Big Brother est québécois

Publié le 24/07/2017 à 14:55

Big Brother est québécois

Publié le 24/07/2017 à 14:55

Ces caméras qui «lisent» les plaques d'immatriculation pourront bientôt en faire beaucoup plus. (Photo: Genetec)

Dans le 1984 d’Orwell, Big Brother est un personnage fictif. En 2017, c’est une technologie québécoise bien réelle qui permet de prédire où aura lieu le prochain crime.

Ne craignez rien, c'est une bonne nouvelle: ces technologies de surveillance rendent les quartiers chauds de certaines grandes villes américaines plus sécuritaires. En combinant l’intelligence artificielle, l’infonuagique et l’imagerie de haute résolution, Genetec, un des principaux acteurs du secteur des technologies de surveillance vidéo des secteurs publics et privés dans le monde, est parvenu à créer ce que Christian Morin, son vice-président responsable des services infonuagiques, appelle des «patrouilles de police préventives.»

«De nos jours, les technologies de surveillance vont bien au-delà de la simple sécurité», dit-il. «Nous collectons une telle quantité de données que nous pouvons en tirer beaucoup d’information sur le comportement des gens en général. On peut prédire dans quels quartiers envoyer les patrouilles afin que les crimes ne se produisent.»

Ça semble futuriste, mais c’est déjà appliqué dans des villes comme Chicago, dans l’Illinois, ou Detroit, au Michigan. Dans ce dernier cas, un projet développé par Genetec et la police municipale a notamment permis de réduire de 40 à 50 pourcent le taux de criminalité dans certains endroits de cette métropole déchue de l’Amérique industrielle du siècle dernier.

«Auparavant, on voyait souvent des criminels briser la vitrine latérale d’une voiture et récupérer des items de l’habitacle, puis se sauver sans impunité. Avec la vidéo haute définition, les policiers peuvent souvent retracer ces individus en 2 ou 3 heures à peine», ajoute M. Morin, qui précise toutefois que du flou est automatiquement généré sur les images pour protéger l’identité des gens. Les autorités doivent avoir un mandat délivré par un juge pour pouvoir identifier les gens filmés par les caméras de Genetec.

Pas besoin de ce niveau de détail pour autant. C’est en combinant l’historique criminel de rues ou de quartiers donnés, les données vidéo obtenues en temps réel et d’autres facteurs, comme l’actualité, la météo et autres, que Genetec parvient à optimiser le déploiement des patrouilles.

IA et reconnaissance vidéo : le potentiel commercial expliqué

Genetec est une entreprise de Saint-Laurent qui emploie environ 1000 personnes, réparties à divers endroits au Québec et ailleurs dans le monde. Elle ne dévoile pas son chiffre d’affaires, mais il se calcule en centaines de millions de dollars annuellement, et il croît à un rythme annualisé d’environ 30 %.

L’entreprise a récemment effectué un virage technologique important en passant d’une plateforme de surveillance vidéo privée à une plateforme hébergée sur les serveurs Azure, de Microsoft. En somme, ça lui ouvre les portes du marché international.

À l’ère des objets connectés et de l’intelligence artificielle, ça lui permet aussi d’élargir sa gamme de produits à autre chose que la simple surveillance vidéo. Ainsi, la même technologie qu’utilisent certains corps policiers afin de «lire» les plaques d’immatriculation des automobiles circulant sur la voie publique a soudainement de nouvelles applications.

À Longueuil, par exemple, le système de parcomètres à proximité de la station de métro utilise une technologie vidéo similaire pour identifier les véhicules garés en bordure de rue. Si leur temps de stationnement est échu, un employé est alors dépêché pour apposer une contravention au pare-brise.

Dans les stationnements privés, un tel système peut aussi remplacer les différentes vignettes qui sont autorisées à entrer, mais dont les heures ou les niveaux d’accès varient selon la catégorie d’employés, de cadres, ou de visiteurs.

Mieux : éventuellement, ces systèmes n’auront plus besoin de bornes de paiement, ou d’enregistrement préalable. «Tout ça sera automatisé», explique Christian Morin, un peu à la manière des caméras du pont à péage de l’Autoroute 25, dans l’est de l’île de Montréal.

Du côté commercial, Genetec aura de la concurrence féroce, toutefois : des géants comme Amazon et Wal-Mart bossent eux aussi sur des caméras vidéo intelligentes pouvant identifier les acheteurs et automatiser leur paiement, afin d’abolir les caisses enregistreuses.

En d’autres mots, il n’est pas loin le jour où la reconnaissance optique par vidéo sera si courante et si précise qu’elle prendra la place de nombreux boulots, et de nombreux systèmes qui sont présentement trop lents ou trop coûteux au goût des entreprises et des consommateurs.

Ce jour-là, on s’en doute, des géants comme Amazon, Facebook, Google et même Microsoft tenteront de s’accaparer la plus grosse part du gâteau. Probablement qu’à terme, il y aura plus d’un Big Brother. Au rythme où Genetec entend s’imposer, il semble qu’un de ceux-là pourrait bien être québécois.

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À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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