Projet de loi sur l'écoute électronique: qui paiera la note?

Publié le 17/02/2012 à 13:59

Projet de loi sur l'écoute électronique: qui paiera la note?

Publié le 17/02/2012 à 13:59

BLOGUE. Combien coûtera aux fournisseurs d'accès Internet et aux opérateurs sans fil, ainsi qu'à leurs consommateurs, le projet de loi fédéral pour augmenter les capacités « d'écoute électronique » des policiers.

Malheureusement, la réponse est encore floue. 

« Tel qu'il est actuellement, le projet de loi C-30 est très général en ce qui a trait aux obligations à notre endroit, résume Tom Copeland, président de la Canadian Association of Internet Providers (CAIP). Il n'y a pas de précisions sur le type d'interceptions que nous serions obligés de fournir ou sur le nombre d'interceptions que nous devrions être capables de mener simultanément, par exemple. » 

Rappelons les faits. Le gouvernement conservateur a présenté cette semaine en Chambre le projet de loi C-30, un peu honteusement appelé « Loi sur la protection des enfants contre les cyberprédateurs ». Je dis « honteusement » parce que le titre a été changé à la toute dernière minute pour des motifs politiques. Il est assez évidemment difficile de se prononcer contre un projet de loi visant en apparence à protéger les enfants des cyberprédateurs, même s'il se cache dans ses articles plusieurs risques allant bien au-delà de cet enjeu.

En réalité, l'enjeu dont il est ici question est l'« accès légal », et il n'est pas nouveau. Il vise les cyberprédateurs, mais aussi toutes les autres formes de crimes imaginables pouvant laisser des traces sur Internet, du crime organisé à la fraude, en passant par le terrorisme.

Une première ébauche d'un projet de loi du genre a été déposée en 2002, il y a dix ans, par le gouvernement libéral. Les principaux partisans en sont les corps policiers, qui affirment que les lois actuelles ne leur fournissent pas la capacité d'intercepter comme il se devrait les communications modernes dans leur lutte contre le crime.

Depuis 10 ans, diverses versions de ce projet de loi ont été déposées et il n'a jamais eu le temps d'être adopté à cause de la chute de gouvernements minoritaires successifs. Ceci dit, ces tentatives répétées ont généré des heures et des heures de débats en comités et ailleurs afin de tenter de déterminer où exactement se situe la frontière entre un accès suffisant des policiers dans le cadre de leur travail et le respect de la vie privée des citoyens. C'est un débat extrêmement complexe, tant du point de vue technique que philosophique.

Qui paiera?

Mais il y a une chose dans tout cela qui est bien réelle : le projet de loi aura des coûts. Et ce qu'on ignore, c'est qui les paiera.

« À l'heure actuelle, explique Marc Choma, directeur des communications de l'Association canadienne des télécommunications sans fil (ACTS), chaque opérateur a ses propres arrangements avec les policiers. Mais dans la plupart des cas, les policiers reçoivent une facture. Est-ce que ce sera toujours le cas? On veut s'assurer que oui. Personne ne s'attend à ce que GM ou Chevrolet fournisse des voitures aux policiers gratuitement. Nos services ont un coût aussi. »

Les opérateurs sans fil, selon M. Choma, dépensent déjà des millions de dollars pour assurer aux policiers l'accès à leurs réseaux. Il y a l'équipement, bien sûr, mais aussi le personnel, qui doit être disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour répondre aux demandes.

Les nouvelles exigences pourraient être encore plus coûteuses. On pourrait par exemple leur demander, ainsi qu'aux fournisseurs d'accès Internet filaire, de fournir aux policiers la capacité d' isoler « toutes les données générées par ou pour un client précis » et de les fournir aux policiers parfois en temps réel, parfois après les avoir stockées, selon le résumé fait par M. Copeland. Il faudrait pour cela vraisemblablement ajouter de l'équipement, dont la nature et la quantité seront déterminés lorsque le projet de loi sera plus clair.

Déjà possible

Une partie du débat autour de ce projet de loi tourne autour du fait que les policiers ont déjà accès à la plupart des pouvoirs que celui-ci doit leur accorder. Les causes criminelles dans lesquelles des communications électroniques ont été versées en preuve sont légion.

Intercepter des communications sur Internet, même en temps réel, est non seulement déjà réalisable, mais « se fait déjà de façon régulière », assure M. Copeland. À condition d'avoir un mandat.

Même chose pour ce qui est de demander à un fournisseur d'accès qui est le client qui se cache derrière une adresse Internet (adresse IP). Même que dans ce cas, « la plupart d'entre nous n'exigent même pas de mandat pour fournir le nom et l'adresse d'un client quand il est question de sécurité d'un enfant », confie M. Copeland.

En fait, selon ce qu'en comprend M. Copeland, c'est que les policiers voudraient pouvoir utiliser l'écoute des communications électroniques plus tôt dans leur processus d'enquête. « Présentement, ce qu'ils nous disent, c'est que pour avoir un mandat, ils doivent déjà présenter beaucoup de preuve au juge. Ils voudraient pouvoir obtenir cette preuve via les communications. »

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