Avec son Projet xCloud, Microsoft tente de séduire... Montréal?

Publié le 29/01/2020 à 09:00

Avec son Projet xCloud, Microsoft tente de séduire... Montréal?

Publié le 29/01/2020 à 09:00

Le Projet xCloud de Microsoft fait les yeux doux à Montréal... ou à Trois-Rivières? (Photo: Alain McKenna/Les Affaires)

En octobre dernier, Microsoft a donné un premier aperçu de son Projet xCloud à des joueurs triés sur le volet aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Corée. Ce service de jeu en nuage, à mi-chemin entre sa plateforme Xbox Live déjà existante, et une offrande similaire de Google appelée Stadia, qui a officiellement vu le jour en novembre, fait son apparition au Canada aujourd’hui même.

Microsoft Canada ouvrira l’accès à xCloud au compte-gouttes, à mesure que les tests et les correctifs apportés à sa mécanique le rendent de plus en plus fiable. La société de Redmond ne dit pas combien d’heureux élus pourront jumeler leur contrôleur Xbox à un mobile Android, afin de lancer un ou l’autre des quelque 80 titres qui garnissent le catalogue de cette version éthérée de la Xbox, mais on sent que l’important est que tout fonctionne rondement.

Le contenu est roi

On sait que la communauté des joueurs de console peut être très exigeante, et qu’une mauvaise exécution pourrait coûter cher à Microsoft. Du côté de Google, déjà, on sent une certaine impatience devant une offre plus limitée que ce que souhaitaient les joueurs. L’ouverture d’un studio à Montréal est certainement un atout pour Mountain View, mais on ne verra pas les fruits de cet investissement avant deux ou trois ans, au moins.

Microsoft a un avantage à ce niveau, possédant déjà ses propres studios, et ses titres exclusifs. La plupart (Forza, Halo, Gears…) sont déjà présents sur xCloud. Et là où Google facture pour les titres présents sur Stadia, en plus de son abonnement mensuel, Microsoft offre un accès illimité, où seules les extensions (les fameux «DLC») nécessitent de sortir le portefeuille.

Pour le moment, du moins.

«L’aspect le plus important dans le monde du jeu vidéo, peu importe la formule, demeure le contenu, ça, on le sait», assure Kareem Choudhry, vice-président responsable du développement du jeu vidéo en nuage pour Microsoft, en entrevue. «On a en ce moment une quinzaine de titres exclusifs à notre plateforme ("franchises"), et on compte aussi sur des partenariats exclusifs avec d’autres éditeurs de jeu vidéo.»


Sur mesure pour éditeurs petits et grands

On peut se demander quelle stratégie motive ce mouvement de Microsoft vers l’infonuagique, pour sa division Xbox. Est-ce le début de la fin des consoles? Un moyen d’élargir la place des serveurs Azure au sein de la multinationale? Une façon détournée d’entrer dans le mobile, où le jeu compte pour une part importante de l’utilisation des téléphones intelligents?

La réponse semble plus large que ça. «Il y a 2 milliards de joueurs dans le monde, et ils n’ont pas tous les moyens de posséder une console. Pour les autres, ce sera une extension de ce qu’ils font déjà sur leur Xbox. On voit bien que la communauté des joueurs n’est pas liée à une seule console ou à une seule façon de consommer du jeu vidéo. Les jeux en eux-mêmes ont évolué, devant tour à tour un produit qu’on achète, un service qu’on consomme, et une communauté dans laquelle on partage ce qu’on fait», résume M. Choudhry.

Plus concrètement, xCloud est né en réaction à une certaine demande de la part des créateurs de jeux vidéo, phénomène auquel le Canada n’échappe pas. D’ailleurs, la disponibilité au pays de la version préliminaire du projet xCloud est le résultat d’une demande «particulièrement forte» de la part des joueurs, mais aussi des studios établis au pays, indique Catherine Gluckstein, directrice générale de xCloud.

«Notre série Gears vient de Vancouver, mais on voit aussi un centre de développement énorme à Montréal, et on compte bien investir dans cet écosystème. La plateforme xCloud a été conçue pour que tous les créateurs, qu’il s’agisse d’Ubisoft ou de Square Enix, ou d’un indépendant, puissent distribuer leurs jeux sur console, ou dans le nuage, sans avoir à investir davantage pour un ou pour l’autre», ajoute-t-elle.

Pour les joueurs, un abonnement mensuel permettra de jouer sur un mobile Android. Ils pourront accéder aux titres qu’ils ont déjà achetés, promet Microsoft, et il sera possible de voir le contenu de sa Xbox à distance également.

Bref, on tire dans toutes les directions, et on verra comment les utilisateurs s’en serviront. Les gens derrière la Xbox ne veulent pas dire s’ils ont des cibles en termes du nombre d’abonnés, à l’horizon, et on sent que le modèle financier, derrière xCloud, est appelé à être raffiné pour que les joueurs, les petits et grands éditeurs, ainsi que Microsoft soient satisfaits.

Ce sera tout un travail d’équilibriste : Netflix a peut-être eu la main heureuse, dans la vidéo, mais du côté de la musique, Spotify et Apple ne font certainement pas le bonheur, ni la fortune des créateurs de contenu, à l’heure actuelle…

xCloud : une mini Xbox dans sa poche

Coup de chance, Les Affaires a eu un accès un peu avant tout le monde à la plateforme xCloud. Avec un LG G8X en main (convergence, quand tu nous tiens…), ainsi qu’un petit adaptateur pour accrocher le téléphone au haut d’un contrôleur de Xbox, on a pu passer quelques instants à tester divers titres déjà présents au catalogue, dont Civilization Vi, Dirt et Destiny 2.

Dans ce dernier cas, on a pu voir des différences notoires dans la façon dont le jeu est pris en charge par le service de Microsoft, comparativement à Stadia, puisqu’il est disponible dans ces deux nuages, si vous permettez l’expression.

xCloud traite vraiment les jeux comme une console Xbox traditionnelle, mais renvoie le tout à l’écran d’un mobile. Et un écran de téléphone, c’est petit. Certains jeux où le scénario est truffé de textes et de cinématiques complexes ne s’y prêtent donc pas très bien. Et le chargement des chapitres se fait fréquemment, ce qui peut agacer à la longue, mais qui n’est pas bien différent de ce qu’on vit déjà sur les consoles, quand on y pense…

Stadia peut transmettre le tout sur un téléviseur via une clé Chromecast. C’est un atout, si on ne veut pas acheter une console. Microsoft, évidemment, a déjà sa Xbox dans des millions de foyers.

Par ailleurs, aucune idée si on verra ça sur un iPhone ou un iPad prochainement, mais Microsoft promet «un xCloud sur tous les appareils» le plus tôt possible (probablement d’ici la fin 2020 ou tôt en 2021). Une version pour les produits Windows verra assurément le jour avant celle pour les appareils d’Apple!

Entre temps, ironiquement, Stadia a l’avantage d’être plus universel, nécessitant uniquement le navigateur Chrome, qui est déjà omniprésent. Au chapitre de la bande passante, les deux semblent exiger sensiblement le même débit. On recommande 10 mégabits/seconde, mais c’est bel et bien un minimum.

Un WiFi résidentiel, ou la connexion cellulaire de votre sans-fil, sont conseillés (mais gare à la surconsommation de données mobiles!), les points d’accès publics étant tout simplement trop lents, la plupart du temps. En tout cas, ceux faits durant notre essai peinaient drôlement sous l’effort.

Au-delà de tout ça, jouer à Halo 5 dans l’autobus, avec un contrôleur de Xbox entre les mains, est une toute nouvelle expérience fort prometteuse, car on en redemande.

Pas pour rien si Sony a aussi des plans de jeux en nuage du côté de la PlayStation. On sent que ça fait partie du futur rapproché du jeu vidéo.

Et, croyez-le ou non, Montréal et le Canada sont au cœur de ce virage.

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À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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