L'annonce de la construction d'un Colisée par Quebecor a été saluée à Québec. Cependant, cet amphithéâtre s'ajoute à une multitude d'autres projets de salles de spectacle et laisse craindre une surcapacité dans la région.

Un amphithéâtre moderne de 18 000 places, annoncé par Quebecor, dont la construction commencera cette année (400 M$). Une nouvelle salle de 625 sièges au centre-ville pour l'homme de théâtre Robert Lepage (60 M$). L'inauguration fin mars d'une salle de 200 places dans le quartier Lebourgneuf, en banlieue. À Lévis, le projet d'une salle d'au moins 750 places et un amphithéâtre glace-spectacles de 4 500 places. Il y a de quoi inquiéter ceux qui gèrent les salles de spectacle existantes dans la région de Québec, les principales salles regroupant déjà au moins 5 700 places. L'offre est-elle trop importante ?

«On va en souffrir. Car le dollar loisirs n'est pas extensible. Il y aura du changement dans les habitudes des consommateurs. C'est utopique de croire que tout le monde va remplir ces salles. Maintenir nos acquis est déjà un travail colossal», explique Michel Côté, directeur de la programmation au Grand Théâtre de Québec (2 salles, l'une de 500 et l'autre de 1 900 places).

En 2010, les arts de la scène ont engendré des revenus de billetterie de 38,1 millions de dollars dans la région de la Capitale-Nationale selon l'Observatoire de la culture et des communications du Québec. Le taux d'occupation de l'assistance payante des salles était de 65,8 %. Va-t-on maintenant convaincre plus de gens d'assister aux spectacles ou va-t-on être encore plus à se partager la tarte ?

«Dans un monde idéal, tout le monde trouve son créneau et réussit à rassembler son auditoire. Dans la vraie vie, comment vont se placer les choses ? L'amphithéâtre n'aura pas toujours des Madonna et des Céline Dion. Alors il risque d'y avoir chevauchement de vocations pour atteindre la masse critique qui fait la rentabilité», anticipe Claude Paquet, directeur de la Salle Albert-Rousseau, dans l'arrondissement Sainte-Foy.

«Ce sera aux nouveaux de faire leur place, mais c'est sûr que Quebecor, avec l'amphithéâtre, a tous les moyens marketing pour bien se positionner», ajoute-t-il.

Comme d'autres directeurs de salle, il cultive son optimisme malgré les projets annoncés qui vont bouleverser l'écosystème des salles de spectacle de la région. Il y a déjà eu des déséquilibres auparavant, et les choses se sont replacées, fait-il remarquer.

Victimes de la concurrence

Toutefois, il y a aussi eu des fermetures. Le Diamant de Robert Lepage, qui permettra à l'artiste de créer ses spectacles dans sa ville, prendra la place d'une des salles du Capitole, qui ne connaissait pas ses meilleures années. La direction n'a pas répondu à nos demandes d'entrevue, mais en 2009, elle avait dû retrancher 43 représentations du spectacle Les Misérables, victimes de la concurrence des spectacles gratuits en été. «Du jamais vu», disait alors Jean Pilote, qui dirigeait la salle depuis 17 ans.

En raison de l'augmentation marquée de l'offre durant les prochaines années, personne ne peut tenir son public pour acquis. Les Louis-José Houde et Martin Matte de ce monde préféreront peut-être donner une représentation en formule intime devant 6 000 spectateurs dans le nouvel amphithéâtre plutôt que de venir six fois à la Salle Albert-Rousseau. Mais le directeur ne baissera évidemment pas les bras et utilisera ses forces : l'accueil, la relation de confiance et le soutien marketing.

«J'ai un point de vue positif, car je veux que ça marche», dit-il, tout en restant attentif et prudent. Le taux d'occupation payant de sa salle de 1 300 places est de 71 %, ce qui est supérieur à la moyenne dans la région.

«Le projet de Lévis en est à la phase d'étude, alors je dors sur mes deux oreilles en ce moment. Si toutefois ça se construit, je vais me poser des questions sur la concurrence. Car cette salle visera le même genre de programmation que celle que nous offrons», souligne Claude Paquet, de la Salle Albert-Rousseau.

Des spectacles en banlieue

Les Affaires ont appris que la Ville de Lévis vient de confier à la firme Sodem le mandat d'étudier un plan d'affaires concernant un complexe multifonctionnel affaires-culture-loisirs autour de son nouveau centre de congrès. Au cours de la première phase, on aménagerait un amphithéâtre à deux glaces, dont l'une aurait une capacité de 4 500 sièges et pourrait accueillir des spectacles. Pendant la deuxième phase, on construirait une salle de spectacle d'au moins 750 places.

«Il n'y a pas de salle de nature publique dans Chaudière-Appalaches, et c'est un besoin criant», précise Philippe Meurant, directeur du développement de la Ville de Lévis.

La population des banlieues est en croissance, les villes veulent offrir des services publics à leurs citoyens.

«Ma prévision, c'est que l'offre de spectacles à Québec ira vers les banlieues. Ça fera comme le cinéma, qui a déserté le centre-ville [à l'exception d'une petite salle de répertoire, Le Cartier]», craint Michel Côté, du Grand Théâtre de Québec.

Le directeur du Palais Montcalm (salle récemment rénovée, mais qui n'a vendu que 61 % de ses billets l'an dernier) est moins inquiet. Il croit au pouvoir d'attraction du centre-ville. «C'est là que l'activité culturelle a lieu habituellement, c'est là qu'on observe les habitudes de fréquentation», dit Louis-Yves Nolin.

Claude Paquet, de la Salle Albert-Rousseau, n'en est pas aussi sûr, mais il relativise le risque. «C'est vrai qu'à Montréal, à partir du moment où les banlieues ont eu des salles bien équipées et des stationnements, elles ont eu du succès, mais ce contexte-là n'est pas aussi problématique à Québec qu'à Montréal, parce qu'on n'a pas les mêmes problèmes de circulation.»

NOMBRE D'ENTRÉES PAR 10 000 HABITANTS, EN 2010

17 892 à Montréal

14 365 à Québec

En périphérie de ces deux villes

4 550 en moyenne

Source : OCCQ

LA SURCAPACITÉ MISE EN LUMIÈRE

Région de la Capitale-Nationale, en 2010

53 salles

2 132 représentations payantes

997 000 entrées

65,8 % Taux d'occupation de l'assistance payante

Des milliers d'autres sièges à venir

Québec

L'amphithéâtre de Québec 18 000 sièges

Le Diamant 625 sièges

LaScène Lebourgneuf 182 sièges

Lévis

Aréna à deux glaces dont l'un des amphithéâtres servira aussi aux spectacles 4 500 sièges (ouverture 2013)

Salle de spectacles d'au moins 750 sièges

Source : OCCQ

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