s… Cette grosse berline à moteur hybride ne fait déjà pas dans la simplicité, la voilà maquillée aux couleurs du projet ProPilot. Si tout se déroule comme prévu, c'est ce projet qui mènera Nissan à commercialiser sa première voiture entièrement autonome au plus tard en 2022.

À sa robe alvéolée argentée s'ajoutent six capteurs laser, neuf radars, douze sonars et douze caméras. Les plus apparentes sont les quatre logées juste au-dessus des portières, la pointe émergée de la technologie qui équipe la voiture. Tout le reste est logé dans le coffre, où l'électronique ne laisse aucune place à d'éventuels sacs d'épicerie. Quand la voiture file sur l'autoroute, on entend le sifflement des ventilateurs tempérant cette intelligence artificielle jusque dans l'habitacle…

ProPilot

Évidemment, d'ici cinq ans, tout ça sera raffiné, miniaturisé, et dissimulé de façon à rendre cette technologie à peu près invisible. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir (au propre comme au figuré) avant d'y parvenir, mais il ne faut pas négliger non plus les progrès faits ces derniers mois pour que Nissan puisse présenter, en cette chaude journée d'automne, un prototype de voiture autonome de niveau 4, le niveau d'autonomie le plus élevé avant qu'on puisse éliminer le volant, le pédalier et les autres commandes permettant de piloter soi-même la voiture.

Le niveau 4, c'est aussi le moment où on doit revoir son vocabulaire, car on voit bien approcher le jour où il sera impossible de parler de conduite ou de pilotage…

La meilleure amie des piétons

Évidemment, la Q50s ProPilot n'est pas le premier prototype du genre. Nissan, comme les autres fabricants japonais, est à la traîne d'une tendance initiée par les fabricants allemands, puis américains. Mercedes-Benz parlait de la voiture autonome bien avant que Tesla ne soit fondée par Elon Musk, en 2003…

L'objectif est louable: à terme, on compte éliminer les accidents de la route au grand complet. Un but chimérique, évidemment. On demande à des ordinateurs de prendre des décisions de vie ou de mort en une fraction de seconde. Ces mêmes ordinateurs qu'utilisent les ingénieurs du Centre de technologie avancée de Nissan, en banlieue de Tokyo, pour détailler sur grand écran le programme ProPilot.

Lorsque l'écran refuse de collaborer parce que l'ordinateur s'emballe, la question émerge : que se produira-t-il quand le PC conduisant la voiture hoquettera à son tour? Existe-t-il un bouton de redémarrage en cas de l'équivalent sur quatre roues du "Blue screen of death"?

Un peu plus tard, la voiture s'engagera dans une intersection tandis qu'un piéton traverse la rue devant elle. Celui-ci ne sait pas que la personne assise derrière le volant ne contrôle aucunement la voiture. Cette dernière attend patiemment qu'il ait les deux pieds sur le trottoir avant de relâcher les freins et de compléter son virage à gauche.

Une petite pression entre les omoplates qu'on n'avait pas remarquée jusque-là disparait soudainement. Si la voiture autonome est plus fiable qu'une présentation PowerPoint, peut-être devrait-on tenir ses réunions d'affaires futures dans l'auto plutôt qu'au bureau.

Tetsuma Iijima, l'ingénieur qui dirige le programme de voiture autonome de Nissan, nous révélera ensuite que sur les 2000 kilomètres parcourus par la Q50s autonome, le système s'est désengagé une cinquantaine de fois en tout. Selon les données officielles, c'est déjà mieux que la voiture autonome d'Uber, mais on est loin de Waymo (Google) ou même Tesla.

Il reste encore du chemin à faire. 

ProPilot

Improvisation mixte

Au fil des dernières années, votre humble serviteur a testé des prototypes plus ou moins autonomes signés BMW, Chevrolet, Mercedes-Benz, Tesla, Toyota, Volvo… Et maintenant, Nissan.

Chaque fois, le trajet est décidé d'avance. La voiture est programmée pour un environnement qui lui est familier. Ainsi, la Q50s a parcouru le même circuit aller-retour d'une dizaine de kilomètres plus de cinquante fois avant de faire la même chose avec des journalistes à son bord.

Chaque fois, les limites de la conduite autonome sont apparues bien plus évidentes que son potentiel. On se souvient d'un mannequin en carton qui s'est fait terrasser par une Prius soi-disant autonome tentant de démontrer l'efficacité de son système de détection des piétons…


Cette fois, par contre, il y a eu du nouveau : des situations aléatoires forçant la voiture à improviser. Outre le piéton de tout à l'heure, des véhicules sur l'autoroute l'ont menée à changer de voie à quelques reprises. Elle a dû patienter qu'un feu rouge empêchant le virage à droite passe au vert, et que les voitures en sens inverse s'immobilisent.

Chaque fois, elle avertit ses passagers de la manoeuvre à venir. C'est chic de sa part. Ça vise évidemment à rassurer. "Je sais ce que je fais", dit-elle, en somme. Et c'est ça le plus important dans cette aventure. Car si elle doit finir par voir le jour, la voiture autonome doit commencer par convaincre les gens qui s'y assoient qu'elle prendra toujours la bonne décision, peu importe le contexte.

Aucune des technologies existantes en ce moment n'est infaillible. La Q50s ProPilot non plus, de l'aveu même de son concepteur. Mais en se sortant de situations imprévues sans intervention humaine, elle franchit une étape importante en ce sens. Elle démontre du coup à quelle vitesse le développement de la technologie autonome progresse.

Et soudain, on a hâte à 2022…

Les frais de déplacement et d'hébergement pour ce reportage ont été payés par Nissan Canada.

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À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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