Gaz naturel, le carburant au rabais

Publié le 21/04/2012 à 00:00

Gaz naturel, le carburant au rabais

Publié le 21/04/2012 à 00:00

Le Québec est le champion canadien de la consommation de mazout, lourd ou léger. La province dépasse même l'Ontario, avec sa forte population et son intense activité industrielle, et le Nouveau-Brunswick, avec ses centrales électriques alimentées au pétrole. Mais avec la baisse du prix du gaz et la hausse du cours du baril, la consommation de mazout a fléchi de 46 % entre 2004 et 2011, tous secteurs confondus. Et si vous faisiez le pas vous aussi ?

Pour la petite usine Papiers couchés Atlantic, la conversion au gaz s'imposait. La PME a abandonné en 2010 le mazout au profit du gaz naturel pour ses procédés, et a remplacé son vieux système de chauffage à eau chaude, également alimenté au pétrole, par un circuit à infrarouge connecté au réseau de Gaz Métro.

Des décisions payantes pour l'installation de Windsor, au nord de Sherbrooke. Dans l'opération, Atlantic pensait diminuer ses coûts d'énergie du quart ; ils ont plutôt diminué de moitié ! «Finalement, on économise 170 000 $ par année», se réjouit Sylvain Jutras, directeur de l'usine, qui compte une cinquantaine d'employés.

Les travaux ont coûté trois quarts de million de dollars, mais l'ancienne Agence d'efficacité énergétique (maintenant intégrée au ministère des Ressources naturelles et de la Faune) les a subventionnés à hauteur de 200 000 $. «Gaz Métro nous a aussi donné 150 000 $ en signant un contrat de 10 ans», ajoute Sylvain Jutras. Résultat : Atlantic n'a déboursé que 400 000 $. À ce rythme, l'investissement s'amortira en moins de trois ans.

L'entreprise réalise notamment d'importantes économies avec la conversion de son réservoir de bitume, utilisé pour fabriquer le papier d'isolation pour la construction. Afin de pouvoir le pomper jusqu'aux machines, le sous-produit visqueux doit être maintenu à 190 degrés Celsius. «On le chauffe en permanence, explique le directeur. C'est très énergivore et, avec le mazout, très polluant.» Grâce au gaz, Atlantic réalise une économie substantielle : pour la même valeur calorifique, un mètre cube de méthane est trois fois moins cher; il vaut en ce moment 31,25 ¢, par rapport à 93 ¢ le litre de mazout.

Des calculs complexes

À moins de 2 $ le gigajoule, le prix de gros du gaz naturel a atteint un plancher en près de 14 ans. Présentement, la conversion au gaz peut donc ressembler à une simple question de «gros bon sens». Mais ce n'est pas si simple.

Atlantic a profité de sa mise au rancart du mazout pour changer de systèmes, renouveler ses vieux équipements et améliorer l'efficacité énergétique de son bâtiment et de ses opérations, ce qu'elle aurait aussi pu faire, en partie, en continuant d'utiliser le pétrole.

En éliminant ce facteur, l'opération serait-elle aussi rentable à long terme ? «Malheureusement, c'est loin d'être évident», dit Benoît Légaré, chef de projet à la Direction de l'efficacité énergétique du ministère des Ressources naturelles et de la Faune. «Le prix du gaz est très bas, mais c'est en grande partie conjoncturel. Est-ce qu'il va le rester pendant un an ? Dix ans ?»

À cause de l'exploitation des gisements de gaz de schiste aux États-Unis et du ralentissement économique, le prix du gaz naturel atteint aujourd'hui des planchers. Mais à long terme, ils ne peuvent que remonter. «Les industriels devraient s'attendre à un prix de 5 ou 6 $ du GJ plutôt que 2 $», dit Jean-Thomas Bernard, professeur d'économie à l'Université d'Ottawa, spécialiste en énergie.

Le prix des contrats à terme de cinq ans sur le gaz est en ce moment de 4,78 $. Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal, croit que l'aubaine durera «deux ou trois ans». «Ensuite, beaucoup de gens voudront produire de l'électricité avec ce carburant en Amérique du Nord et le prix remontera.»

Chose certaine, le prix du gaz est des plus volatils. Il atteignait un sommet de 10 $ du GJ il y a moins de quatre ans, et il frôlait les 13 $ en janvier 2001... avant de retomber à un creux de 2,50 $, neuf mois plus tard !

2,088 G de litres de mazout (lourd et léger) consommés au Québec en 2011. C'est le quart de toute la consommation canadienne (22% au Nouveau-Brunswick; 15% en Ontario). Source : Statistique Canada

LA CONVERSION, COMBIEN ÇA COÛTE ?

Coût approximatif dans un entrepôt type de 250 000 pieds cubes, consommant 25 000 mètres cubes de gaz naturel.

Pour remplacer une chaudière à eau chaude fonctionnant...

au mazout et passer au gaz naturel : 24 000 $ (14 500 $ en tenant compte de l'aide financière)

à l'électricité et passer au gaz naturel : 26 000 $ (16 500 $ avec l'aide)

COMPARAISON DES COÛTS DE CHAUFFAGE POUR UN GROS CLIENT INDUSTRIEL

Mazout 881 823 $

Gaz naturel 344 655 $

Chauffage au gaz naturel : économie de 61 %

Facture annuelle pour un bâtiment consommant un million de mètres cubes, en 2011-2012

hugo.joncas@tc.tc

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