Si le CRTC est sérieux, il doit exiger le démantèlement de Québecor

Publié le 27/10/2012 à 00:00, mis à jour le 25/10/2012 à 10:22

Si le CRTC est sérieux, il doit exiger le démantèlement de Québecor

Publié le 27/10/2012 à 00:00, mis à jour le 25/10/2012 à 10:22

La décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de refuser l'acquisition d'Astral Media par BCE a été un choc.

BCE offrait 3,38 milliards de dollars pour acheter Astral Media, qui exploite 84 stations de radio et 20 chaînes de télévision payantes et spécialisées dans les deux langues officielles.

Comme bien des financiers, je pensais que l'approbation de cette transaction n'était qu'une formalité. Il semble que c'était une erreur de le croire, car la philosophie de l'organisme fédéral de réglementation a changé.

Le CRTC a reçu un mandat clair du gouvernement conservateur, celui de penser d'abord et avant tout à la protection des consommateurs. À la suite de l'annonce de cette décision, les experts du secteur s'entendent pour dire que Jean-Pierre Blais, nouveau président du CRTC, prend ce mandat très au sérieux. Comme le mentionnait un observateur torontois, ce ne sont plus les barons des médias qui sont au centre des préoccupations du CRTC, mais bien les consommateurs canadiens.

BCE giflée

Si c'est le cas, je ne peux qu'être d'accord. Au lieu d'observer et de réglementer du haut de sa tour d'ivoire, le CRTC le fera dorénavant au niveau de la rue, au milieu des consommateurs. Voilà une révolution pour une industrie qui n'a jamais été tendre envers ses clients. Par exemple, les sociétés de téléphone siphonnent des millions de dollars de ses jeunes clients ados en leur vendant des services de téléphonie mobile accompagnés de contrats complexes. Les abus de ce côté sont flagrants et le CRTC veut s'y attaquer. Bravo.

Par ailleurs, le refus du CRTC représente une importante gifle pour BCE. L'organisme de réglementation a expliqué que le fardeau de la preuve était dans le camp de BCE afin de démontrer les avantages pour le consommateur de se marier à Astral. «BCE n'a pas apporté de preuve convaincante que la transaction profiterait aux Canadiens», a indiqué le président du CRTC, Jean-Pierre Blais.

Comme le CRTC n'a pas estimé que la nouvelle concurrence du Web est inquiétante (il pourrait le regretter sous peu), il est difficile de voir comment BCE pouvait démontrer noir sur blanc les avantages pour le public d'acheter Astral.

Les dirigeants de BCE ont aussi sous-estimé l'effet de l'intense campagne financée par ses concurrents, dont Québecor, y compris une pétition en ligne signée par plus de 70 000 personnes. Les concurrents n'ont pas lésiné sur les moyens pour publiciser tous les désavantages de la transaction, réels et imaginés.

Et BCE n'a pas répliqué. Pourquoi ? «Parce que ce n'est pas notre style», a dit un dirigeant. Ce n'est guère convaincant. La vraie réponse, c'est que la direction croyait que l'approbation était dans la poche, le CRTC ne pouvant se laisser influencer par le bruit de concurrents sur la place publique. Grave erreur.

Au tour de Québecor, maintenant

Cela dit, ultimement, si on tient pour acquise la nouvelle orientation proconsommateur du CRTC, la transaction n'avait aucune chance d'être approuvée. D'ailleurs, j'espère que le CRTC ira au bout de son idée.

Dans son communiqué, l'organisme de réglementation a expliqué sa décision de ne pas approuver l'achat d'Astral par BCE ainsi : «L'acquisition des services d'Astral Media aurait créé une situation où une société de la taille et de l'envergure de BCE aurait pu exercer son pouvoir commercial de manière inéquitable et faire obstacle à une saine concurrence.»

En lisant cela, je me suis dit : «Wow... c'est exactement ce qui se passe tous les jours dans le marché québécois en raison de la domination de Québecor.»

Pour le CRTC, la suite logique est de cogner à la porte de Québecor et de forcer son démantèlement. En effet, il a refusé le mariage Bell-Astral parce que cela aurait donné à la mariée près de 34 % du marché télévisuel anglophone et plus de 24 % du marché francophone.

Or, Québecor domine largement le marché télévisuel au Québec avec ses 35 % de parts de marché. C'est sans compter sa domination du marché de la câblodistribution avec Vidéotron, sa mainmise du marché des magazines et de l'édition, et enfin, son règne du marché des journaux quotidiens et des hebdomadaires.

Le marché québécois, en raison de l'obstacle de la langue, n'offre pas la variété qu'on retrouve dans les autres provinces. Par exemple, le consommateur qui ne parle que le français ne peut se tourner vers les contenus anglais et américains s'il est insatisfait de l'offre de l'empire Québecor. Ce que peut facilement faire l'Ontarien insatisfait de Bell.

Pour le consommateur québécois, c'est un énorme désavantage.

De plus, la direction de Québecor a fait la preuve que sa stratégie de convergence s'exerce sans tenir compte des intérêts du consommateur. Ainsi, elle a, sans retenue, utilisé toute sa domination pour mener une campagne de dénigrement systématique visant à empêcher l'achat d'Astral Media par Bell. Sa stratégie de convergence, poussée à l'extrême, frôle souvent l'indécence commerciale.

Alors, si le CRTC est vraiment sérieux dans son virage proconsommateur, son prochain geste est d'exiger le démantèlement de Québecor.

Si vous dites qu'une telle intervention est impossible, puisque Québecor profite d'une clause de droits acquis, je vous répondrai que le CRTC, plus d'une fois, a déjà changé les règles du jeu. Pourquoi pas une autre fois pour aider les consommateurs québécois ?

bernard.mooney@tc.tc

blogue > www.lesaffaires.com/bernard-mooney

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