Est-ce bientôt la fin du PIB ?

Publié le 08/06/2009 à 00:00

Est-ce bientôt la fin du PIB ?

Publié le 08/06/2009 à 00:00

Par Olivier Schmouker

Les critiques à l’égard du produit intérieur brut (PIB) ne cessent d’enfler depuis quelques années. Il ne tient pas compte des activités domestiques (ménage, jardinage, etc.), qui occupent autant de temps que celui passé au travail. Il n’est qu’une mesure quantitative, pas qualitative. Il oublie l’environnement. Etc.

C’est pourquoi, à l’initiative de la France, une commission internationale a été mise sur pied, présidée par Joseph Stiglitz, professeur à l’Université de Columbia et prix Nobel d’économie. Y travaillent également, entre autres, Amartya Sen, professeur à Harvard, et Jean-Paul Fitoussi, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris.

Après plusieurs mois de travail, cette commission semble avoir finalement décidé de conserver le PIB comme instrument de mesure de l’activité économique et sociale des pays, mais en y apportant des retouches majeures.

Prise en compte du développement durable 

Ainsi, l’accent est mis dans le pré-rapport sur le revenu disponible net des ménages, qui tient compte de leur épargne et de leur consommation. Un exemple : le concept d’épargne nette ajustée. C’est un des meilleurs indicateurs de «la surconsommation, du sous-investissement et de la pression démesurée sur leurs ressources». Il permet de mesurer «le vrai taux d’épargne dans l’économie après avoir pris en compte les investissements dans le capital humain, la réduction des ressources naturelles et les dommages causés par la pollution (émissions de CO2)», explique le pré-rapport.

Le concept d’épargne nette ajustée a été développé par la Banque mondiale dans l’optique d’avoir un indicateur universel du développement durable (en lieu et place d’autres indicateurs, tels les PIB vert et l’empreinte écologique). Il est toujours en cours d’étude, car il lui manque quelques données, en particulier une méthode pour mesurer les émissions de carbone.

«Si le PIB augmente, suis-je plus heureux ?» 

Le nouveau PIB devrait également mieux prendre en compte la qualité de vie. Par exemple, des indicateurs complémentaires devraient évaluer le temps non-salarié (loisirs, tâches domestiques, garde des enfants, etc.), le degré de liberté politique, les connections sociales de chacun, l’insécurité physique et économique, ou encore le niveau global d’éducation. Certains de ces indicateurs seraient basés sur des données existantes, mais d’autres seraient à mettre au point.

C’est que de moins en moins d’experts s’appuient vraiment sur le PIB pour avoir un reflet de la performance économique et et du progrès social d’un pays. Une question a déstabilisé l’indicateur, longtemps regardé comme le baromètre de l’économie des pays : «Si le PIB augmente, suis-je plus heureux?». L’absence de réponse soulignait les défauts de l’instrument de mesure…

Difficile d'évaluer les innovations

En fait, le PIB ne fournit qu’une estimation du dynamisme économique. Il compile certes des milliers de données issues des tableaux de comptabilités nationales, mais reste un indicateur limité.

Par exemple, il a du mal à s'adapter à toute innovation. L’économie du savoir, des technologies et des services est aujourd’hui devenue prépondérante, mais on a encore du mal à évaluer la valeur ajoutée d’une série télévisée, d’un service bancaire ou d’un conseil en informatique.

Les nouveautés technologiques posent également problème. Si un nouveau cellulaire suscite un engouement commercial, les statisticiens ont du mal à évaluer si la hausse des prix qui peut en découler est un simple effet de mode ou une vague en profondeur.

Idem, il est complexe d’évaluer les services publiques, que ce soit en santé, en éducation et autres. Pour l’instant, on leur attribue un prix fictif, en fonction de supposés coûts de production.

Mais surtout, le PIB actuel est un indicateur quantitatif, et non qualitatif. Par exemple, si une voiture est construite, il ne regarde aucunement s’il s’agit d’une voiture électrique ou d’un 4X4, et donc de l’impact du véhicule sur l’environnement, et par suite sur la qualité de vie des citoyens.

Le pré-rapport de la commission Stiglitz dresse pour l’instant les grandes lignes de réflexion des modifications à apporter au PIB. Ses recommandations finales ne sont pas encores exprimées, il faudra pour cela attendre encore plusieurs mois. Elles seront étudiées de près – voire retenues - par plusieurs pays et organismes internationaux, en particulier la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE).

EN SAVOIR PLUS :

Consultez le pré-rapport de la commission Stiglitz (PDF)

 

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