" Combien de fois faut-il évoquer la chance en affaires avant de conclure au talent ? "

Publié le 06/02/2010 à 00:00

" Combien de fois faut-il évoquer la chance en affaires avant de conclure au talent ? "

Publié le 06/02/2010 à 00:00

Par Diane Bérard

Joseph Mimran a grandi dans un quartier de cols bleus de Toronto. Aujourd'hui, il est un des plus grands ambassadeurs de la mode canadienne. Durant les années 1980, il a successivement lancé la marque Alfred Sung et les chaînes de boutiques Club Monaco et Caban. En 1999, il vend le tout à Ralph Lauren pour 52 M$ US. Depuis, en collaboration avec Loblaw, il a créé la collection d'articles de maison Le Choix du Président, ainsi que la collection de vêtements et accessoires Joe Style Frais. Nous l'avons rencontré à l'Hôtel Opus, à Montréal.

Diane Bérard - Vos vêtements sont vendus dans des supermarchés, à côté des carottes et du pain tranché...

Joseph Mimran - Cela vous fait sourire ? Moi aussi. Joe Style Frais est la marque numéro un sur le marché canadien des vêtements pour enfants et numéro deux pour les vêtements toutes catégories. Il y a de quoi sourire.

D.B. - En 2004, ce projet de Loblaw vous a-t-il semblé farfelu?

J.M. - Il pouvait donner cette impression. Mais je savais que la chaîne ASDA, le deuxième détaillant britannique après Tesco, avait réussi pareille cohabitation avec beaucoup de succès. En 1990, ASDA a lancé la ligne George, du designer George Davies.

D.B. - Qu'aviez-vous à perdre dans l'aventure Joe Style Frais ?

J.M. - Mon nom ! Cependant, vous devez savoir que je connaissais bien la direction de Loblaw, la famille Weston. Je travaille avec eux depuis le début des années 2000 : ils m'avaient approché pour que je dessine leur collection d'articles de maison Le Choix du Président.

D.B. - Loblaw avait-elle quelque chose à perdre ?

J.M. - Une entreprise de cette taille ne peut pas se permettre de lancer quoi que ce soit à petite échelle. Sinon, le projet devient une source de distraction plutôt que de revenu. C'est pourquoi nous avons ouvert en même temps 40 boutiques Joe Style Frais de 10 000 pieds carrés chacune. Demandez à n'importe quel détaillant, cela constitue une offensive majeure.

D.B. - Quel est votre principal défi avec cette marque ?

J.M. - Nos produits se retrouvent dans un panier d'épicerie où aucun article ne coûte plus de dix dollars. Notre défi consiste à respecter ce seuil psychologique. Si le prix des articles de notre ligne varie de 1 $ à 89 $, le prix moyen, lui, est de dix dollars.

D.B. - Pourquoi avoir choisi ce nom ?

J.M. - Il était convenu avec Loblaw que la marque porterait mon nom, Joe pour Joseph, pour sa notoriété et sa crédibilité non pas auprès des consommateurs, mais de l'industrie en général. Nous avons ajouté " frais " pour référer à l'environnement dans lequel nos produits sont vendus.

D.B. - En 25 ans, vous avez bâti quatre marques canadiennes, Alfred Sung, Club Monaco, Caban et Joe Style Frais. Cela fait de vous une exception, pourquoi ?

J.M. - Quand on est Canadien, il est plus facile d'importer une marque étrangère que d'en créer une soi-même. C'est pourquoi vous pouvez compter les griffes canadiennes sur les doigts d'une main : Lululemon, Roots... (il fait une pause) Je n'en trouve pas d'autre pour l'instant.

D.B. - Pourquoi y a-t-il si peu de marques canadiennes ?

J.M. - C'est une question de volume. Percer à l'étranger est difficile. Mais lorsque vous y parvenez, vous gagnez bien votre vie. À Montréal ou Vancouver, même si vous êtes la saveur du mois, vous continuez à crever de faim. Et puis, il y a le marketing. Le Canada ne compte aucun magazine international qui pourrait servir de tremplin à nos marques, comme c'est le cas aux États-Unis.

D.B. - Comment avez-vous bâti les vôtres ?

J.M. - En jouant un rôle de jardinier. Vous passez vos journées à enlever les mauvaises herbes qui pourraient nuire à la récolte de cette année - " Revoyez la boutonnière de ce chandail ", " Reprenez les poches de ce pantalon ". Tout cela sans oublier de planter les graines qui produiront la récolte de l'an prochain - ce sont tous mes voyages partout dans le monde pour trouver les tissus, les sous-traitants, etc.

Le défi consiste à ne jamais négliger l'un au profit de l'autre, car il est facile de se perdre parmi les détails. Il faut faire preuve de constance. Tous les produits doivent porter le même message, collection après collection.

D.B. - À quelle industrie la mode ressemble-t-elle le plus ?

J.M. - À la technologie. Nous sommes confrontés à la même dictature de la nouveauté. Toutefois, la mode a un avantage sur la technologie : les clientes - ce sont surtout des femmes - ont tendance à vous donner une seconde chance lorsque vous les décevez. Enfin, certaines le font, parfois... Dans le domaine de la technologie, les consommateurs déçus ne pardonnent pas.

D.B. - Après la réussite de Club Monaco et Caban, avez-vous craint que vos meilleures années soient derrière vous ?

J.M. - Mon premier succès remonte aux années 1980, avec le designer Alfred Sung. À ce moment-là, tout le monde a dit que c'était la chance du débutant. Puis j'ai démarré Club Monaco et Caban. On m'a encore parlé de chance. Ensuite, il y a eu les produits pour la marque maison Le Choix du Président. Combien de fois évoque-t-on la chance en affaires avant de conclure au travail et au talent ? J'ai cessé de me dire qu'il me fallait un autre succès pour prouver que mes victoires précédentes n'étaient pas dues à la chance.

D.B. - Quelle est la prochaine étape pour Joe Style Frais, des ventes d'un miliard ?

J.M. - Ce sont les prévisions de Galen Weston II, le pdg de Loblaw. Si c'est le cas, ce sera l'équivalent de 10 milliards de dollars (G$) de ventes aux États-Unis.

D.B. - Comment comptez-vous atteindre ce chiffre magique de 1 G$ ?

J.M. - D'abord, nous avons élargi notre collection en ajoutant des accessoires. Nous amorçons maintenant la phase trois de notre développement en démarrant un réseau de boutiques qui ne seront rattachées à aucun supermarché. Il y en a quelques-unes déjà. Nous ajouterons notamment un magasin de 80 000 pieds carrés sur la rue Queen à Toronto. Souhaitons que je continue à avoir de la chance.

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