Le Québec passe à l'ère du 3D

Publié le 24/07/2010 à 00:00

Le Québec passe à l'ère du 3D

Publié le 24/07/2010 à 00:00

Par Alain McKenna

La Coupe du monde 2010 de soccer en Afrique du Sud a fait un gagnant insoupçonné : la télé 3D. Vingt-cinq matchs diffusés en trois dimensions dans 26 pays ont fait entrer l'industrie du divertissement dans une nouvelle ère.

Selon les experts, la Coupe du monde est le carburant dont avait besoin la technologie 3D pour prendre son envol. " À l'exception des Olympiques, la Coupe du monde a été la vitrine la plus importante pour ce type de technologie ", affirme Simon Murray, analyste du cabinet Informa. " Grâce à l'influence d'Hollywood, des fabricants de consoles de jeux vidéo et des éditeurs de jeux, la demande mondiale devrait croître rapidement. "

Une demande naissante, pour le moment : les premiers téléviseurs stéréoscopiques arrivent en boutique. Encore dispendieux, ils représenteront 39 % des ventes de téléviseurs d'ici 2014, selon les estimations.

Le film Avatar, entièrement en 3D et présenté au grand écran en décembre 2009, a créé un effet d'entraînement dans le secteur de l'électronique, note Andrew Sheehy, de Generator

Research.

" Ce n'était pas le cas avec la haute définition, dit-il en guise de comparaison. Des millions de consommateurs sortent des salles de cinéma et sont épatés par ce qu'ils ont vu. Cela va certainement accélérer l'adoption de cette technologie. "

Le Québec surfe sur la vague. Nous vous présentons cinq entreprises d'ici qui misent sur le 3D pour s'imposer sur la scène internationale.

SENSIO PENSE DÉJÀ À LA DEUXIÈME VAGUE

L'ENTREPRISE MONTRÉALAISE MISE SUR LA VIDÉO SUR DEMANDE ET LA WEBDIFFUSION.

Spécialisée dans la transmission de signaux 3D, Sensio Technologies veut s'établir comme la norme internationale en matière d'encodage de contenu stéréoscopique. La licence qu'elle a accordée au début de 2010 à Vizio, le numéro un des ventes de téléviseurs aux États-Unis, a partiellement concrétisé cet objectif. Internet et la vidéo sur demande devraient assurer la suite, espère la PME fondée il y a 10 ans. En télédiffusant 25 matchs de la Coupe du monde en 3D, la télévision stéréoscopique s'est offerte une vitrine de luxe cet été. Une vitrine que Sensio est fière de partager, sa technologie ayant servi à la diffusion en direct des matchs dans des cinémas partout dans le monde. Cette première génération de téléviseurs 3D est toutefois loin de marquer l'apogée de cette technologie, explique Richard LaBerge, directeur de la commercialisation et cofondateur de Sensio.

" La compression des images fait perdre environ 50 % de l'effet 3D. Aujourd'hui, ça ne dérange pas les consommateurs pressés d'adopter cette technologie, mais nous pensons qu'il y aura d'ici cinq ans un mouvement vers des produits de plus grande qualité, comme le nôtre, qui conserve 90 % de la qualité de l'image. "

Citant des ventes au ralenti de téléviseurs 3D (Sony a repoussé le lancement de ses produits et Panasonic n'arrivera sur le marché qu'à l'automne), M. LaBerge estime que la télé 3D ne connaîtra pas le succès immédiat du cinéma en trois dimensions.

" La production de 2 000 heures de contenu en 3D exige un investissement irréaliste de la part d'un télédiffuseur. Par contre, diffuser des événements spéciaux, comme la Coupe du monde ou des concerts, et les vendre à la pièce, semble plus logique. " Les jeux vidéo favoriseront l'essor du 3D. Inspiré du film, le jeu Avatar, auquel Sensio a collaboré , en fait foi, estime M. LaBerge.

Néanmoins, le cofondateur de Sensio estime que la stéréoscopie ne sera pas aussi répandue que la haute définition avant encore au moins cinq ans. Mais à ce moment, ce sera pour de bon, croit-il. " Le 3D sera aussi universel que le son ambiophonique l'est aujourd'hui, et d'ici là, nous comptons devenir la norme. "

L'ONF PARMI LES GRANDS INNOVATEURS

LES FILMS EN STÉRÉOSCOPIE COMPTENT DÉJÀ POUR 15 % DU BUDGET DU PRODUCTEUR CANADIEN.

Fondé il y a neuf ans, le StereoLab place l'Office national du film (ONF) parmi les pionniers mondiaux de la production cinématographique stéréoscopique. Une réputation qui attire non seulement les musées et les festivals, mais intéresse également des entreprises technologiques bien connues.

Même si ses productions représentent 15 % de celles de l'ONF, le StereoLab est petit : il s'agit d'un local situé dans les bureaux montréalais de l'ONF, où sont aménagés un écran de projection et quelques postes informatiques.

C'est tout de même là où est présentement parachevée la réalisation de six films, de documentaires, de films d'animation et d'oeuvres de fiction.

La technologie du StereoLab n'est que la pointe de l'iceberg : à travers des courts métrages comme Champlain retracé, une oeuvre en trois dimensions, l'ONF a acquis une expertise qui intéresse des noms importants du secteur numérique.

" Des sociétés comme Autodesk, qui veut mettre au point des logiciels pour les images en relief, s'intéressent à ce qu'on fait ", explique René Chénier, producteur exécutif du studio d'animation de l'ONF, duquel relève également le StereoLab. Selon M. Chénier, au moins trois autres entreprises, dont des fabricants d'appareils électroniques, ont pris contact avec lui pour nouer des partenariats.

M. Chénier s'en réjouit. " Ce n'est pas notre objectif principal, mais cela signifie qu'on remplit notre mandat d'innovation. Il y a une forte demande pour du contenu stéréoscopique, on sent que le mouvement de fond est amorcé. Les nouveaux réalisateurs y songent beaucoup, mais c'est encore une technologie de pointe. Au Canada, il n'y a que l'ONF qui puisse développer cette forme de création artistique. "

UN MARCHÉ DE POINTE PRESTIGIEUX POUR MIRANDA TECHNOLOGIES

LE CONTENU 3D COÛTE PLUS CHER À PRODUIRE QUE CELUI EN HAUTE DÉFINITION, MAIS L'ÉQUIPEMENT EST PLUS ABORDABLE.

Le téléspectateur qui regarde une émission diffusée en 3D n'est pas conscient des changements que cette technologie apporte à la chaîne de production. Miranda Technologies, elle, le sait : l'entreprise montréalaise fournit l'équipement nécessaire aux diffuseurs pour passer à la 3D. Ceux-ci sont plus prêts que jamais.

" Il y a deux ans, quand on en parlait aux diffuseurs, personne ne pensait faire la transition. Aujourd'hui, ils ont changé d'avis ", dit Michel Proulx, directeur de la technologie pour Miranda. " La Coupe du monde a aidé : avec les matchs en 3D, plusieurs distributeurs de nombreux pays ont dû modifier leur équipement pour assurer la diffusion. "

L'entreprise québécoise a donc mis en marché une nouvelle version de ses outils de production et de diffusion de contenu télévisuel adaptées à la stéréoscopie.

La volonté de certains diffuseurs, comme CBC au Canada, ESPN et Discovery aux États-Unis, ainsi que des distributeurs comme Sky en Europe a convaincu Miranda de se lancer dans ce marché émergent. Au Canada, seuls Bell et Shaw peuvent actuellement diffuser du contenu stéréoscopique.

La situation de l'univers télévisuel s'apparente à celle du cinéma. Alors que les studios hollywoodiens poussent les propriétaires de salles à moderniser leur équipement, les fabricants aimeraient que les télédiffuseurs se mettent à l'heure du 3D.

" Présentement, le 3D passe surtout par la webdiffusion ", dit M. Proulx. Selon lui, cette technologie sera réservée à des événements spéciaux : manifestations sportives, concerts et documentaires. À son avis, il ne s'agit pas d'une mode passagère. " C'est un contenu prestigieux qui exige relativement peu d'investissement. Cela représente un potentiel intéressant pour les diffuseurs et les distributeurs. "

L'AVENIR POUR UBISOFT MONTRÉAL

LE SUCCÈS DE LA STÉRÉOSCOPIE PASSE PAR LE JEU VIDÉO, ESTIME LE DIRECTEUR GÉNÉRAL D'UBISOFT MONTRÉAL.

Le film Avatar a non seulement été un moment- clé dans l'émergence de la technologie stéréoscopique, c'en est un aussi pour Ubisoft. L'éditeur français de jeux vidéo a publié le jeu tiré du film, également en 3D, tandis que sa filiale Hybride Technologies a créé certains des effets les plus spectaculaires de la superproduction hollywoodienne.

Quand on lui demande quel créneau a le plus de potentiel pour sa société, Yannis Mallat, directeur général d'Ubisoft Montréal, penche pour le jeu vidéo. " Le jeu est le média le plus approprié pour que la stéréoscopie gagne le salon des consommateurs, dit-il. Regarder un film en 3D exige un téléviseur, un décodeur et une version du film en 3D, tandis qu'un jeu nécessite seulement une télé 3D. "

M. Mallat ajoute que l'investissement requis pour concevoir des jeux vidéo stéréoscopiques n'est pas aussi important que celui nécessaire pour produire un film dans le même format. " Une fois qu'on a créé le moteur de jeu, on peut l'amortir sur plusieurs titres, alors qu'au cinéma, on doit tout refaire pour chaque production. "

Compte tenu de l'investissement additionnel peu élevé pour produire des jeux en stéréoscopie, Ubisoft Montréal compte offrir la plupart de ses titres à venir dans ce format. Déjà, Shaun White Skateboarding et la prochaine édition de la série Ghost Recon, tous deux attendus cet automne, auront leur version stéréoscopique.

Pour Ubisoft, le fait que peu de gens possèdent un téléviseur 3D n'est pas un problème : l'éditeur se positionne à long terme. " On pense que 20 % des foyers nord-américains auront un téléviseur 3D en 2013. On anticipe la demande ", explique Yannis Mallat, qui rêve déjà à la prochaine génération de stéréoscopie.

" Une nouvelle génération de consoles 3D sans lunettes arrive, comme la 3DS dévoilée par Nintendo cet été. Le jeu vidéo est un pionnier dans le secteur du divertissement. "

LA STÉRÉOSCOPIE EST PLUS QU'UN GADGET POUR HYBRIDE TECHNOLOGIES

LE CRÉATEUR D'EFFETS VISUELS LAURENTIEN COMPARE L'ÉMERGENCE DE CETTE TECHNOLOGIE À CELUI DES PREMIERS FILMS COULEUR.

En matière de 3D, de nombreux cinéphiles ont encore en tête ces films d'horreur des années 1950, où les images tridimensionnelles prenaient les spectateurs par surprise. La stéréoscopie est pourtant bien plus que ça, assure Pierre Raymond, fondateur d'Hybride Technologies, de Piedmont, et un des plus importants créateurs d'effets spéciaux en Amérique du Nord.

Son apport au cinéma pourrait être comparable à celui des premiers films en couleurs, estime l'homme d'affaires laurentien. " Bientôt, la stéréoscopie sera partout. Une fois qu'on aura compris que c'est plus qu'un gadget, cela ouvrira une nouvelle dimension à la réalisation. "

M. Raymond connaît bien le sujet : récemment acquise par Ubisoft, la société Hybride Technologies a travaillé sur plus d'une centaine de plans d'Avatar, le film hollywoodien le plus rentable de tous les temps. C'est d'ailleurs cette production qui l'a fait changer d'avis à propos de la 3D. " C'est le premier film où je n'ai pas ressenti le besoin d'enlever les lunettes en cours de projection ", dit-il. Si le succès de cette technologie se confirme, ce sera certainement de bon augure pour l'entreprise de M. Raymond, qui participe à environ trois ou quatre productions par an, aidant à réaliser souvent 300 ou 400 scènes par film. " En ce moment, la moitié des productions sur lesquelles on travaille sont entièrement en 3D. Les films de l'autre moitié contiennent quelques scènes seulement. "

Ces films sont des productions américaines. Les producteurs privés du Québec, comme ceux d'ailleurs dans le monde, n'ont pas encore réussi à justifier l'investissement dans cette technologie, qui augmente de 20 à 50 % le coût total d'une production. " L'investissement est trop élevé pour le cinéma québécois, constate Pierre Raymond. Il faudra que les coûts baissent sensiblement avant de voir un premier film québécois en stéréoscopie. " ?

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