Feriez-vous confiance à un centre d'appels pour conduire votre voiture?

Publié le 25/08/2016 à 10:46

Feriez-vous confiance à un centre d'appels pour conduire votre voiture?

Publié le 25/08/2016 à 10:46

La voiture entièrement autonome de Ford est attendue dès 2021. (Photo: Ford)

Ce qui est actuellement de la science-fiction pourrait bientôt être réalité: se faire conduire par un chauffeur distant, qui pilote le véhicule à partir d'une centrale de contrôle reliée via sans-fil.

Si jamais vous voulez vivre dans le futur, il n'y rien comme un bon roman d'anticipation. Et à ce jeu, l'auteur anglais Charles Stross est passé maître. Pas pour rien s'il a régulièrement fait partie des nominés pour le prix Arthur C. Clarke, félicitant annuellement le meilleur roman de science-fiction écrit au Royaume-Uni.

Si vous êtes avides de ce type de littérature et désirez un aperçu de son œuvre, son roman Accelerando, publié en 2005, est disponible gratuitement sous forme de livrel via la licence libre Creative Commons. Accelerando raconte l'histoire d'une famille plutôt dysfonctionnelle avant, pendant et après une singularité technologique, un événement transformateur si intense que toute l'humanité s'en trouve chamboulée.

Cette histoire est pure fiction. En 2008 et 2011, Stross a publié «une trilogie à deux volets», Halting State et Rule 34. C'est dans ces deux bouquins qu'on voit un des meilleurs exemples de la prochaine évolution technologique qui pourrait nous frapper de plein fouet d'ici 2020: les réseaux sans fil de cinquième génération, ou 5G.

5G

Les réseaux 5G promettent un bond prodigieux de la technologie sans fil. Ce qu'on pourrait appeler, presque sans exagérer, une singularité en soi: des débits de quelques gigabits par seconde vont remplacer les quelques mégabits par seconde des réseaux LTE actuels.

Mieux: on pourra observer une «latence» de quelques millisecondes seulement, plutot que quelques centaines de millisecondes, comme c'est le cas actuellement. La latence, c'est le «temps de réflexe» du réseau, soit le délai requis entre l'envoi d'une commande à un objet distant et l'exécution de cette commande.

Dix millisecondes, pour un humain normal, c'est un délai impossible à détecter. Si vous voulez comparer: le moniteur sur lequel vous lisez ce texte se «rafraîchit» une fois toutes les 17 millisecondes, environ. Est-ce que votre œil remarque ce clignotement accéléré de l'écran? Coupez ce temps en deux, et c'est encore plus impossible à percevoir.

Bref, c'est là, avec les réseaux 5G, où l'internet des objets prendra véritablement naissance. Un énorme serveur web, un supercalculateur capable de traiter tous les algorithmes nécessaires à l'intelligence artificielle pour bien fonctionner, pourra ainsi contrôler à distance, via sans-fil, des objets connectés en tout genre. Dont des automobiles sans conducteur.

Dans le futur pas si lointain imaginé par Charles Stross, c'est précisément comme ça que se déplacent les gens, empruntant des taxis essentiellement robotisés qui peuvent être pilotés à distance, au besoin, par un humain confortablement assis à son poste de travail dans une centrale, ailleurs dans la ville. Préparez-vous: ce futur pourrait bientôt être réalité.

La voiture autonome sera assistée longtemps

Dans les technologies et dans l'automobile, on a découpé l'évolution de la voiture autonome en cinq niveaux. Nous sommes actuellement au niveau 0: l'humain tient le volant, effectue les changements de voie, etc. Le système Autopilot de Tesla est à peu près l'équivalent du niveau 2, où la voiture peut garder le cap, et changer de voies toute seule, dans certaines conditions précises.

Le niveau 5 est ce niveau où on peut arrêter d'inclure un volant, un pédalier et un levier de transmission, puisque la voiture peut tout faire elle-même, sans intervention physique d'un humain. On ne voit pas ça à l'horizon avant au moins 20 ans, selon les prévisions les plus optimistes.

L'e-magazine français Aruco, spécialisé dans l'internet des objets, résume bien le tout dans l'infographie suivante:

Charles Boulanger, PDG de LeddarTech, à Québec, conçoit des systèmes électroniques qui permettront éventuellement aux fabricants de mettre en marché des voitures autonomes. C'est lui qui, récemment, nous expliquait que le niveau 4, où la voiture est entièrement autonome la plupart du temps, mais avertira elle-même un éventuel conducteur advenant des conditions qu'elle ne peut pas gérer toute seule, sera probablement la norme pour un bon bout de temps. 

Au niveau 4, l'intervention humaine sera tout de même minimale, et il sera possible, pour des sociétés comme Uber, de mettre en place des centrales qui contrôleront à distance leur parc automobile. Après tout, avec dix millisecondes de délai entre lui et le volant, c'est comme si le chauffeur se trouvait dans la voiture...

Ça semble farfelu? C'est pourtant exactement le positionnement que semble prendre l'entreprise californienne maintenant qu'elle a mis la main sur la société Otto, la semaine dernière. Otto est spécialisée dans les outils de conduite autonome pour camions. Du même souffle, Uber a annoncé l'activation, à Pittsburgh cet automne, de 100 voitures Volvo à conduite autonome, qu'on pourra commander via l'application.

Dans l'automobile, tout le monde vise désormais ce niveau 4, avec une date de mise en marché qui se rapproche sans cesse: Ford parle de 2021. L'équipementier américain Delphi, très près de General Motors, compte lancer sa propre solution dès 2019.

Bref, d'ici 5 ans, on pourrait assister à une mise à niveau technologique comme on n'en a pas vu souvent depuis 100 ans. D'une part, l'arrivée d'une voiture pouvant se conduire elle-même, qui pourra passer les commandes à un éventuel assistant humain de temps en temps, quand elle en sentira le besoin. D'autre part, la mise en place d'une technologie sans fil, la 5G, conçue exprès pour contrôler à distance des robots et des appareils semi-autonomes.

Coïncidence? Pure fiction? Ou assistera-t-on, pour vrai, à une singularité technologique comme seule la science-fiction a le secret?

À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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