Cette solution toute simple mettrait fin à la crise des médias face à Facebook et Google

Publié le 10/04/2018 à 11:13

Cette solution toute simple mettrait fin à la crise des médias face à Facebook et Google

Publié le 10/04/2018 à 11:13

Est-il sage de se soumettre à la «sagesse» des géants du web? Ou serait-il plus raisonnable de redonner une autonomie financière aux vrais créateurs d’information?

La façon d’y arriver est d’une simplicité désarmante, quand on y pense. Et le Canada a déjà fait exactement ça pour sauver son industrie audiovisuelle, il y a une vingtaine d’années : en créant un fonds d’aide financière destiné aux producteurs de contenu, à partir des ristournes des entreprises qui, elles, génèrent des revenus grâce à ce contenu.

Quand on y regarde de plus près, qui, dans la chaîne de consommation de contenu qu’est Internet, en tire les plus grands bénéfices? Pointer du doigt Netflix et Google n’est pas la réponse. Ceux-là sont des concurrents des médias d’information et de divertissement puisqu’ils luttent pour le même temps d’attention des internautes.

Dire que les médias imprimés n'ont pas su faire la transition vers le numérique n'as pas toujours faux, mais c'est une fausse piste. La valeur de la publicité numérique a fondu comme neige au soleil, ces dix dernières années, et continuera de perdre en valeur à mesure que des développeurs comme Google (tiens tiens...) ajouteront des outils pour bloquer la publicité sur les sites web visités.

La réponse tombe dans votre boîte de courrier une fois par mois. Qui les consommateurs et les PME du pays paient-ils grassement pour afficher à l’écran de leur ordinateur ou leur mobile le fil d’information de Facebook, les résultats de recherche de Google, ainsi que les articles et vidéos des grands sites d’information?

Les fournisseurs d’accès à Internet. Ceux que certains auraient même aimé nationaliser. Ce sont eux qui tiennent les cordons de la bourse. Ils ont une adresse corporative au Canada, et sont beaucoup plus faciles à retracer que les entreprises étrangères que Québec tentera d’enrôler afin de facturer une TVQ-en-ligne qui, de l’avis de nombreux experts (incluant le ministre des Finances lui-même…), sera bien difficile à obtenir.

À plus d’un égard, ces fournisseurs jouent le même rôle, en 2018, que les télédiffuseurs et les câblodistributeurs jouaient à la fin du siècle dernier. Et le problème auquel le Canada fait face aujourd’hui est le même qu’il y a 30 ans : le sous-financement d’une frange de l'industrie locale provoqué par une concurrence étrangère écrasante, tandis qu'une autre frange en profite pleinement.

À l’époque, la solution s’est avérée simple : rééquilibrer le tout en créant un modèle qui aiderait les entreprises locales, sans limiter l’accès au contenu étranger.

Pourquoi la télé et pas Internet?

À un moment donné vers la fin du siècle dernier, les (rares) télédiffuseurs qui avaient droit d’antenne au Canada produisaient davantage de contenu à l’interne qu’ils en achetaient de l’extérieur. Puis, ça a changé : même à l’interne, TVA, Radio-Canada et les autres ont séparé la production de la distribution, un phénomène qui a pris de l’ampleur avec l’émergence des chaînes spécialisées, au tournant des années 90.

Soudain, acheter des productions produites chez nous au gros prix, ou acheter en liquidation des séries produites aux États-Unis, est devenu un enjeu majeur. À l’époque, on parlait même de «dumping culturel» en provenance de l’Oncle Sam.

Réagissant à tout ça, en 1995, le CRTC a décidé de créer le Fonds de production des câblodistributeurs, qui est devenu le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d’émissions canadiennes, puis le Fonds canadien de télévision en 1998.

Le FCT a ensuite été fusionné avec le Fonds des nouveaux médias du Canada, qui aidait ces mêmes producteurs télé à décliner des microsites ou des projets multimédias à partir de leurs productions.

De tout cela est né le Fonds de médias du Canada, en 2009. James Moore, à l’époque ministre fédéral du Patrimoine, a résumé son mandat comme suit : «Aider à équilibrer les règles du jeu à un moment où l'industrie subit des changements structuraux en investissant dans le secteur de la radiodiffusion et des médias numériques interactifs, et contribuer au dynamisme de l'économie canadienne et à la création d'emplois».

Cette déclaration ne manque pas de soulever une question : pourquoi la télé, et pas Internet? Parce que le CRTC a déclaré, en l’an 2000, qu’il ne désirait pas s’occuper d’Internet. Dix-huit ans et une crise des médias plus tard, est-ce une position qui tient toujours, pour un organisme qui a tout de même forcé la révision des prix des fournisseurs de services Internet il y a deux ans à peine?

Un fonds destiné à aider les entreprises canadiennes d’information, en plus des producteurs de contenu de divertissement, ne serait pas une idée si farfelue, puisque le modèle existe déjà. Et de l’avis de plusieurs, il s’acquitte plutôt bien de sa tâche.

Il suffirait de l’élargir pour l’adapter au contexte du réseau Internet, et le tour serait joué. Parce que c’est 2018, comme dirait l’autre.

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À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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